It's coming home. Enfin. Après des années d'une attente déchirante, la suite tant espérée de Psychonauts se trouve à nos portes. L'affaire était mal engagée, le premier jeu de Double Fine ayant, en dépit de critiques enthousiastes, fait un bide retentissant à sa sortie en 2005. Mais le temps et l'espoir auront permis à Psychonauts 2 d'exister. Du temps de développement, il en a eu mais il ne lui en reste logiquement plus beaucoup. L'espoir qu'il soit au moins aussi marquant que le premier, c'est ce que nous avons après plusieurs heures passées en sa compagnie.
Démarrant peu après les événements du très virtuel in the Rhombus of Ruin, qui lui-même prenait place rapidement après le premier épisode, Psychonauts 2 vous propulse directement dans le feu de l'action. Le très débrouillard Razputin Aquato, dit Raz, est toujours à la recherche du commanditaire de l'enlèvement de Truman Zanotto, leader des Psychonautes et père de sa tendre Lili. Une fois encore, ce n'est pas dans la réalité qu'il sera possible de glaner des indices, mais dans l'esprit de Caligosto Loboto.
Un brain de fantaisie
Car, rappelons-le, les Psychonautes, caste à laquelle appartient notre protagoniste, sont des soldats du cerveau, des pros de la plongée dans l'inconscient, des as pour jouer avec les souvenirs et les sentiments, seuls ou en rêve partagé façon Inception. La majeure partie du premier épisode prenait place dans des univers intérieurs surréalistes où il était question d'user aussi bien de pouvoirs psychiques étonnants que des talents d'acrobates de Raz. C'est dans un stage d'apparence normal que tout (re)commence, avec un tuto déguisé bien rythmé et qui vous plonge très vite dans le bizarre : des bureaux qui vont être mis sens dessus dessous avant de se transformer en une sorte de débarras décoré de gencives et de dentiers, avec parfois un fond de salive ou d'électricité mortel, et des plates-formes fait d'instruments de dentiste. Ce niveau baptisé le labyrinthe de Loboto, notre cher Thomas l'avait vu en 2019 lors de l'E3. Cette fois jouable, il permet de se (re)familiariser en quelques minutes avec les différentes capacités acquises durant le séjour au camp de Roc-qui-murmure.
Attaques au corps-à-corps, esquive, saut muraux, Télékinésie ou Tirs psy pour les bestioles plus éloignées ou volantes, Lévitation sur une sphère roulante pour aller plus vite et plus haut ou planer, Pyrokinésie histoire de cramer des éléments inflammables et ouvrir des passages dissimulés... L'essentiel est là, introduit par les équipiers de Raz, Sasha, Milla, Oleander et Lili. Le bestiaire n'a a priori pas trop changé non plus, les censeurs et les regrets faisant figure d'opposition principale. Mené tambour battant jusqu'à la révélation qui posera la trame, cette introduction fait assurément sourire par ses situations improbables, son empreinte artistique et la qualité de ses interprétations, dont celle de le voix de Raz (Richard Horvitz), toujours aussi sympathiques 15 ans après. Et la suite ne fait que renforcer l'idée que l'on y trouvera notre compte.
Raz de marée
Vient ensuite l'arrivée dans le hub principal. Le Mégalobe, c'est le nom donné au quartier général des Psychonautes. Il aura peut-être un côté intimidant de prime abord, les informations arrivant en bloc non taillé. D'abord avec un carnet de stagiaire remis au minuscule héros. On y découvre un répertoire des pouvoirs PSY qui implique que de le gain d'expérience et de crédits pour débloquer des améliorations, puis les pages des zones visitées et des missions, qui augurent de nombreuses heures de jeu. Et des défis et "collectibles" en pagaille. Les bribes, perles de sagesse, demi-cerveaux, coffres-forts de souvenirs ou d'approvisionnement et bagages émotionnels savamment disséminés ne risquent pas de manquer, et l'Otto-Matique, machine où échanger cartes, noyaux PSY et Psitanium pour faire le plein ou acheter des broches de personnalisation, a des chances d'être consulté très souvent. Ensuite, les différents départements révélés par la carte des lieux font déjà penser qu'on pourrait se perdre. Heureusement qu'on peut compter sur ses camarades stagiaires pour commencer dans une remise, et en sous-vêtements. Pratique pour ne pas se sentir trop vite submergé.
Spy game
La suite de l'aventure, d'abord sous le signe du bizutage, nous fait renouer avec le pouvoir de Clairvoyance. Grâce à lui - après passage par la sélection des pouvoirs à assigner aux boutons de tranche -, on voit par les yeux du très dodu rat Harold, seul par sa taille capable d'avoir un oeil sur le code d'une porte secrète. Outre l'aspect pratique, ce dernier talent connu offre encore une fois une approche visuelle hilarante. La façon très naïve dont le rongeur, comme d'autres cibles par la suite, perçoit Raz et le monde qui l'entoure prête inévitablement à sourire.
