Vendredi 11 mars 2011. Un séisme d'une magnitude sans précédent (8,9 sur l'échelle ouverte de Richter) frappe de plein fouet l'archipel nippon. Quelques heures plus tard, un tsunami déferle sur le nord du pays. Sous l'assaut de vagues à l'appétit gargantuesque, les infrastructures se font dévorer les unes après les autres. Quelques jours plus tard, si la Terre gronde moins (cela reste relatif), les conséquences d'une telle catastrophe naturelle se multiplient. Le jeu vidéo japonais est-il sorti indemne de ce désastre ? Pas si sûr...
Honda. Toyota. Nissan. GlaxoSmithKline. Sony... les uns après les autres, les principaux groupes possédant des usines au Japon ferment, ou font tourner au ralenti leurs usines. Pour Sony Corporation, c'est 6 usines situées dans les régions de Miyagi et Fukushima qui ont baissé le rideau pour cause de fortes inondations ou de vérifications des structures. Des bâtiments où étaient produits des éléments pour les batteries Li-Ion et des Blu-ray. Pour le moment, Sony Computer Entertainment France, joint par nos soins, attend une déclaration officielle de sa maison mère. De son côté, Nintendo France joint au téléphone, nous a souligné qu'aucune de ses usines n'était basée sur le sol japonais, l'ensemble de la production étant délocalisée dans le reste de l'Asie. En attendant, si le sud semble épargné, le tissu industriel situé au nord voit la facture grimper. Structures endommagées par le tremblement de Terre, coupures d'électricité, ou problèmes de ravitaillement en matières premières... l'impact est certain et n'épargne pas l'industrie du jeu vidéo, l'une des forces vives du pays.
Premières conséquences
Vous avez pu le suivre dans nos news de ce matin, de nombreux titres subissent d'ores et déjà les premières conséquences de l'événement. L'annulation de SOS The Final Escape 4, une simulation de tremblement de Terre, tombait sous le sens même si les répercussions économiques pour Irem risquent d'être dramatiques. Il s'agissait là de l'un de ses jeux phares pour 2011. Ironie du sort, sa date de sortie initiale était prévue au 10 mars 2011. Dans le même temps, Sony Computer Japan a annoncé le report de MotorStorm Apocalypse (des courses dans un monde en destruction) sur l'archipel, Microsoft Japan a reporté une tournée Kinect et Sega décale la sortie de Yakuza Of the End dépeignant un Tokyo apocalyptique et zombifié à une date non déterminée. Des reports ou annulations pour des titres dont les thèmes abordés auraient eu un écho des plus dérangeants avec l'actualité.
Mais la défaillance de nombreux réacteurs nucléaires engendrent d'autres répercussions. Dès aujourd'hui, lundi 14 mars, de nombreuses coupures de courant pourraient intervenir selon les principaux fournisseurs privés d'électricité. Tokyo Electric Power annonce ainsi que des coupures réparties entre 6h20 et 22h se produiront 2 fois par jour... et jusqu'au mois d'avril. Chaînes de production arrêtées ? Développement des jeux sous perfusion ? Les conséquences pourraient se révéler plus nombreuses que prévues et toucher de plein fouet le jeu vidéo nippon.
N'oublions pas non plus que Konami et Square Enix ont clairement indiqué des pauses dans leurs services de jeu en ligne. Les titres concernés ? Final Fantasy Fantasy XI et Final Fantasy XIV, ainsi que Metal Gear Online. Il en va de même pour de nombreuses salles d'arcade. Ces dernières seraient, d'après nos sources tokyoïtes, entrain de fermer les unes après les autres. Une fois de plus, la prise de conscience est générale, et devant les risques de pénurie d'électricité, la plupart des sources de consommation non indispensables sont priées d'être mises en arrêt.
N'ignorons pas aussi les retombées psychologiques d'un tel cataclysme. Alors que tout ne semble pas encore fini, alors que des risques de catastrophes nucléaires et de répliques sismiques se font craindre, l'heure est-elle vraiment au jeu ? Les codeurs et artistes nippons arriveront-ils à garder leur sang-froid ? A maintenir leur productivité alors que leur pays connaît la plus grave crise jamais traversée depuis la Seconde Guerre Mondiale ? Le public sera-t-il toujours aussi prompt à se ruer sur les meilleurs jeux ? L'économie japonaise du jeu vidéo ne va-t-elle pas connaître un grand plongeon ? L'heure est-elle finalement au divertissement ? Autant de questions qui ne trouveront pas leurs débuts de réponses avant quelques semaines...
