Suda 51, Shinji Mikami et Akira Yamaoka ont fait un brainstorming chez Electronic Arts. Ces trois génies, chacun dans leur genre (respectivement univers, gameplay et musique), se sont ensuite retroussés les manches pour nous pondre un jeu. Alors vaste fumisterie pour attirer les foules ou réel incontournable ? Après avoir passé plusieurs heures sur le bien nommé Shadows of the Damned, on peut dire que sous une allure peu reluisante, ce jeu de tir en vue à la troisième personne nous a pas mal excité... et encore, on reste poli !
Deux détails choquent d'entrée dans Shadows fo the Damned : d'abord son cachet, si particulier, et ensuite son gameplay. Ce monde des enfers dans lequel Garcia "Fatal" Hotspur, un chasseur de démon tatoué, nous entraîne s'avère peu impressionnant techniquement, il faut bien l'avouer. Couleurs souvent baveuses, 3D vieillisante, animations peu naturelles... Des petits détails agaçants qui sont néanmoins compensés par une ambiance digne d'Une Nuit en Enfer, l'excellent film de Robert Rodriguez... et là on parle bien sûr de la deuxième partie de ce chef d'oeuvre. Du sexe, des femmes en string qui courent nues dans la pampa, des mexicains en colère, des créatures de la nuit et des zombies, une architecture lugubre à souhait, des moutons qui bêlent, des bébés démons que l'on doit gaver de fraises pour ouvrir des portes, et j'en passe... Autant le dire clairement, Suda 51 nous a gâtés en donnant une ambiance de "Road Movie" surréaliste au titre ! On nage en plein enfer avec des choix artistiques volontairement décalés qui confèrent, de surcroît, une véritable âme à cette course-poursuite bourrée de références cinématographiques, qui emmènera Garcia retrouver sa bien-aimée Paula au purgatoire, afin de l'extraire des sales pattes de Flemming, un affreux démon pas beau.
Des caractères infernaux !
Avant de vous parler du coeur du gameplay, passons en revue les différents personnages que nous avons pu voir durant nos premières heures de jeu sur Shadows of the Damned. Garcia, le héros, est un cliché à lui tout seul : beau gosse, bardé de tatouages sur son corps d'éphèbe, un courage à toute épreuve et un langage pas piqué des hannetons qui ferait se relever les morts. Vous l'aurez compris, avec son petit accent mexicain, il a tout du mauvais garçon au grand coeur, et c'est bien pour ça qu'on l'apprécie. Flemming, quant à lui, est le maître des démons. Avec ses six yeux et son physique squelettique, ainsi que son sourire figé, il contrôle les ténèbres. On apprendra, plus tard, que ce suzerain n'est pas forcément apprécié de tous en son royaume démoniaque. Si ces deux-là sont déjà assez sexy, abordons le cas de Johnson, ancien démon déchu. Sous la forme d'une tête de squelette, il est aujourd'hui le compagnon d'armes de Garcia. Et ce n'est pas un hasard puisqu'il peut revêtir plusieurs formes, dont celle d'une moto, d'une torche, d'une arme de poing, d'une arme lourde, etc. Avec son humour assez décapant et son côté un peu flippé, il est le compagnon idéal de notre chevalier servant, caché sous un tas de crasse. Allez, un petit dernier pour la route : Christopher. Cette créature mi-homme, mi-animal, habitant les ténèbres, fournit à Garcia divers objets durant sa quête, un peu comme le marchand d'armes dans Resident Evil 4, le physique du "violator" (nemesis de Spawn) en plus. La classe internationale, quoi ! Oui, je pourrais aussi vous parler de Paula, mais comme je ne la connais pas encore intimement, je me contenterai de dire qu'elle est devenue la poupée de Flemming, et que Garcia risque d'en faire les frais (ou l'inverse) !