Comme on pouvait s'y attendre, en s'appuyant sur une base déjà solide, Psychonauts 2 tire sans peine son épingle du jeu avec son esthétique et son ambiance uniques. Une sorte de rencontre improbable entre le cinéma d'espionnage des années 60/70 et une représentation cartoonesque sans lignes droites, sans considération réaliste de la gravité, des proportions, ou de l'emplacement des yeux, du nez ou de la bouche. La galerie de persos aux traits grotesques et les environnements complètement barrés et qui ne semblent jamais statiques suscitent si ce n'est une sympathie immédiate au moins une curiosité amusée. Encore plus avec une réalisation proprette, sur Xbox Series X et PC, qui fait songer à un véritable dessin-animé interactif. Et alors que nous parlons d'une convergence de styles, voilà que l'une des premières missions nous offre une nouvelle opportunité d'être conquis par l'écriture et le design qui en découle.
Connexion mandale
Une balade dans le centre de tri du courrier passée, nous atterrissons en salle de classe avec Hollis Forsythe, numéro 2 des Psychonautes à la mèche bien placée. L'heure d'apprendre un nouveau pouvoir, la Connexion Mentale. Pénétrant le cerveau de son enseignante, Raz apprend qu'il s'agit là de rejoindre des noeuds flottants, certains correspondant à des pensées, des concepts, des mots. Une option plate-forme supplémentaire avec un twist : il faut parfois associer convenablement des idées pour changer un état d'esprit. Partant d'une union entre "coriandre" et "plaisir", Raz finit dans le souvenir d'une salle des urgences. Une baston avec de mauvaises idées, un tour en radiologie, et survient la gaffe : un mélange entre le monde de l'hôpital et celui du casino. Forsythe va mal. Nous n'en dirons pas davantage, mais ce mariage pour le moins surprenant offre quelques passages assez savoureux, suivant la façon dont vous pouvez apprécier le fait d'être une boule de flipper censée soigner des organes blessés ou une loterie à enfants pour parents demandeurs riches comme Crésus. Au moins nous permettrons-nous de parler du boss, Poulpatine en V.F. (car oui, les textes et menus sont intégralement traduits, et bien), dont le pattern fait appel à nos réflexes pour éviter ses attaques et notre assiduité à enchaîner les projections, la Connexion Mentale et quelques mandales une fois son point faible découvert.
Un peu d'esprit, beaucoup d'effet
La suite de notre programme nous a amenés à explorer deux autres esprits. Ceux de Compton et Cassie. Le premier nous place dans un pastiche d'émission de cuisine très seventies, avec pour objectif, sous la pression de marionnettes animant le show et d'un public aux rires peu sincères, de préparer des recettes. L'endroit propose une casserole d'eau bouillante, un réchaud baladeur, un mixeur et une planche à découper. Les ingrédients se trouvent dans les gradins. À vous de profiter des multiples chemins et raccourcis pour accomplir chaque plat rapidement avant là encore de taper un boss à gaver façon Mr. Creosote dans Le Sens de la Vie. De quoi tester raisonnablement votre habileté et votre sang-froid, malgré une caméra parfois un peu revêche et un saut toujours aussi sec. Mais vous aurez un nouvel allié : le pouvoir de Bulle Temporelle, pour ralentir vos adversaires.
Dans le pays mental de Cassie, plus lettré, ce sont différentes personnalités qu'il faudra satisfaire pour aller défier la Bibliothécaire. Des décors faits de livres et des pages pliées, des bestioles désopilantes, toujours plus de plate-forme acrobatique et une dernière faculté à découvrir : la Projection. Celle-ci permet d'envoyer dans des endroits inaccessibles un double griffonné en 2D, survolté et incroyablement mignon : l'Archétype. Toujours, un soin artistique impressionnant et une envie de choper les objets qui peuvent se présenter à nous. Si la baston n'a pour l'heure rien de très compliqué pour un joueur aguerri, les phases de grimpette, ou plutôt comment les traverser si l'on souhaite tout compléter, pourraient s'avérer un peu plus compliquées. Notons que la difficulté pour la difficulté n'est pas l'objectif de Double Fine. Les options permettant d'empêcher les dégâts sur une grosse chute, de ne jamais voir ses points de vie disparaître ou de taper beaucoup plus fort en attestent : Psychonauts 2 sera accessible au plus grand nombre. Parce que sa grande force, à n'en point douter en connaissant l'original et après un peu plus de 4 heures qui paraissent ne représenter qu'une infime partie du voyage, réside dans cette histoire et son univers qui font déjà surchauffer notre lobe frontal.
ON L'ATTEND... À LA FOLIE
Il ne révolutionnera peut-être pas le jeu vidéo, ses contrôles et sa caméra mériteraient un petit peu de souplesse, mais on s'en fiche. Solide sur ses bases, Psychonauts 2 convainc sans peine qu'il sera l'un des titres les plus inspirés et les plus créatifs de l'année. Sa patte artistique, son atmosphère singulière, son humour ciselé et quelques idées de gameplay quand même très amusantes lui assurent déjà toute notre sympathie, voire notre amour. Les fans déjà acquis à sa cause peuvent aussi s'attendre à passer beaucoup plus de temps aux côtés de Raz, tant le contenu paraît important. Bref, ça sent très bon avant sa sortie, le 25 août prochain sur Xbox Series X|S, PC, Xbox One, PS5 et PS4. À moins que quelqu'un nous ait mis cette idée dans la tête...