L'un des valeureux artisans du succès de la DS s'apprête à la quitter, histoire de poursuivre les investigations en 3D sans loupe - oups, je voulais dire sans lunettes. Et comme de coutume en pareilles circonstances, le Professeur Hershel Layton se remémore le bon vieux temps, à travers ce retour aux origines de la série. Une manière aussi émouvante qu'élégante de tirer sa révérence, même si l'on n'en attendait pas moins de la part de notre gentleman...
Que l'arrivée à Misthallery semble familière... Une invitation intrigante, un petit voyage en dodoche, et voilà que le Professeur Layton se retrouve face à cette ville en surplomb, bordée de rivières. Ce théâtre a ainsi des airs prononcés de St Mystère, bien que l'omniprésence des canaux - un moyen de locomotion fort pratique - rappelle également beaucoup Venise, en plus verdoyant. Toutefois Layton ne tarde pas à découvrir que l'architecture des lieux laisse quelque peu à désirer. La nuit, une brume épaisse envahit les rues, prélude à l'apparition d'un gigantesque ectoplasme qui détruit les bâtisses dressées sur son chemin. Tout aussi inquiétante, cette flûte mélancolique que l'on entend à chacune de ces incursions dévastatrices... Il en faut cependant plus pour effrayer la pétulante Emmy, qui seconde notre cher Professeur dans cet épisode. Car c'est justement lors de cette aventure qu'il rencontre Luke Triton, le fiston d'un ami de longue date.
Ne se serait-on pas déjà vu quelque part ?
Au delà de son scénario plutôt bien ficelé, mais moins flamboyant que celui du Destin Perdu en raison de ficelles un tantinet usées, l'Appel du Spectre s'attache surtout à la naissance de la relation entre Layton et son futur apprenti. Notre garçonnet y dévoile une facette tourmentée, et franchement touchante, humeur que souligne la partition de Tomohito Nishiura. Si l'on retrouve le ton rustique et mystérieux des mélodies de la saga, le compositeur a cette fois laissé s'exprimer les aspirations celtes qu'on lui connaît depuis Dark Cloud. Du coup, il signe une OST plus affirmée, et la meilleure des ambiances sonores pour habiter cet univers. En parlant d'habitants, les hurluberlus en tout genre ne manquent pas à Misthallery, comme d'habitude (mention spéciale à Vernon l'écolo transi). D'autant que la personnalité de ces truculents énergumènes profite d'un surcroît de développement par l'intermédiaire des épisodes, des tranches de vies annexes qui viennent remplir la valise de souvenirs du professeur.
Une histoire fantomatique...
La narration, pierre angulaire de ce Point & Click sur laquelle cet opus veut clairement s'appuyer davantage. Pour cela, il dispose toujours d'excellents dialogues (hélas trop rarement doublés) et de splendides séquences animées, sensiblement regroupées vers la fin. En outre les commentaires vont bon train, les protagonistes y allant chacun de leur petite remarque dès que l'on tapote un élément digne d'intérêt à l'écran. Le sondage de l'environnement au stylet reste en effet l'une des activités principales, puisqu'il permet de dénicher des objets pour la collection de notre archéologue, en sus des inoxydables pièces S.O.S. et des énigmes cachées. Citons enfin les souris fugaces qui surgissent sans "couiner" gare au détour des allées, de sorte que l'on a à peine le temps de les attraper. Cette chasse fait partie de ces petites choses qui rendent ce monde plus vivant, et son exploration plus exaltante qu'à l'accoutumée, loin des décors inertes dont souffrent nombre de représentants du genre.
... et des énigmes démoniaques !
Par contre, il semblerait que les orfèvres du casse-tête de Level-5 aient définitivement renoncé à intégrer les énigmes de maître Tago au scénario. Quelques unes présentent quand même un thème en rapport avec les événements, mais la plupart d'entre elles rabâchent à qui mieux mieux le désormais célèbre "ça me rappelle une énigme". On ne s'en plaindra pas, car si ces puzzles tombent comme un cheveu sur la soupe, ils ont le bon goût d'être variés. Observation, logique, manipulation d'éléments via l'écran tactile, les casse-tête se suivent et ne ressemblent pas, nonobstant d'inévitables déclinaisons issues de précédents volets. En somme une mine d'or pour esthètes de la discipline, riche de 170 trésors d'ingéniosité (auxquels s'ajoutent les puzzles hebdomadaires du Nintendo Wi-Fi). Et que les moins futés se rassurent, pas besoin d'acheter "Professeur Layton pour les nuls", des indices de plus en plus précis (limite vexants) peuvent toujours être obtenus en se délestant de précieuses pièces S.O.S.
Mini jeux, mais ils font le maximum
Dommage que de temps à autres, on s'aperçoive qu'un énoncé trop vague, voire outrageusement trompeur, soit à l'origine d'une erreur. Si la saga s'amuse couramment à de telles manigances verbales, il n'est pas certain qu'elles s'avèrent toutes volontaires... Pour se détendre, on pourra une fois de plus se livrer à des mini jeux : tracer des lignes de chemin de fer pour faire circuler des trains, guider des poissons dans leurs aquariums, ou souffler le texte à des marionnettes, ces épreuves ne reposent pas vraiment nos neurones, avouons-le. Elles jouent néanmoins le rôle d'interludes fort agréables, du fait de leur contexte très en marge de l'histoire, et de concepts malicieux. Surtout que des niveaux supplémentaires se déverrouillent au fil de l'aventure, longue d'une bonne quinzaine d'heures. Et encore, ce chiffre se voit facilement doublé si l'on essaye de résoudre toutes les énigmes. En plus de celles manquées en chemin que Keats le chat se charge de récupérer (Mamie Mystère étant partie en cure thermale), les ultimes puzzles restent sans doute les plus machiavéliques jamais inventés dans la série, c'est dire...
Londres rasée, Londres oubliée
Malgré tout, on ne peut passer sous silence la disparition de London Life. Consciencieusement, votre serviteur avait débuté ce test avec la version américaine, où ce mode était accessible d'emblée (il n'apparaît qu'une fois le jeu terminé en version japonaise). J'avais même commencé par là, au risque de ne plus m'en dépêtrer, tant ce RPG se révèle prenant. Il consiste à remplir la myriade de tâches confiées par les autochtones, des personnages naturellement tirés des différents opus de la série, et ce dans l'optique de glaner des objets pour décorer sa maison. Autrement dit, une quête de la prospérité et du bonheur façon Animal Crossing. En prime, ce véritable jeu bonus réalisé par Brownie Brown est basé sur l'environnement graphique de Mother 3, gage d'un charme inestimable pour ceux qui rêvent depuis des lustres que cette merveille parviennent jusqu'à nous. Or c'est à croire qu'il s'agit d'une malédiction, car pour éviter le retard qu'aurait engendré sa traduction, ce mode a été purement et simplement supprimé de la mouture Européenne ! Soyons clairs, nous sommes les premiers à saluer les efforts de localisation entrepris par les éditeurs, qui plus est lorsque celle-ci est effectuée avec la qualité des opus de Professeur Layton. Mais s'il est tout à fait louable de souhaiter que tout le monde puisse en profiter dans les meilleures conditions, il est regrettable d'en avoir privé les nombreux anglophones pour la même raison, quitte à laisser un spectre amer dans la bouche des polyglottes.