- Approchez, approchez, venez tâter notre orc bien frais ! C'est du bel orc ça, madame. Deux troncs pour les jambes, une petite tête posée sur une montagne de muscles, un buste large comme deux tonneaux ! Frappez-moi ce torse, c'est dur comme de l'acier !
*Bong Bong !*
- Il sonne creux, votre orc...
Oh Oh...
Vous avez remarqué ? L'inquisition, ce n'est jamais bien. Comprenez, je n'attends pas à ce que ça soit sympa et rigolo, mais qui vous dit que des fois, les inquisiteurs n'ont pas raison ? OK, ils tuent, oppressent, torturent... C'est pas cool. Mais je connais plein d'univers d'heroïc fantasy où une foi aveugle en un dieu omnipotent est tout à fait légitime, et où le massacre des orcs ne dérangera pas grand monde. Genre on se pose des questions sur leur culture et leur condition de vie maintenant ? En tout cas, c'est ce que font Cyanide et Spiders pour Of Orcs and Men, qui vous met dans les peaux (vertes) d'un duo de choc censé mettre fin à plus de dix ans d'inquisition envers un peuple, certes brutal et querelleur, mais pas dénué d'une certaine civilité rustre.
Les gobs sont sympas !
Vous êtes donc Arkaïl, alias Le Boucher, élite Bloodjaw dont la mission n'est rien de moins que de tuer l'empereur, pendant une réunion durant laquelle il doit obtenir l'aide des nains et des elfes dans sa croisade anti-orcs. Au final le scénario est sympa, mais sans grande surprise. C'est surtout l'ambiance et les personnages qui séduisent, notamment le Goblin Styx qui accompagne Arkaïl en tant que passeur pour infiltrer les lignes ennemies. Non seulement Styx possède le meilleur background du jeu, mais en plus il est fantastiquement doublé en français. Les dialogues s'avèrent d'ailleurs bien écrits dans leur style très cru et moderne (et grossier, mais c'est de circonstance). Avec juste un poil de redondance et une petite tendance à en rajouter, un peu comme dans le RPG Game of Thrones, du même développeur, mais en moins marqué. En tout cas, c'est assez drôle. Néanmoins, ne vous attendez pas à des choix profonds. Arkaïl et Styx discutent régulièrement, on prend quelques décisions de temps en temps, il n'y a pas d'influence, de persuasion ou quoi que ce soit dans les stats de vos persos. Donc si vous êtes fan de roleplay et de choix moraux, pas sûr que Of Orcs and Men soit fait pour vous.
En progrès...
Vous aurez votre lot de combats par contre. En fait, il n'y a quasiment que ça dans ce RPG. Là encore, on retrouve le système de Game of Thrones amélioré, c'est-à-dire du temps réel que l'on met en pause « ralenti » à volonté pour choisir les actions des deux personnages. L'avantage cette fois, c'est que la progression est moins fouillée et plus utile en jeu. Ainsi Arkaïl et Styx achètent ou améliorent une compétence à chaque niveau parmi trois catégories : offense, équipe et défense. Ça doit en faire une quinzaine en tout par perso. Ce qui est très bien, c'est qu'il est obligatoire de choisir une amélioration parmi deux (l'autre est définitivement perdue). De plus on finit le jeu sans avoir tout à fond, ça change. Les mécanismes vous demanderont de gérer le type de cible (armure ou non), la menace des adversaires selon qui attaque et qui défend, les buffs/débuffs, etc.
...mais il reste du chemin
Tout cela représente un bon début, mais dans les faits l'action reste encore confuse : il faudrait que le moteur de jeu gère mieux le placement des ennemis et les collisions. Ça pourrait même devenir un élément tactique important. Dans le JDR papier Runemaster, il y a bien 20ans, le système prenait en compte la longueur des armes, les zones de contrôles et les possibilités de rentrer sous la garde de l'adversaire. Si un RPG pouvait simuler cela un jour, ça serait le bonheur. Le boulot de Cyanide et Spiders semble sur cette voie, mais il reste du chemin... Déjà, une caméra qui fasse pas n'importe quoi, ça sera bien. Sans oublier l'IA, qui n'est pas au top. Les développeurs ont eu l'idée de faire une attaque commune où Arkaïl lance Styx sur l'ennemi. Ce qui est utile, car certains porteurs d'armes à distance sont parfois à des endroits inaccessibles. Sauf qu'une fois que Styx y est, il est lui aussi inaccessible : je l'ai vu buter à lui tout seul une armée de l'inquisition immobile avec ses couteaux de lancer, tranquille depuis sa plate forme. Okay... Ce n'est pas fréquent non plus (deux occurrences), mais ça montre à quel point le jeu a été « travaillé ».
