Des guerriers chinois et japonais. Des invités de choix. Des armées sorties de l'enfer. Tous les ingrédients sont là pour faire un "Musô" beau comme un baroud d'honneur.
Musô Brawl
Il y a comme un problème avec les Musô. Il y a les joueurs qui font partie du clan, les "true believers". Et les autres, ceux qui te disent : "désolé, j'comprends vraiment pas". Comme si l'on devait s'excuser d'aimer. La vérité, c'est que le genre Musô a passé le cap des dix ans, un moment dangereux pour un genre qui peine à se renouveler, un style menacé à tout moment de plonger dans l'hibernation forcée qu'ont connu les jeux de baston 2D à la fin de la Dreamcast. Orochi ne va pas transiger avec sa recette. C'est toujours ce jeu de baston massif, dans la peau du général seul face à une armée entière. Pire, Orochi est aux Dynasty Warriors ce que Smash Bros. est à Nintendo ; on prend tout les mecs en stock, et boum !
Majora's Musô
Il n'y a pas grand chose de nouveau dans Warriors Orochi 3 mais tout ce qui s'y trouve est assez jouissif. A commencer par le scénario, qui nous place dans la peau d'un trio de généraux sino-japonais qui vont affronter Youja, une hydre polycéphale. Peine perdue, c'est un démon quasi-invulnérable. Alors que tout semble perdu, ils sont téléportés dans le temps et l'espace avec pour objectif de former et entrainer l'armée qui viendra à bout de cette hydre légendaire. Evidemment, leur but sera d'aller choper les V.I.P de l'Histoire asiatique mais aussi quelques têtes connues des jeux Tecmo et Koei. Car depuis Smash Bros. et Koh Lanta, la règle de tout "All Stars" est d'avoir une liste d'invités susceptible d'attirer un public curieux de voir Ryu Hayabusa (Ninja Gaiden), Ayane (Dead or Alive) ou Jeanne d'Arc se mélanger pour faire face au défi impossible de nos guerriers barbus et moustachus. Et on ne pourra en choisir que 3 en même temps parmi un panel vertigineux de 132 personnages. Suikoden, battu par K.O.
La formule
Ils étaient bien malins, ceux qui avaient prédit il y a dix ans que les Dynasty Warriors deviendraient un standard, un canevas dans lequel viendraient se lover les mangas célèbres avec généralement peu de réussite (Ken, One Piece). Même Capcom, en voisin jaloux, a apporté sa pierre au standard avec Sengoku Basara. Pourtant de petites nouveautés viennent se greffer ça et là, snobant les QTE dont raffolent les wannabe du beat them all. Les "cross combos" en switchant de personnages, les casseurs de garde, les cancels, tout cela relève plutôt d'un goupillage propre aux jeux de baston 2D, où chaque micro élément participe à un équilibre de jeu toujours fragile.
Droit au but
Mais tout cela, c'est du baratin. La classe de cet ultime épisode est palpable, surtout quand je repense à toutes les heures passées sur les deux premiers Orochi (en fait un seul jeu agrémenté de son data disk au Japon, maladroitement renommé, d'où le 3 grotesque du titre en occident). Chacun des éléments de ce nouvel épisode, de l'armement à forger au système d'entente entre les personnages qui pourra débloquer des cartes, tout a été déjà vu quelque part. Ce qui compte, c'est le plaisir ressenti en papillonnant de missions en missions, à la recherche de nouveaux compagnons de lutte puis en repassant dans ce village perché dans une autre dimension, façon "La fin des Temps" de Chrono Trigger. Cela ne va pas renouveler les Musô mais cela permet d'amusants cabotinages entre les différents comédiens de la saga et surtout de décupler la durée de vie. Plus qu'en mode en ligne (un peu meilleur que d'habitude), je préfère m'abandonner à Musô avec un ami, quitte à courir les plaines sur un écran partagé en deux, qui laisse apparaître de manière encore plus évidente les imperfections techniques. Fan-service en diable, Warriors Orochi 3 n'est sans doute pas l'épisode idéal pour prendre le train en route. Ce n'est pas celui qui va convaincre les haineux non plus. Mais Orochi instaure une connivence étrange entre lui et celui qui daigne en comprendre le raffinement et la subtilité baroque. Une vraie "bromance" qui refleurit au son d'une hallebarde vengeresse fracassant la tête de ses ennemis.
On pourrait vous dire que c'est un jeu destiné à un public averti, parfaitement goupillé pour ces fans plus proches de l'occulte que du culte. Mais il y a quelque chose de plus fort qui se joue ici, à la charnière entre désuétude et panache, comme une mélancolie à s'acharner à jouer aux Dynasty Warriors aujourd'hui, sous les railleries des gens. Il faut se le dire : le Beat them all est mort, remplacé par les jeux où l'on s'agrippe à des corniches, où l'on frappe via des QTE, où l'on se cache avant de tirer. Le beat them all a été effacé des écrans de la postérité. Alors, oui je m'accroche à cette dernière mutation du genre qui a décidé de commencer symboliquement cette dernière bataille par une hydre invulnérable. Le choix est simple : fuir, s'abandonner pour ne faire plus qu'un avec la masse. Ou se retourner, faire face à l'ennemi, une dernière fois. Il est venu en nombre.