C'était plus fort que lui. Preuve que même bardé d'un troisième titre mondial, Walid Rachid "Usmakabyle" Tebane ne peut s'empêcher de jouer, encore et encore, à PES. Sacré champion du monde sur l'édition 2019 le week-end dernier à Londres, il a accepté de se confier à Gameblog : ses nouveaux objectifs, la tension exacerbée durant sa finale, son retour réussi à la compétition sur le jeu de Konami. Le tout, en jouant... encore et toujours.
Walid, champion du monde en 2015, en 2016 et maintenant en 2019. Lequel de ces trois titres a le plus de valeur à tes yeux ?
En 2016, j'avais dit que c'était le meilleur parce que j'avais pu le partager avec plus de Français qu'en 2015. A Berlin, j'étais quasiment tout seul, ce qui n'était pas le cas à Milan. Là, c'était encore mieux. Il y avait encore plus de Français. Il y avait aussi les Brésiliens qui me soutenaient... Je pense vraiment que c'est le meilleur. C'est aussi le plus relevé car il y avait quatre champions du monde en compétition. C'est aussi celui de mon retour... en plus, je bats "Ettorito" en finale. Je ne pouvais vraiment pas espérer mieux.
Avec Christopher (2010), "Ettorito" (2011, 2018), "Guifera" (2017) et toi, le plateau n'avait jamais été aussi relevé dans l'histoire de PES et de la PES League, c'est certain.
Quatre champions du monde, ça n'était jamais arrivé. En plus de ça, à côté il y avait pas mal de bons joueurs, de très, très bon niveau. Et tout le monde s'attendait à ce que la finale soit entre "Ettorito" et moi.
Justement, tu partageais cette envie de l'affronter ?
Honnêtement, je voulais déjà arriver en finale. Et quand on voit mon premier match... je fais 0-0. Et là, je me dis "Attendez, vous voulez une finale "Ettorito-Usmakabyle" mais il faudrait déjà que j'y arrive" ! Il ne fallait pas manquer de respect aux autres joueurs présents, car je le répète, il y avait des gros joueurs.
Des gros joueurs mais aussi d'autres qui n'ont pas hésité à jouer avec des équipes surprenantes. Au lieu d'Arsenal (la meilleure équipe du mode recalibrée pour la PES League, ndlr), certains ont joué avec Nantes, ou dans ta poule, avec l'équipe écossaise d'Hearts du Colombien "LukerSeven".
Ça m'a surpris mais on connaissait déjà un peu le personnage. Il s'était qualifié aux Régionales en Amérique du Sud en prenant l'Udinese. Je m'attendais à le jouer avec cette équipe. J'en étais persuadé et la veille du tournoi, j'ai vu qu'il s'entraînait avec une autre équipe dans la Training Room.
"Dans toutes les finales que j'ai jouées, je n'ai jamais été le meilleur"
L'autre gros moment de ce sacre, ça a incontestablement été le début de friction entre "Ettorito" et les joueurs brésiliens. Quel regard as-tu sur tout ça, avec du recul ?
Je me suis un petit peu expliqué sur les réseaux sociaux. Pour moi, ça avait déjà commencé la veille, lors du co'op (finale mondiale dans la catégorie 3 vs 3) où les Brésiliens ("eLigaSul Stars") se sont contentés d'un nul lors de leur dernier match, car ce résultat leur assurait de finir à la première place et éliminait les champions en titre, "Broken Silence" (composé de l'Italien Luca Tubelli, de l'Espagnol Alex Alguacil et d'"Ettorito"). Sauf que pour moi, "Broken Silence" avait déjà perdu sa qualification sur les deux premiers matches, qu'ils perdent. Après, si j'avais été à la place des Brésiliens, j'aurai certainement fait la même chose. Et si j'avais été à la place de "Broken Silence", je me serai aussi plaint. Je ne peux pas avoir un avis objectif en fait.
Et le lendemain, lors de votre finale, la tension a fini par exploser.
