Après un premier opus Wii entièrement placé sous le signe du Motion Gaming, EA Sports (EA Canada en l'occurrence) espère accomplir le véritable Grand Chelem en Haute Définition. Un exploit réalisable ?
Il y a près de 3 ans, votre serviteur se risquait à défendre Grand
Chelem Tennis, plus teigneux qu'un Nadal derrière sa ligne de fond.
Production trompeuse s'il en est, cette itération Wii avait adopté un style
visuel cartoon en parallèle d'une teneur et d'une atmosphère très authentiques,
afin de plaire à tous les publics. Idem en matière de Gameplay, puisqu'il
proposait à la fois une configuration simple d'accès à la Wiimote et une
approche nettement plus subtile avec le duo Nunchuk / Wii MotionPlus. Il
fallait ainsi un temps certain pour l'apprivoiser, en privilégiant les gestes
amples plutôt que les coups de poignet d'habitude si efficaces sur Wii. Elle
souffrait quand même de quelques faiblesses, notamment un déséquilibre à
l'avantage du jeu au filet par rapport au fond de court. Malgré tout, les
puristes ne s'y sont pas trompés, comme le prouve la solide communauté en ligne
qui a su passer outre les petits bugs jamais corrigés et les sempiternelles
tricheries pour profiter pleinement de cette simulation, oui j'insiste sur le
terme « simulation », qui avait le mérite de tenter quelque chose
d'inédit en se vouant totalement au Motion Gaming. A l'époque, je regrettais
juste que cet objectif ambitieux - peut-être un peu trop d'ailleurs - ait écarté
des méthodes de contrôle usant davantage des boutons, voire pourquoi pas un
système uniquement à la manette. Avec des bases aussi solides, la perspective d'une
déclinaison un tantinet plus traditionnelle laissait rêveur... Autant dire que
j'attendais cette version HD de pied ferme, dans mes chaussettes de tennisman
transi par l'excitation !
We motion moins
Sans détour, il semble que son producteur exécutif Thomas
Singleton ne croie plus tellement aux gesticulations, surtout destinées à un
public casual, comme notre homme l'a laissé entendre dans notre interview (à
paraître dans IG Magazine 19). De ce fait, l'option Kinect a rapidement été
abandonnée, tandis que l'expérience au PS Move s'avère très proche de celle sur
Wii, à quelques détails près... Première anicroche qui ne manquera pas de faire
sourciller les passionnés de la discipline, des joueurs comme Nadal, Djokovic,
ou Hewitt effectuent régulièrement leur revers à une main. Attention, je ne
parle pas des revers slicés de défense, mais de vraies frappes à plat, comme le
fait Federer. Fondamentalement, ce phénomène n'a aucune incidence sur le
Gameplay, toutefois question authenticité, c'est un méchant revers oserais-je
dire. Seconde déconvenue du même ordre, les gestes se montrent identiques
quel que soit l'effet donné à la balle. A la rigueur cela pourrait se justifier
avec le lift et la frappe à plat, par contre voir un slice de revers à deux
mains (oui à deux mains là, un coup assez rare de nos jours en prime !) s'avère
carrément bizarre, d'autant que la version Wii distinguait bien les différents
mouvements selon les effets. Là encore, il n'y a pas de conséquence sur le
Gameplay, surtout que la coloration de la balle indique toujours le type de
l'effet. On peut néanmoins se demander la cause d'un tel retour en arrière...
La raison la plus probable n'est autre que le "Total Racquet Control",
la nouvelle approche suivie par Grand Chelem Tennis 2.
Contrôle total ?
Très judicieux, ce système transforme le stick analogique de
droite en raquette, celui de gauche restant alloué aux déplacements. Les
frappes à plat s'exécutent en le poussant vers l'avant, les slices en le tirant
vers l'arrière puis en relâchant, et les lifts en allant d'arrière en avant, sachant
que l'angle des appuis détermine la trajectoire. Pareil pour le service, en
dépit d'un principe de jauge qui rappelle étrangement IMG Tennis (le premier
jeu du genre signé EA). Le plus fort, c'est que ces manipulations du stick sont
très similaires aux mouvements réels, de sorte que les sensations s'avèrent
très naturelles, et franchement inédites dans la discipline (nonobstant la
méthode alternative de service dans Top Spin 3 et 4). Car Grand
Chelem Tennis 2 repose sur une vraie dissociation entre les
déplacements et la visée, autrement dit les jambes et les bras, plus cohérente
et instinctive que son prédécesseur. Et tant pis si l'on perd la "latéralisation" à travers ce "Total Racquet Control", ces sensations en valent la
peine. Aussi accessible et réaliste soit cette méthode, certains préfèreront sans
doute les contrôles de type "arcade" également proposés. Il s'agit d'un
mix de Virtua Tennis et de Top Spin, avec des frappes chargées
puis relâchées avec le bon timing. Du coup, la prise en main est immédiate,
presque trop d'ailleurs. A part les amorties et les lobs qui nécessitent chacun
d'appuyer sur une des gâchettes en simultané, on sait rapidement tout faire sur
le court, ce qui donne un net avantage sur les usagers du stick, sans qu'ils
ne bénéficient eux d'un quelconque bonus pour récompenser leurs efforts.
