Il serait de prime abord logique de penser que les spéculateurs et autres "scalpers" ne cause du tort qu'aux consommateurs normaux qui souhaitent simplement se procurer une PS5. "Sony vend ses consoles après tout, ça ne change rien pour lui" pourrait-on croire. Alors qu'en fait non, cette situation est loin d'arranger le constructeur. Et pas simplement parce qu'elle provoque de la frustration chez ses clients.
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Les spéculateurs, appelés "scalpers" dans les pays anglophones, font parler d'eux à chaque lancement de console. Mais leurs méfaits sont particulièrement marquants en cette fin de tumultueuse année 2020, alors que la production de consoles a été impactée par la pandémie de COVID-19 et que les consoles next-gen ont dû effectuer leur lancement quasi exclusivement en ligne.
Outre leur omniprésence, les moyens techniques qu'ils emploient désormais leur permettent de s'accaparer des dizaines de milliers de ces consoles très convoitées. Et à en croire un article récemment publié sur le site américain Bloomberg, ces agissements pourraient avoir des conséquences sur la santé commerciale sur le long terme de la PS5.
Comme le savent les personnes qui s'intéressent un minimum à l'industrie du jeu vidéo, les constructeurs de consoles gagnent généralement peu d'argent, et dans certains cas en perdent, avec chaque console vendue au lancement d'une nouvelle machine. Ce second cas de figure est par ailleurs celui dans lequel se trouve Sony avec sa PS5 à l'heure actuelle.
Faux départ
Historiquement, la rentabilité était dans un premier temps trouvée du côté des ventes de jeu. Et si les services et les microtransactions permettent elles aussi de gagner de l'argent désormais, les ventes de jeu conservent une haute importance. Pour les constructeurs mais aussi, et logiquement, pour les éditeurs.
Et il est essentiel de créer d'emblée une dynamique positive dans laquelle les joueurs, après avoir acheté leur nouvelle console, ont également envie de se procurer des jeux. Mais selon Bloomberg, Sony court actuellement le risque de ne pas réussir à générer cette dynamique. L'analyste Kazunori Ito de Morningstar Research fait partie des pessimistes :
La PlayStation 5 pourrait manquer une occasion cruciale d'entrer dans une spirale hardware-software positive. Le point culminant (commercial) sera certainement bas et les recettes totales générées par la plate-forme ne seront pas aussi fortes que nous l'aurions espéré.
Et si cette situation est directement liée aux spéculateurs, c'est parce que les ventes de jeux PS5 ne suivent pour l'instant celles de consoles. Contrairement à un consommateur lambda, un spéculateur ne va pas acheter de jeux, ces derniers ne souffrant pas de pénuries et n'étant pas recherchés plus que d'habitude. Et comme toutes les consoles achetées par les spéculateurs ne trouvent pas immédiatement preneur, Sony et les éditeurs tiers peinent à vendre autant de jeux qu'il se vend de consoles.
Les chiffres de ventes de consoles et de jeux précis n'étant pas disponibles dans tous les territoires, Bloomberg illustre ici son propos en utilisant les chiffres de ventes japonais de jeux et consoles PS5 communiqués par Famitsu. Au cours du premier mois de commercialisation de la console, Sony a vendu environ 213.000 consoles au Japon. Et les ventes combinées de ses trois jeux les plus vendus n'atteignent même pas les 63.000 exemplaires. Ce qui signifie que lors du lancement nippon de la PS5, il était question d'environ un jeu vendu pour trois consoles achetées. Comme le rappel Bloomberg, un bon ratio serait d'environ un jeu vendu par console.
À titre de comparaison, Nintendo avait vendu environ 525.000 Wii au cours de ses quatre premières semaines de commercialisation au Japon. Et durant cette période environ 510.000 jeux Wii avaient trouvé preneur. À l'heure actuelle, la PS5 est donc loin de telles statistiques. Ces chiffres ne concernant que le marché japonais, ils ne reflètent évidemment pas l'ensemble du marché. Mais ils mettent clairement en lumière des éléments intéressants.