L'erreur d'"Ettorito" a été de célébrer chaque défaite des Brésiliens. Il a été sur la scène, il a montré que c'était sa revanche. En quart de finale, il a célébré la défaite d'"Henrykinho", qui l'apprécie, qui ne lui a rien fait et qui ne faisait pas partie de l'équipe "eLigaSul Stars". Il ne fallait pas s'attendre à ce que les Brésiliens restent ensuite dans leur coin. En demi-finales, il faut savoir qu'une grande partie du public était contre lui. Quand on dit que ça l'a déstabilisé en finale, pourquoi ça ne l'a pas déstabilisé en demi ? En finale, les gens ont montré directement qu'ils me supportaient. Sur son premier but, il en a rajouté une couche en faisant des gestes obscènes à l'intention du public. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il n'y ait pas de réponse. Après, ça reste de la compétition, c'est comme si on avait un vrai public de football. A chaque but, j'ai fait en sorte de calmer le public, en leur disant que c'est après qu'on célébrera. A la fin du match, je célèbre avec les Brésiliens et lui s'en va.
Au regard de ton parcours dans cette finale mondiale, quel a été le match le plus délicat à jouer ? Le plus difficile ?
Le premier match était vraiment compliqué. C'était vraiment un cauchemar. Entrer dans une compétition comme ça, c'est vraiment compliqué. Il faut se mettre dedans, gérer l'adrénaline. Même sur la fin du match, je me suis dit que le 0-0 était même mieux pour moi. Il y a aussi la finale; il ne faut pas se leurrer. Je pense qu'"Ettorito" joue un poil mieux que moi. Dans toutes les finales que j'ai jouées, je n'ai jamais été le meilleur. En 2015, 2016, je suis mené au score et je ne sais pas comment, je reviens et je gagne le match. Là, en 2019, c'est la même chose, j'ai vraiment de la difficulté dans ce match-là, surtout avec cette coupure de 7-8 minutes qui me déstabilise aussi (il venait d'égaliser). En deuxième mi-temps, je prends le bouillon. Ouais, les deux matches les plus compliqués, c'étaient le premier et le dernier.
"J'ai toujours le désir de faire la même performance sur FIFA. Mais quand tu vois certaines équipes FUT... désolé, je ne suis pas un parieur. Autant aller faire du poker"
Quels objectifs te motivent encore ? Tu viens de gagner trois Coupes du monde sur PES. Le record de Bruce Grannec et ses quatre titres mondiaux (3 sur FIFA, 1 sur PES) fait partie de tes envies ?
Mon projet, c'est encore de tout gagner. J'ai encore de la motivation à le faire. Tant que j'ai le niveau et que j'ai ce niveau de compétition, je compte bien profiter de ça avant de régresser au fil des années. Ce serait un rêve de rattraper Bruce Grannec. Mais même si je le faisais, il restera le meilleur joueur de football virtuel. Il a gagné sur les deux jeux, chose que je n'ai pas réussi à faire. Et même si je gagnais 10 Coupes du monde sur PES, je n'égalerai pas ce qu'il a réussi à faire dans le monde de l'eSport.
Quand on remporte trois Coupes du monde sur PES, est-ce qu'on n'est pas tenté de vouloir sérieusement s'investir et tout prouver sur FIFA ? Tu as fait partie de cette scène pendant deux ans, sans remporter de titres majeurs mais en prouvant ta capacité à y briller.
J'ai toujours le désir de faire la même performance sur FIFA. Ce n'est pas chose facile. J'ai fait deux ans sur FIFA. La compétition n'est pas la même, ça n'a rien à voir. Il faut un investissement déjà de nous-mêmes et surtout financier. Cela demande un certain budget, c'est ce qui m'avait plombé je pense. Quand tu vois certaines équipes FUT et que celles-ci valent 10 000 euros... désolé je ne suis pas un parieur. Autant aller faire du poker. Je ne suis pas là pour perdre mon argent, pour peut-être rien à la fin. Je n'aime pas ce système-là. Je préfère celui de PES où c'est juste l'investissement personnel qui est récompensé. Après on perd, on gagne, ça reste un jeu, ça reste du football virtuel mais au moins ça ne demande pas cette exigence financière. C'est ce que j'ai compris en 2018. Je m'étais fixé encore une dernière année sur ce jeu avant que l'AS Monaco ne me contacte. C'est peut-être le meilleur choix que j'ai fait de ma carrière de repartir sur PES.
Dernière question Walid : avec ces 25 000 dollars, que comptes-tu faire ?
Comme je l'ai toujours fait, je vais le laisser à ma mère. Je ne suis pas trop dans ça. Je n'aime pas trop m'extasier avec. Ça en faisait rigoler certains mais je ne joue pas pour l'argent. Je le pense vraiment. Je ne vais pas m'acheter une voiture avec ça. Je préfère largement un titre de champion du monde et prendre zéro euro que de prendre 25 000 dollars et ne pas être champion du monde.