I.A. (la rue)
De ce fait, Grand Chelem Tennis 2 dispose de
sérieuses prétentions pour animer les soirées entre potes, qui plus est avec
des amateurs de "tennis champagne". Déjà, les fautes sont rares tant
que l'on n'abuse pas des slices, une idée douteuse issue du premier opus, mais
d'autres ont fait pareil avec le lift lié à la prise de risque, alors... De
plus, les joueurs courent super vite, avec des sprints carrément surréalistes
sur roulements à billes en bout de course. Enfin on peut prendre la balle très
tôt, à la limite de la demi volée. Ainsi on s'aperçoit bien vite que la
meilleure stratégie consiste à avancer dans la balle et à gagner du terrain
vers l'intérieur du court, jusqu'à conclure au filet, toujours aussi décisif.
Pas si étonnant me direz-vous, puisque c'est la tactique de base du tennis
offensif. Le problème, c'est que l'IA l'applique à la lettre. Alors que l'on
peut brouiller les cartes et varier le jeu face à un adversaire humain, la
machine cible systématiquement l'endroit le plus éloigné du joueur que l'on
dirige, en se ruant le plus tôt possible à la volée. Résultat, des matchs
stéréotypés avec des échanges façon "papillon" (je croise, il joue le
long de la ligne, puis je croise de l'autre côté, et il rejoue le long de l'autre
ligne, etc...), et ce quel que soit le joueur, ou la surface ! Tout juste
constate-t-on que les serveurs volleyeurs sont un chouïa plus aimantés par le
filet. Pourtant, on nous promettait une IA adaptative, reflétant le style de
jeu propre à chaque champion. Et on avait envie d'y croire, car dans la mouture
Wii, l'IA faisait preuve d'une nature assez imprévisible et reproduisait
fidèlement du comportement des vedettes de la raquettes. Encore une fois, cela
ressemble à un retour en arrière, que l'on constate également au niveau des animations.
Grand Chelem Tour
Si l'on retrouve bon nombre de séquences de Motion Capture
déjà utilisées sur Wii, certains gestes propres à nos champions ont disparu,
comme le service syncopé de Becker. En fait peu de joueurs disposent de leur
panoplie complète de mouvements attitrés, excepté McEnroe, l'égérie de cette
série résolument tournée vers le filet. Pour les autres gladiateurs du court,
il faut se contenter des postures d'attente et de quelques variations sur un coup
précis (souvent le service). Les typologies gestuelles ne sont clairement pas
légion, en témoignent le choix fort limité lors de la création du joueur. A ce
sujet, on apprécie de pouvoir façonner directement un personnage aux aptitudes
maximisées, sans avoir à passer d'abord par la carrière. Surtout que cette
dernière se révèle plutôt longue le cas échéant (on commence alors avec des
capacités rabaissées à leur seuil initial). Dix saisons s'enchaînent les unes
derrières les autres, sur un circuit composé des quatre tournois du Grand
Chelem - of course - et de quatre tournois secondaires. Ce calendrier
doublement plus fourni par rapport à la version Wii est toujours ponctué
d'épreuves annexes (exhibitions face à des rivaux entre autres), ainsi que
d'entraînements spécifiques en parallèle des compétitions. Ces activités
partagent le même objectif, à savoir déverrouiller du matériel qui augmente les
caractéristiques, ou développer certaines d'entre elles. Exit donc les coups
hérités des champions sur Wii, par exemple l'endurance de Borg. Ici tout repose
sur un système de points, déjà présent auparavant mais plus déterminant
dorénavant. En effet, les points cumulés définissent non seulement le niveau du
joueur, mais aussi son classement mondial.
