Le Londres du début du vingtième siècle, dépeint dans les aventures du roi de l'énigme, le so british Professeur Layton, vous a ensorcelé ? Il semble alors naturel que vous vous sentiez intrigué par le Paris de la Belle Epoque dans lequel évolue le Docteur Lautrec, lui aussi spécialisé dans la résolution de mystères en tous genres. Mais une mise en garde s'impose : si le jeu de Konami paraît emprunter le chemin de l'excellente série de Level-5, il n'offre pas du tout la même approche. Et, surtout, il ne tient pas ses promesses.
J'adore Paris. Sa culture, ses monuments, ses secrets... Bien que la Ville Lumière soit bourrée de connards et se montre quelque peu oppressante pour un petit provincial bien éduqué et habitué à un air plus pur, elle exerce sur moi une fascination de chaque instant. Alors si un jeu propose d'en découvrir les moindres recoins et d'en apprendre davantage sur son histoire, je dis banco. En cela, Docteur Lautrec et les Chevaliers Oubliés se montre d'emblée charmant. Aux côtés de Jean-Pierre Lautrec, archéologue un peu rustre, et de sa charmante assistance Sophie Coubertin, on a droit à une très belle visite guidée de la capitale en 1889, alors que se prépare l'Exposition Universelle et que la Tour Eiffel n'est pas encore achevée. Au cours de leurs pérégrinations, qui les verront croiser le chemin une caste oubliée ainsi qu'une pléiade de personnages hauts en couleurs et tous affublés d'un accent britannique complètement hors-sujet, les héros se déplacent sur une carte assez fidèle nous laissant accéder aux artères, places et édifices les plus célèbres. Avec parfois des anecdotes, des précisions intéressantes sur leurs origines. De quoi apprendre en s'amusant, se dit-on. Eh bien pas vraiment.
Un insigne et du blabla
Ces petites balades constituent les moments d'enquête. Au préalable, il faut se rendre sous l'Opéra Garnier, dans le repère de Milady, vendeuse de cartes et d'énigmes concernant les trésors enfouis dans les sous-sols de notre capitale. L'énigme en mains, on observe Lautrec et Sophie désigner les points de chute probables. Puis l'on s'y rend. Et, à moins qu'il faille interroger un passant érudit, on regarde, une fois encore, l'homme et son assistante déterminer s'il s'agit du bon endroit. Avec, parfois, de très belles cinématiques. Mais, dans l'ensemble, le blabla l'emporte largement sur l'interactivité. Dommage. Une fois arrivé à bon port, il devient question de trouver, à l'aide de jumelles, une fleur de lys cachée dans le décor, permettant de trouver l'entrée de catacombes où attend le trésor. Et là, le jeu commence réellement. Il s'agit d'arpenter des labyrinthes en 3D isométrique d'une surprenante vacuité visuelle en essayant d'éviter de se faire attraper par des policiers. Oui, l'infiltration constitue une grande part de l'expérience. Mais attention, Docteur Lautrec donne dans le basique. Voire le bas-de-gamme. Pas de diversion possible, de possibilité d'assommer. On se contente de passer derrière les gardes, peu futés, pendant leur ronde, d'éviter quelques pièges et de pousser des caisses péniblement en vue de se frayer un chemin vers la salle suivante ou un coffre renfermant un bijou. En termes d'exploration, on a connu plus distrayant.
Action discrète
Mais là où le titre déçoit réellement, c'est au niveau des énigmes, qui ne se présentent que lorsque l'on arrive face à une porte, ou que l'on investigue dans certains coins comme les jardins du Château de Versailles. J'ai la boîte sous les yeux, là. Il y a écrit 250 puzzles. Ce qui n'est pas mentionné, c'est le nombre de puzzles différents. Je vous le donne : six. Oui, six types de casses-têtes en tout et pour tout. Dans les labyrinthes, on trouve des mots croisés, du placement de blocs dans des grilles, des suites logiques, une sorte de démineur et un jeu de différences. En dehors, un mini-jeu vous demandera d'imaginer un texte plaqué sur une carte et de tracer un chemin en fonction des lettres en gras. La difficulté est censée croître à chaque fois. Mais sincèrement, ça se ressent à peine. Et niveau variété, ça craint. Reste alors comme dernière branche à laquelle se raccrocher les combats contre les esprits gardiens, façon RPG, qui concluent souvent un niveau. Après vous être renseigné sur sa nature (aquatique, humanoïde, arboricole, aérienne...), vous arrangez votre set de trésors "habités", que l'on peut assimiler à des Pokémon - avec points de vie, d'attaque et de défense - et de bijoux magiques de manière à lui coller une rouste. La bataille n'a une fois de plus rien de très fun. Il suffit de disposer ses objets sur des socles, qui peuvent offrir quelques effets supplémentaires dont des synergies, et de regarder le déroulement. Cela en prenant garde de ne pas voir l'ennemi (qui rejoindra parfois votre cause) ou vos ouailles se vider de leurs points de vie. Auquel cas, ils n'acquerront pas d'expérience et il faudra claquer ses points de réputation chez Milady en vue de les régénérer. Ce que vous ferez peut-être une ou deux fois, avant de décrocher complètement...
Bon, je crois qu'il n'y a pas besoin d'en rajouter, j'ai été grandement déçu par Docteur Lautrec. Cela se présentait plutôt bien, l'esprit est plaisant, les personnages - malgré l'erreur d'un doublage aux accents british - attachants, les cinématiques rigolotes, le côté découverte de Paris plutôt prenant... Mais voilà, la partie ludique, partagée entre de l'exploration dénuée d'interactivité, de l'infiltration moyenne, des puzzles peu variés et des combats sans pêche, tourne vite en rond. Et, sur les 15-20 heures de jeu qu'il offre, ne peut décemment pas satisfaire les aventuriers en herbe.