Le dernier jeu de la série, Assassin's Creed : Unity, a créé une assez vive polémique. Notamment au sein du parti de gauche, qui accusait les développeurs d'Ubisoft Montréal d'avoir créé un titre "contre-révolutionnaire", et d'avoir montré un visage bien trop sanguinaire de Robespierre. Un historien, consulté sur le jeu, répond.
À lire aussi : Le Parti de Gauche accuse Assassin's Creed Unity de "propagande réactionnaire"
Il se nomme Laurent Turcot et il est professeur d'histoire à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il annonce lors de cette émission (cf la vidéo) avoir collaboré avec Ubisoft pour la création du jeu Assassin's Creed Unity.
Paris Match a ainsi demandé à ce professeur, ainsi qu'à son collègue français Jean-Clément Martin, spécialiste de la Révolution Française et consultant scientifique sur le jeu (et sur son scénario), d'apporter quelques éclairages sur cette délicate période.
Le premier n'y va pas par quatre chemins et dénonce un raccourci facile à éviter et inhérent à ce type de média :
Pour savoir si ces critiques sont fondées, il faudrait analyser la totalité des cent heures de jeux et non les quatre minutes de la bande-annonce promotionnelle mise en ligne il y a de cela plusieurs mois. C'est un manque de rigueur et de sérieux.[...]
Ce que semble ignorer M. Mélenchon, c'est que l'historien ne travaille pas sur le passé mais sur les traces du passé. Il est important de ne pas affirmer des choses dont nous n'avons pas de preuves.
Le jeune professeur en profite d'ailleurs pour annoncer qu'il allait utiliser le titre d'Ubisoft qu'il qualifie de "formidable outil pédagogique", afin de "faire vivre à mes étudiants le saisissement et l'émotion que provoquent les grands événements de la Révolution, et plus encore la ville de Paris au XVIIIe siècle" . Bref, ce prof semble tout simplement vouloir vivre avec son temps.
Quant à Jean-Clément Martin, il argue du fait qu'il ne s'agit ici "que" d'un jeu vidéo et qu'il convient donc de le traiter en tant que tel et non comme un récit rigoureusement historique.
Considérons d'abord ce genre en tant que tel avant de nous embarquer dans une discussion épistémologique. Tous les romanciers ont pris des libertés avec l'histoire. L'exemple le plus flagrant est le « 93 » de Victor Hugo qui évoque la Commune de 1871 en utilisant librement une situation placée en 1793 en Bretagne tout en assurant qu'il s'agit de la Vendée !
Il a d'ailleurs répondu à l'internaute sur son blog chez Mediapart, qui se demandait s'il n'était pas dangereux de boire les paroles d'un jeu vidéo qui traite de l'histoire. Voici sa réponse :
Je ne minimise pas l'effet de ce type de média, qui façonne les esprits, comme d'autres - je pense notamment au manga _Lady Oscar_ vendu à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde.
Je n'oublie pas non plus que la majorité des films et jeux sont imprégnés de condamnations de la Révolution. Il est vrai aussi que la tentation complotiste, déjà présente au XVIIIe siècle, revient en force. Mais j'entendais répondre à la position de JL Mélenchon qui gommait le contexte du jeu pour ne voir que l'aspect idéologique. En outre, ce qui me semble devoir être posé est la remise en cause de ce qui est donné pour assuré !
J'ai passé trente ans à la construction d'une vision "plus nuancée" de la Révolution, précisément pour donner la possibilité de négliger ces polémiques dans lesquelles les jeux et autres exploitations médiatiques s'engouffrent... Je continuerai à le faire, mais je ne crois pas du tout en une quelconque neutralité de ce genre de médias.