L'idée qui tue
Toujours côté combat, Arkaïl doit aussi maîtriser sa rage, pour ne pas passer berserk à un moment inopportun. La rage monte qu'il tape ou qu'il prenne des coups : lorsque la barre est à fond, on perd le contrôle et il attaque, certes violemment, mais n'importe comment. De plus, s'il reste des ennemis en vie à la fin de sa crise, il met du temps à retrouver ses esprits. Dans sa rage et sa confusion, il est aussi très vulnérable et ne résiste pas très longtemps. Certaines compétences réduisent la fatidique barre rouge, il faut donc tenter de temporiser. Et parfois, c'est amusant de le voir s'énerver et buter tout le monde, même s'il n'y a qu'une animation d'exécution. La contrepartie existe aussi : le regarder, impuissant, faire n'imp' et perdre un affrontement peut se révéler très frustrant. Il s'agit là d'une idée de gameplay à double tranchant, et personnellement, elle me semble plus souvent frapper du mauvais côté. Bref, "l'action" est pas mal, mais si vous aimez les combats tactiques et bien huilés, je doute que Of Orcs and Men soit tout à fait pour vous.
Sam féchier
Styx possède aussi sa particularité : il peut devenir quasiment invisible pour dessouder les gardes et autres patrouilleurs isolés. Ou pas trop isolés, car ils sont vraiment bigleux. En fait le jeu consiste à libérer un passage de temps en temps, ou à réduire les effectifs opposés avant un affrontement inévitable. Styx part en avant et plante tous ceux qui ne sont pas dans le champ de vision direct d'un de leurs confrères, si possible en butant le maximum de cibles importantes (genre les sergents et autres soldats d'élite). Vous vous amuserez donc à trouver le bon ordre d'assassinat pour optimiser le talent de Styx. Sachant qu'on peut parfois buter le mec à l'arrière de la patrouille, sans que les autres le remarquent. Même quand ils reviennent sur leur pas, car ces idiots sont binaires : position calme ou en combat quand ils voient une peau verte. Donc le cadavre d'un pote sous leurs pieds, ça ne les choque pas plus que ça. Il ne le remarque même pas. Forcément, ça facilite les choses pour Styx, mais si vous aimez l'infiltration, je peux vous assurer que Of Orcs and Men, n'est pas un jeu pour vous.
Le RPG Rail shooter
Ainsi se déroule le nouveau RPG de Cyanide et Spiders, combat après combat le long de niveaux couloirs. L'histoire se développe en chapitre narré par l'inénarrable Styx, et se décompose en divers lieux tous basés sur le modèle fameux du couloir. Courir le long du couloir vous mène au couloir suivant et, de temps en temps, à un petit coin calme où discuter avec quelques PNJ. Ceux-ci vous donneront une poignée de missions dans quelques corridors annexes avant que vous ne continuiez votre chemin dans un autre ravin, allée, tunnel, etc. Parfois un renfoncement, voire un embranchement (gasp!) vous mène à un coffre, histoire de mettre à jour votre équipement. Il y a très peu de butin à accumuler. Quasiment aucun en fait. On garde et on améliore (via un marchand) les pièces qui apportent des bonus correspondant à vos spécialisations de personnage. Le reste est vendu. Ça fait quoi ? Une vingtaine de morceaux d'armure pour les deux persos sur toute l'aventure ? Je n'ai pas compté. Quoi qu'il en soit, si vous êtes fan d'exploration et de loot, vous pouvez oublier Of Orcs and Men, qui n'est pas un jeu pour vous.
Un train nommé retard
Quant à la technique, ce n'est pas ce qui se fait de pire sur le marché, heureusement, mais ça n'est pas encore au top non plus. Le moteur est sympa et offre quelques beaux décors rocailleux. Il a un peu de mal avec la végétation en revanche. Les animations sont sympas, mais seulement tout ce qui concerne le combat. Les autres s'avèrent moyennes et desservent la mise en scène, qui d'ailleurs ne fait pas un très bon boulot de synchronisation labiale. Même les musiques sont dans la même veine que le reste du jeu : l'idée est là, mais par manque de profondeur et de richesse, elles deviennent répétitives et soûlantes. Clairement, si vous appréciez les titres qui en mettent plein la vue, Of Orcs and Men pas être trop trop pour vous.
Que rajouter ? Je pense avoir bien fait le tour du gameplay tel que vous le découvrirez dès la première demi-heure de jeu. Le reste est du copié-collé jusqu'à la fin, avec une difficulté mal maîtrisée qui plus est. Selon vos choix de perso, certains combats peuvent être très durs. À vrai dire, j'ai fini par passer en mode facile, juste pour en terminer plus vite tellement je m'ennuyais. C'est simplement triste au final : ce titre en entier souffre d'un manque de moyen évident : pas de contenu ; peu de mécanismes, répétés sans honte ; des bugs et des lacunes grossières... Ou bien l'argent du développement n'a pas été consacré aux bonnes priorités. Alors si finalement vous vous demandez pour qui est fait Of Orcs and Men, et bien franchement, je n'en sais rien. Je n'en sais foutrement rien.