Points par points
Une hiérarchie hélas mal intégrée, puisque l'on ne connaît
que son propre classement, alors que les concurrents n'en ont pas semble-t-il,
nonobstant celui des plus titrés en Grand Chelem. Du coup cela génère des
tableaux parfois surprenants (au hasard un Nadal - Federer dès le second tour),
et l'absence de scores simulés pour les autres matchs ne fait qu'amenuiser la
crédibilité de ces compétitions. Heureusement on a une nouvelle fois la
possibilité de choisir la durée de ses matchs, de 3 jeux à 5 sets. Les
tennismen virtuels en quête d'immersion totale pourront par conséquent se
livrer à des matchs complets, ce qui facilitera par la même occasion la
réussite des objectifs optionnels. En plus des points collectés lors d'une
victoire (ou défalqués dans le cas contraire), des challenges du genre
"Réalisez six coups gagnants en coup droit" permettent de glaner des
points supplémentaires. Forcément, c'est plus simple si le match s'allonge, quoique
d'une manière générale, la carrière ne comporte pas de réelles difficultés (pas
le moindre jeu perdu pour votre serviteur), y compris pour accomplir les objectifs
annuels et sur l'ensemble de cette décennie de tennis professionnel. En somme
les compétiteurs du dimanche auront de quoi faire, tandis que les fous furieux
de la raquette se tourneront rapidement vers les matchs en ligne pour chercher
du challenge. Ce mode est doté de tout le nécessaire en la matière, entre
l'incorporation du Game Face, le suivi de cette carrière virtuelle et
l'opportunité d'engranger des victoires pour la nation de son choix, sorte de
Coupe Davis (ou de Fed Cup) massivement multi joueur. Sans aller jusqu'à parler
de "Tennislog", EA Sports démontre indubitablement son efficacité
dans le domaine communautaire.
Des matchs de légende
Côté solo, on a droit aux florilèges de modes traditionnels
(notamment exhibition en simples, doubles, et mixtes, entraînement face à une
machine paramétrable, école de tennis), sans oublier les prestigieux
"Classiques Grand Chelem ESPN". Chacune de ces rencontres nous
propulse dans un match d'anthologie, à un moment souvent crucial. A l'instar de
la carrière, des objectifs optionnels sont donnés pour récolter davantage de
points, qui servent à débloquer des matchs supplémentaires. L'idée est bonne,
toutefois elle manque d'ambition, car on aurait aimé réécrire l'histoire,
plutôt que de la confirmer, et que l'objectif soit éventuellement de se fendre
du coup magique à l'origine d'un retournement de situation (comme le lob de
Safin face à Federer sur une balle de match à l'Open d'Australie 2005). En
plus, les petits résumés pour nous remettre dans le contexte ne sont pas
exempts de coquilles (j'ignorais que Djoko était N°1 lorsqu'il a battu Tsonga
en finale de l'Open d'Australie 2008, hum hum). Voilà qui traduit bien la
nature contrastée de Grand Chelem Tennis 2, une envie de bien faire manifeste,
que quelques lacunes viennent affaiblir. La réalisation globale l'illustre,
avec des personnages aux visages joliment modélisés pour la plupart, mais aussi
quelques ratés (Chris Evert pour n'en citer qu'une). Pareil pour les stades, ces
temples du tennis sont très fidèlement reproduits et soulignent la solennité
des lieux. Dommage que les photographes et autres cameramen soient plus
immobiles que des statues de cire. Et ce public, qui réagit de manière parfois
avec justesse aux évènements, pour mieux s'endormir à l'issue d'un point de
folie... Ce reproche s'applique également aux commentaires, tantôt parfaitement
justifiés, tantôt à côté de la plaque, que l'on choisisse le très scolaire Guy
Forget en VF, ou le savoureux duo Pat Cash / John McEnroe en VO.
Tiens, encore lui, décidément ce génie coléreux personnifie Grand
Chelem Tennis... Les plus vieux d'entre vous se souviennent sans doute
de cette fameuse finale de Roland Garros 1984, où notre américain semblait
voler sur la terre battue parisienne, jusqu'à ce qu'une série de petits soucis
ne le prive du titre du Grand Chelem qu'il convoitait le plus, après ses
victoires à l'US Open et Wimbledon. John ne l'a jamais vraiment digéré, et ce
jour a initié la lente agonie du service volée sur le circuit, philosophie dontGrand Chelem Tennis reste un ardent défenseur. On lui souhaite donc de s'en
remettre, car le talent est là...