Un gameplay démoniaque
Si les premières secondes de jeu inquiètent, tant la jouabilité semble archaïque, on retrouve heureusement rapidement la patte de Mikami. Avec des mouvements qui se succèdent de manière saccadée les uns aux autres, et ceci malgré une animation fluide, on se rend compte que les actions proposées (esquive, tir durant les déplacements, roulades, retournements, visée, etc.) s'enchaînent finalement avec facilité. Après quelques heures de jeu, il paraît même clair que cette impression est voulue et que nous sommes face à un titre orienté arcade. Un titre qui se joue à l'ancienne donc, et heureusement tout fonctionne à merveille, avec même des petits QTE façon RE 4, en prime. Une bonne nouvelle qui s'accompagne d'une seconde : l'excellente mécanique des ténèbres. En effet, parfois Garcia est entouré par les ténèbres (les couleurs s'assombrissent), et dans un tel cas il devient nettement plus vulnérable, perd de la vie continuellement et se retrouve face à des ennemis mieux protégés. Il faut alors utiliser le tir de lumière (tir alternatif qui fonctionne quelle que soit l'arme utilisée) pour faire disparaitre cette atmosphère à la fois lugubre et dangereuse, et aussi pour rendre les démons plus vulnérables. Le corps à corps est alors nettement conseillé pour en finir au plus vite. D'ailleurs, ne trainez pas, sans quoi vos assaillants retrouveront leur armure maléfique qui les rend quasiment invulnérables... Le tir de lumière est affublé d'une seconde utilité, vitale. Il permet d'activer des trophées de chasse (en forme de tête de brebis galeuses, la touche Suda 51 sans doute), accrochés sur certains murs, qui repoussent les ténèbres dans la zone. Cette mécanique tend à devenir récurrente au fur et à mesure de l'aventure, et elle devient même une partie essentielle des affrontements contre des boss, souvent gigantesques et particulièrement charismatiques, eux aussi. On vous le disait : Shadows of the Damned a clairement la classe mais ne se contente pas que de ça...
Droit au boss !
L'autre aspect du titre qui nous a particulièrement séduit tient dans ses combats de boss, chacun semblant unique en son genre. L'un d'entre eux se déroulait sur un marché. Entre les étalages, Garcia devait tirer sur les endroits précis afin de créer des explosion et faire chuter un monstre apparemment immortel. Une fois au sol, la tête de la bête était vulnérable pendant un court instant. Si échapper au bestiaux s'avère difficile, le faire alors que les ténèbres envahissent la zone l'est encore plus. Garcia doit alors éviter le monstre tout en traquant les trophées de chèvres pour repousser les ténèbres. Deux mécaniques qui se mélangent pour un combat dont nous gardons un excellent souvenir... Un autre boss, une sorte de satyre vulnérable uniquement lorsque Garcia entre dans les ténèbres, qui envahit alors certaines portions de l'aire de combat. Placements, esquives, et vitesse d'exécution sont alors nécessaires pour en venir à bout. Shadows of the Damned propose donc des mécaniques de jeu uniques et intéressantes dont on espère qu'elles s'étofferont au fur et à mesure de l'aventure. En tout cas, pour le moment, ça semble bien parti !
Délirant, décalé, intelligent et proposant un dynamisme extrême, Shadows of the Damned nous a collé une double douche froide. La première, en rapport avec des débuts difficiles en terme de jouabilité et une réalisation peu reluisante en 2011. La seconde, parce que cette jouabilité, une fois maitrisée, s'avère efficace et plaisante à jouer, mais aussi grâce à la patte de Suda 51, qui confère vraiment une atmosphère unique au design général du jeu, transcendé par des musiques tantôt décalées, tantôt très heavy metal, que l'on doit aux talents de composition de Yamaoka. Bref, le TPS d'Electronic Arts est bien armé pour se frotter à la concurrence lors de sa sortie prévue pour le mois de Juillet 2011 sur PS3 et Xbox 360. Alors "let's go, baby !", comme dirait Garcia.