Ouya, Ouya pas ?
Depuis son annonce, et son premier succès, je reste très dubitatif sur le potentiel de la Ouya, la fameuse console indie basée sur Android et le chip Tegra 3. Pourtant, je viens de lâcher 225$ sur Kickstarter pour participer, moi aussi, au financement de projet un peu fou qui a pourtant déjà réussi à attirer plus de 37 500 soutiens totalisant plus de 4,8 millions de dollars à l'heure où j'écris ces lignes.
Mine de rien, le simple fait de savoir qu'il y a déjà une base installée de cette console de plus 35 000 unités avant même son industrialisation (tous ceux qui ont financé le projet à hauteur d'un minimum de 95$) donne à réfléchir. La Ouya peut-elle être une alternative sérieuse aux consoles traditionnelles ?
Quel intérêt ?
C'est la première question qui m'est venue à l'esprit à la découverte du projet. Pourquoi concevoir et commercialiser une console basée sur Android, qui ne proposera que des "petits" titres prévus pour cet OS mobile, alors que les développeurs indie peuvent déjà distribuer leurs jeux sur les devices Android existants, sur PC, Mac, lesquels peuvent presque tous afficher leur image sur la TV, et permettre de jouer en faisant office de console ? Qu'est-ce que la Ouya aura de plus à leur offrir, à eux, et au public des joueurs ? Pourquoi la Ouya connaîtrait-elle le succès là où d'autres ont auparavant échoué avec de précédents projets de consoles ouvertes ?
Et puis, je m'arrête deux minutes pour observer l'intérêt qu'elle ne manque apparemment pas de soulever, déjà, auprès des développeurs indépendants, dont certains sont des auteurs particulièrement marquants comme Jenova Chen (Flower, Journey), ou Notch de Mojang (MineCraft). J'incorpore les tendances modernes qui émergent à vitesse grand V depuis 5 ans, qu'il s'agisse du succès grandissant des productions indie sur les réseaux, ou du financement participatif sur Kickstarter ou autre. Et surtout, je ne réfléchis plus en termes de concurrence et pour le même marché, mais plutôt en termes d'alternative et de vision indie, puisque personne n'a jamais dit, pas même ses créateurs, que la Ouya avait pour ambition de concurrencer les machines de Microsoft, Sony, Nintendo, ou encore Apple. Et il m'apparaît alors clairement que s'il serait ridicule de voir en la Ouya une console comme les autres et donc de la juger comme telle, elle semble, en effet, bien armée pour être une pierre importante de cet édifice qui tient de plus en plus debout : celui de la scène indie du jeu vidéo, d'une alternative qui ne sera certainement pas aussi populaire que le jeu ordinaire, mais qui a finalement aujourd'hui de quoi vivre sa vie de son côté.
C'est d'ailleurs peu ou prou ce que dit Julie Uhrman, la patrone du projet :
On ne pense pas que les constructeurs de console soient morts. On croit juste qu'il est temps de repenser la façon dont ils font leurs affaires. Nous n'aimons pas lorsque les gens paient 70 euros pour un jeu et ont la sensation de s'être faits avoir. Nous n'aimons pas lorsque les développeurs ne peuvent pas travailler sur une plate-forme parce que c'est trop cher.
Des forces simples
Comme Eve Online qui n'a pas eu besoin des millions de joueurs d'un World of Warcraft pour survivre, comme Super Meat Boy qui n'a pas eu besoin d'écouler des millions d'exemplaires pour que ses créateurs s'enrichissent considérablement, il n'y a finalement pas de raisons de ne pas accepter l'idée que la Ouya pourrait connaître un succès suffisant pour vivre et faire vivre des créateurs, séduire une frange de joueurs certes restreinte mais suffisante, et donc pour exister, tout simplement.
Les forces de la Ouya sont simples, mais efficaces : ouverte à tous, facile d'accès pour les joueurs comme pour les développeurs, proche d'idéaux qui peuvent sembler utopiques mais n'en restent pas moins séduisants, une optique free to play / freemium / démos jouables, et, surtout, UN argument de poids. Une seule qualité pour les amener tous et dans la lumière, les lier : son prix. Grosso modo, le prix d'un jeu en version collector. Moins cher que des téléphones Android nus (i.e. sans subvention d'opérateur téléphonique), moins cher que toutes les tablettes équipées de Tegra 3, bref, accessible à de petits budgets. Et la promesse de pouvoir également servir à de multiples autres applications, puisqu'elle pourra accepter des App Android et autres services facilement. Y compris, évidemment, le CloudGaming si nécessaire.
Alors je me dis, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas envisager qu'il y ait une place pour une offre de plus petite taille ? Moins chère ? Pour des gens qui n'ont peut-être ni les sous ni le temps de suivre l'inflation du jeu vidéo dernière génération ? Après tout, le jeu sur téléphones portables n'a-t-il pas déjà démontré en partie qu'il existait une place tout à fait décente pour des jeux et une consommation plus modestes ? C'est en tout cas une initiative intéressante, une alternative fascinante, et, je l'espère, un moyen de montrer qu'on peut aussi faire du bon jeu vidéo en dehors des conventions classiques d'un marché dont les modèles traditionnels, en ces temps de crise, de mutation profonde, de bouleversements techniques, sociaux, et économiques, tendent à montrer leurs limites. Rendez-vous est pris en Mars 2013 pour la sortie.
Les Editos de Gameblog prennent une petite pause pour l'été. Rendez-vous fin Août pour la reprise !