Rendez-vous compte. Un jeu signé Double Fine issu du cerveau torturé de Ron Gilbert et qui fait référence à l'allégorie de la caverne de Platon. Impossible de ne pas s'enthousiasmer à l'idée de pouvoir poser les mains dessus. Surtout quand on est fan des jeux d'aventure développés par le bonhomme chez LucasArts. Car autant dans l'esprit que dans les mécaniques, ce ne sont pas les similarités qui manquent entre The Cave et ceux-ci.
Dans la forme, The Cave s'apparente à jeu de plate-forme 2D, mais réalisé entièrement en 3D avec un design tout à fait attractif, aux faux airs de "Metroidvania". Après tout, on progresse dans les dédales de cette étrange grotte parlante en bondissant un peu partout. Mais cet aspect et ces contrôles sont un leurre. Pas de bonds millimétrés ou de combats à l'horizon. On ne peut qu'actionner des mécanismes ou ramasser des objets - un seul dans les pognes, pas d'inventaire - de manière à interagir avec des éléments précis. De fait, seuls les méninges sont testés. Et mis à rude épreuve. C'est plutôt les jeux d'aventure à l'ancienne ou les puzzles games qu'il faut lorgner afin d'en comprendre le fonctionnement exact. Avant de débuter votre exploration, vous choisissez trois personnages dans un casting de sept - tiens, comme Maniac Mansion. Chaque protagoniste a un but précis : les jumeaux - qui comptent pour un - recherchent leur parents ; le chevalier, une épée légendaire ; le péquenaud, l'amour ; le moine, son maître ; l'aventurier, ses compagnons ainsi qu'un trésor ; la voyageuse du temps compte stopper une terrible catastrophe ; la scientifique se trouve sur le point de faire une grande découverte. Et tous disposent d'un pouvoir qui déterminera les zones spécifiques auxquelles vous aurez accès.
Ménage à trois
Pour le niveau essayé, notre trio est composé du péquenaud, de la scientifique et des jumeaux. Le début se montre assez soft. Le premier personnage dirigé progresse tranquillement avant de se retrouver bloqué face à un muret suspendu à une corde. Il est relié à un autre obstacle de même nature, placé un poil plus haut, car plus léger. Un changement de héros à la volée, via la croix directionnelle, un petit bond et la magie du contrepoids opère, dégageant le passage pour un accès direct et sûr vers l'étage inférieur. Où se trouve un bloc qui, déplacé, permettra d'amortir la chute de ceux restés au-dessus. Malin et très The Lost Vikings dans l'esprit. La suite exige davantage d'observation et de connaissance de ses ouailles. La zone se nomme Carnaval. Objectif du péquenaud : donner un ours en peluche rose à un freak de foire absolument incroyable, la femme à deux jambes. Ca tombe bien, il y en a un à deux pas. En vitrine d'un distributeur. Qui exige cinq tickets. Seule façon de les obtenir : se la donner grave sur les stands de cette étrange fête foraine. Bon, il y en a un plus facile à choper, de façon effroyable, mais je vous laisserai le plaisir de la découverte.
Associations d'idées
En faisant le tour du propriétaire, avec certains passages aquatiques réservés au seul péquenaud, capable de retenir sa respiration indéfiniment, on découvre différentes attractions. Cela va d'une grande roue au fameux test de force à coup de marteau en passant par le magicien qui fait disparaître les objets, la machine à prédire l'avenir et une roue de l'infortune. Sans parler de quelques objets disséminés ici et là et parfois inaccessibles à cause, par exemple, d'une foule mal située. Je ne vais pas vous décrire chaque façon de récupérer les tickets, vous m'en voudriez sûrement. Mais je vais tenter de vous décrire le cheminement d'une des énigmes. L'un des stands vous file un sésame si le crieur ne devine pas votre poids exact. Vous pouvez tout tenter, il parviendra toujours à ses fins. Il faut donc ruser, le tromper. Mais comment ? A quelques pas de là, un illusionniste fait disparaître un petit gâteau. Bonne idée. On prend la viennoiserie invisible, on file sur le pèse-personne eeeeeeeeeeet... perdu. Beaucoup trop léger. Il va donc falloir trouver quelque chose de plus massif, peut-être du côté du monsieur muscle du coin ? Je n'en dis pas plus. Le reste est exactement du même tonneau. Logique mais nécessitant d'établir des liens pas forcément évidents pour parvenir au déclic. Et même si l'on n'a pas pu tester d'autres capacités (la scientifique peut pirater des ordinateurs, les jumeaux laisser leur ombre et leur poids à un endroit), on imagine aisément qu'elles seront employées avec intelligence. D'autant, que, rappelons-le : le joueur peut opter pour n'importe quel combinaison de personnages afin d'élaborer son trio au début, sachant que chacun d'entre eux a donc des capacités uniques...
La tête et les jambes la tête
L'une des forces du titre édité par Sega s'avère la composante multijoueurs. On peut jouer à trois maximum, en local uniquement et sans écran partagé (la caméra reste sur le perso sélectionné à la croix directionnelle) pour éviter que chacun vive dans son coin. Une réelle stimulation naît de ce travail d'équipe. On réfléchit ensemble, on se casse la tête pour trouver la solution et lorsque l'étincelle survient, on peut posément passer d'un joueur à l'autre, certains mécanismes demandant une action simultanée à différents endroits, et admirer le travail, sans même se voir frustré de n'être que spectateur pendant quelques secondes. Autre point fort, l'atmosphère, évidemment. Tout à fait dans l'esprit des précédentes productions de Ron Gilbert. Il y a de l'esprit, du sel, un humour décalé et irrésistible. Et une vraie cruauté concernant les personnages, dont on pourra découvrir le background parfois macabre en dénichant de petites peintures. Quant au narrateur, la caverne, ses commentaires en cours de partie s'avèrent savoureux.
Pour ceux qui en doutaient, Ron Gilbert n'a rien perdu de son talent. The Cave semble disposer des atouts qui font les bons jeux d'aventure. Jolie, bien pensée, envoûtante, la formule rappelle réellement ces vieux point'n'clicks dont le papa de Monkey Island avait le secret. D'ailleurs, en parlant de ça, il faut noter que l'interface de la version PC sera aménagée pour la souris, bien qu'un pad 360 filaire fasse évidemment l'affaire. Quant à la Wii U, un "no comment" cinglant en guise de réponse à l'idée que le gamepad puisse être utilisé comme un écran indépendant sonne un peu comme un indice... Mais tout cela, comme le reste de ce jeu qui s'annonce tout à fait passionnant (et rejouable), nous le découvrirons courant janvier, en téléchargement sur les plateformes sus-citées et sur PS3 et 360. Vivement.