Besoin de communication...
Rapidement saturés, les réseaux téléphoniques nippons n'ont su faire face à la charge. C'est donc sur le net que de nombreux développeurs et éditeurs se sont exprimés. Entre le navrant canular annonçant pendant un temps la mort de Satoshi Tajiri, le créateur des Pokémon, et les messages plus rassurants, c'est bien sur Twitter qu'il fallait se connecter pour suivre au plus près l'avancée de la situation. Morceaux choisis...
Pendant le tremblement de terre, personne chez Nintendo au Japon n'a été blessé et il n'y a eu aucun dommage structurel apparent. Nintendo Japon.
Beaucoup d'entre vous ont montré leur intérêt pour les amis et l'équipe au Japon après le tsunami. Nous avons entendu beaucoup de membres du staff nous dire que tout va bien. Nos pensées vont vers eux et tout le Japon durant cette crise. Merci pour tous vos mots de soutien et vos pensées. Capcom
Je vais bien. Nous devons faire de notre mieux. La situation est différente du tremblement de Terre du Hanshin. Nous sommes tous connectés via Twitter et Facebook. Hideo Kojima / Kojima Productions
Tout le personnel de Tango va bien. Certains ne pouvaient pas rentrer chez eux alors ils sont restés au bureau mais tout le monde va bien. Shinji Mikami / Tango Gameworks
Merci tout le monde, je vais bien mais mon coeur souffre pour les victimes et les personnes disparues. Hideki Kamiya / Platinum Games
Je suis sain et sauf. Merci. Tout notre staff a évacué en toute sécurité. Nous souhaitons adresser notre soutien à tous ceux qui on subit cette tragédie. Suda 51 / Grasshopper Manufacture
Tout le monde chez Konami est en sécurité. Le bâtiment est assez nouveau et il est construit pour résister aux séismes - il se balance juste beaucoup. Mais comme vous pouvez le voir sur la photo, la fumée sortait des bâtiments à proximité. À l'heure actuelle tout le monde au bureau est plus inquiet au sujet de leurs familles et comment ils vont pouvoir rentrer à la maison... Sean Eyestone / Kojima Productions
Le jeu vidéo au secours du Japon
Pour conclure, saluons aussi l'élan de solidarité dont font preuve les principaux éditeurs. Nintendo et Sony ont ainsi donné 300 millions de yens (2,6 millions d'Euros), Sega Sammy 200 millions de yens, tandis que Namco-Bandai Group apportait 100 millions de yens (874.000 Euros) aux victimes du séisme. A noter que Sony Group donnera aussi 30.000 radios à la population pour rester en contact avec l'actualité et obtenir d'éventuels messages d'urgence.Nous apprenons aussi que Tecmo Koei fait don de 10 millions de yens à la Croix Rouge japonaise. Dans le même ordre d'idée, Toshimichi Mori (producteur de BlazBlue) discute actuellement avec Arc System Works pour concevoir un contenu téléchargeable sur PS3 et Xbox 360 afin d'en reverser les bénéfices aux victimes. De saines réactions.
A la lumière de ces premières informations, nul doute que le jeu vidéo japonais se trouve concerné par le désastre qui se joue actuellement sur son sol. Probablement plus qu'il n'y paraît. S'il semble prématuré de tirer un bilan définitif des répercussions à court et moyen terme, il paraît certain que la Nintendo 3DS, en pleine période de lancement, risque d'en pâtir. La dynamique de démarrage pourrait ainsi être considérablement amoindrie, même si Nintendo France, joint par nos soins, s'est montré rassurant. N'oublions pas non plus que les possibles et intermittentes coupures électriques pourraient venir ralentir le développement de certains titres ou immobiliser temporairement les chaînes de production de consoles. Sans compter sur l'acheminement des matières premières. Les répercussions psychologiques chez les développeurs. L'impact sur les ventes du jeu vidéo. Des détails, c'est une certitude, face à la souffrance et aux défis colossaux qui attendent le peuple japonais et l'économie japonaise dans leur ensemble.
Un événement qui replace ainsi le jeu vidéo à sa place réelle : celle d'un divertissement... de fait totalement dispensable. Nos pensées vont bien évidemment à tout nos amis, collègues et à l'ensemble de la communauté Gameblog du Japon.
Pour ceux qui souhaiteraient faire des dons, voici une adresse : Croix Rouge Aidons le Japon.