C'est avec circonspection qu'a été accueillie il y a quelques jours l'annonce de la résurrection d'un projet controversé. Six Days in Fallujah, auquel Konami avait tourné le dos en 2009, veut prouver qu'il a de bonnes intentions, comme le rappelle son éditeur.
C'est le patron de Victura, se chargeant de publier Six Days in Fallujah, Peter Tamte, qui est monté au front pour défendre le projet du studio Highwire Games qui suscite toujours de vifs commentaires. Au micro de Polygon, il a tenu à assurer d'une chose : ce jeu prenant place durant un conflit réel n'a pas d'intentions politiques mais humaines. Montrer au plus près ce qu'a été l'expérience sur le terrain.
Je trouve raisonnable de ne pas être d'accord avec ça. Pour nous, en tant qu'équipe, il s'agit d'aider les joueurs à comprendre la complexité du combat urbain. Il s'agit des expériences de cette personne qui est maintenant là à cause de décisions politiques. Et nous voulons montrer comment les choix qui sont faits par les décideurs politiques affectent les choix qu'un marine doit faire sur le champ de bataille. De la même manière qu'un marine ne peut pas remettre en question les choix des décideurs politiques, nous n'essayons pas de faire un commentaire politique sur la question de savoir si la guerre elle-même était une bonne ou une mauvaise idée.
On pourra arguer longtemps sur la façon dont un jeu inspiré d'événements réels, la seconde bataille de Falloujah, qui s'est déroulée entre novembre et décembre 2004, peut prétendre à cela quand il a été établi que la présence des États-Unis en Irak était basée sur l'existence inventée d'armes de destruction massive et que le conflit a entraîné des centaines de milliers de morts.
Post-apolitique
Insistant sur le fait que de nombreuses personnes ayant pris part aux événements avaient été consultées et que, pour beaucoup, il apparaissait important de dire ce qu'il s'était passé, Tamte précise que le projet a beaucoup changé et que l'on pourra par ailleurs incarner un civil, un père de famille, qui tente de fuir la ville. Pour lui, il est important que les gens comprennent le coût humain de la guerre - mais sans parler de l'usage de certaines armes interdites par la Convention de Genève, comme les balles au phosphore blanc, qui n'ont d'après lui par été citées dans les témoignages reçus.
Peut-être que jouer au jeu les rendra curieux et qu'ils voudront en savoir plus sur tout ce qui s'est passé à Falloujah depuis la bataille de 2004, ce qui les mènera à leurs propres conclusions en faisant la recherche. Mais pour le moment, ignorer simplement la bataille ne les amènera pas à réfléchir à toutes ses conséquences.
Un devoir de mémoire sans aucun regard politique sur ce qui a mené à la guerre d'Irak ? De nombreux développeurs ont réagi à ces propos, à commencer par Rami Ismail qui a signé un fil Twitter assez virulent, rappelant que, effectivement, tout est politique dans la guerre et que de la compassion principalement à l'égard des soldats américains est indécente :
OK, we're going to go through this and explain why it sucks. https://t.co/SkuCpImC90
- Rami Ismail (رامي) (@tha_rami) February 15, 2021
Neil Druckman, vice-président de Naughty Dog, a quant à lui un autre message à faire passer :
Si votre jeu traite d'un sujet sérieux, il est intrinsèquement politique. Si cela pose un problème, créez un jeu différent ... Sinon vous devez à votre jeu de vous pencher dessus, en faisant de votre mieux pour le traiter aussi honnêtement, aussi exhaustivement que possible. Avec ce qui ne va pas.
En tout cas, avec cette nouvelle interview, Six Days in Fallujah a encore gagné en visibilité. On ne pourra juger de son propos qu'à sa sortie, cette année, sur PC et consoles. S'il n'est pas annulé d'ici là.