Plusieurs éléments pourraient par ailleurs rentrer eux aussi en ligne de compte en ce début de génération pour expliquer cette situation. En effet, les ventes de jeux dématérialisés ont explosées ces dernières années. De plus, la PS5 est rétrocompatible avec les jeux PS4 et est livrée avec un jeu pré-installé (Astro's Playroom). Le besoin d'acheter au moins un jeu avec la console se ferait donc peut-être moins ressentir que par le passé. Mais selon Hideki Yasuda, la base du problème réside bel et bien dans le marché noir. Et ce, pour une raison très simple :
Même si nous prenons en compte les achats de jeux numériques, le pourcentage de PlayStation 5 vendues actuellement utilisées n'est pas si élevé que ça. Cela signifie que la demande actuelle est contrainte par ceux qui revendent les consoles pour générer un bénéfice.
Mauvais concours de circonstances
Outre la mise en place d'outils destinés à lutter contre les spéculateurs et leurs bots du côté des revendeurs, un moyen de lutter contre leur impact négatif serait évidemment de mettre un plus grand nombre de consoles sur le marché. Mais selon les sources de Bloomberg, Sony fait actuellement face à des pénuries de composants qui brident sa capacité de production. Un de ses principaux fournisseurs, MediaTek, a ouvertement déclaré que la disponibilité des puces qu'il produit ne sera pas optimale pendant toute la première moitié de 2021.
Et selon les sources de Bloomberg qui ont demandé à ne pas être nommées, le rendement en matière de production du processeur customisé sur lequel repose l'architecture de la PS5 continue d'être irrégulier et cela bride la capacité du constructeur japonais à faire face à la demande.
Sony compte toujours distribuer plus de 7,6 millions de PS5 d'ici la fin de l'année fiscale en cours (le 31 mars prochain). Mais d'après une source de Bloomberg, ses prévisions internes, sont moins élevées que par le passé. De son côté, Sony déclare officiellement que tout va bien et que ses plans en matière de production de consoles n'ont pas changé. Il a en revanche refusé de commenter spécifiquement les informations obtenues par Bloomberg.
Cercle vicieux ?
L'article de Bloomberg révèle que cette situation pourrait générer un autre cercle vicieux inattendu. Il explique en effet que des éditeurs tiers pourraient être réticents à l'idée de sortir leurs jeux sur PS5 dans un premier temps que les consommateurs "normaux" n'ont pas la possibilité de s'acheter une PS5 et les jeux qui vont avec. Effrayé par les premiers chiffres de ventes des jeux PS5, un "éditeur japonais majeur" aurait, selon une source de Bloomberg, tenu des réunions en interne concernant un éventuel décalage de la sortie de ses jeux PlayStation 5 le temps que la situation rentre dans l'ordre. L'article ne révèle pas la décision finalement prise par ce mystérieux éditeur.
Si cette information est vraie et que d'autres éditeurs tiers réfléchissent de la sorte, et que d'autres éditeurs réfléchissent eux aussi de la sorte, alors les chiffres de ventes de jeux sur PS5 pourraient mettre un certain temps avant de passer la seconde. Et comme indiqué plus haut, certains analystes pensent déjà que la console ne se remettra jamais totalement de la situation actuelle. Mais le marché du jeu vidéo est plein de surprises, et la sortie de gros jeux pourrait certainement aider à remettre de l'ordre dans tout ça. De plus, il n'est pas rare que les analystes tapent à côté. Prédictions à côté de la plaque ou non, il est clair que le pouvoir de nuisance des spéculateurs est immense et que les répercussions à leurs agissements pourraient avoir des conséquences sur le long terme.
Que vous inspire cette situation ? Êtes-vous inquiets à propos de la santé commerciale sur le long terme de la PS5 ? Pensez-vous que cette situation pourrait avoir un impact négatif sur la quantité de jeux proposés sur PS5 ? Donnez-nous votre avis dans les commentaires ci-dessous.