Un célèbre vidéaste aurait certainement pu affirmer qu'il y deux sortes de jeux vidéo : ceux qui sortent, et les autres. Si l'on peut se souvenir à des degrés divers et variés des premiers, les seconds ne resteront qu'un temps dans la mémoire de leurs pauvres développeurs. Assurément, le jeu non-annoncé et jamais sorti de SIE Manchester est de ceux-là.
En février 2020, le constructeur et éditeur annonçait sans crier gare la fermeture de son studio de Manchester, non sans licencier au passage la totalité de l'équipe qui travaillait depuis plusieurs années sur un AAA en réalité virtuelle destiné à rester dans les limbes de l'industrie.
18 mois après cette décision visant à "améliorer l'efficacité opérationnelle" de l'entreprise, les ex ont décidé de se mettre à table, et de raconter les dessous de cette drôle d'aventure à nos confrères de Polygon.
Vol stationnaire
Si des NDA bétonnés empêchent contractuellement les anciens développeurs à révéler la nature du projet sur lequel ils oeuvrèrent, le jeu devait propulser les joueurs aux commandes d'un hélicoptère, alternant entre des phases de tir et de secourisme. Mais les décisions flottantes de leur direction n'ont pas aidé à faire avancer le projet :
Le studio travaillait sur une "version" du jeu durant 6 à 12 mois, avant qu'un changement brusque ne fasse reculer l'équipe. Les problèmes allaient des préoccupations concernant la direction artistique, jugée "trop bleue", au placement des PNJ et à la façon dont les missions se dérouleraient.
Aux dires des petites mains, les représentants de Sony Eric Matthews, alors vice-président de Sony Worldwide Studios et Mark Green, directeur de la recherche, auraient malgré leur absence tenu à s'impliquer dans tous les choix du développement.
De nouvelles recrues enthousiastes auraient vite déchanté en découvrant ces méthodes de travail relativement peu cadrées, qui devaient tout de même obtenir l'aval continu du siège situé à Londres :
La communication était un problème. Eric et Mark n'étaient pas ouverts du tout. Certains ont essayé de proposer leurs idées sur la façon d'effectuer leurs tâches, mais tout était rejeté en bloc. Intégrer un nouveau type d'ennemi prenait des mois - et on parle là de simples tanks. Pendant des années, nous étions dans une sorte de zone grise.
Saved by the Bell 47
Alors que les mois passent et que le chantier stagne encore et toujours, plusieurs membres de l'équipe présents depuis l'ouverture du studio en 2015 jettent l'éponge, mais ne sont pas forcément remplacés, ce qui n'arrange évidemment rien à l'affaire :
Sur le papier, ça parait incroyable : on allait créer une nouvelle licence pour le compte de Sony, en partant de rien. Mais après six mois à un an, les gens se rendaient compte que cela ne menait nulle part et devaient prendre une décision sur ce qu'ils allaient faire après.
Le grand jeu de chaises musicales qui propulse l'ex-Guerilla Games Hermen Hulst à la tête des PlayStation Worldwide Studios resserre l'étau autour de SIE Manchester, désormais sommé de justifier de son travail, preuves à l'appui.
La suite est tristement connue :
De l'extérieur, c'était un peu abrupte. Il y a eu un changement du côté de la direction chez Sony, et nous nous sommes soudainement retrouvés sans protection. Quelqu'un a décidé de regarder en détail ce qui se passait chez nous, et nous n'avions rien de tangible après plus ou moins cinq ans de travail... ils ont fermé le studio.
Polygon précise tout de même que les développeurs interrogés n'en tiennent pas rigueur au constructeur, et assurent que leur projet de jeu d'hélicoptère en réalité virtuelle ne sera a priori jamais repris par quelque structure que ce soi. C'est ce qu'on appelle planter le dernier clou dans le cercueil, n'est-ce pas ?