Dans un entretien fleuve très intéressant paru sur Polygon, les développeurs de Yager, qui ont tout récemment sorti Spec Ops : The Line, reviennent assez durement sur l'adjonction d'un mode multijoueurs et cette obligation manifeste poussée par les éditeurs au mépris, parfois, du bon sens (c'est à dire, pas celui de Power Point).
Le cas de Spec Ops n'est évidemment pas le premier. Lorsqu'une équipe de développeurs cherche à pousser le solo au travers d'une narration soignée, à proposer une expérience enrichie par une psychologie des personnages et un scénario plus poussés, c'est que leur intérêt se trouve rarement dans le développement coûteux d'un mode multijoueurs qui peut se passer d'un aspect narratif. Alors, souvent, le multijoueurs est développé par d'autres studios. Ce fut le cas de Spec Ops, de BioShock 2, et d'autres. Cory Davis explique :
Le multijoueurs n'a jamais été une priorité du développement. Mais l'éditeur était déterminé à l'inclure malgré tout. C'était véritablement une case que les prédictions financières finales disaient avoir besoin de cocher, et 2K s'est acharné pour que cela soit fait - même au détriment du projet global et de la perception du jeu.
Pour Davis, le multi, développé donc en externe par Darkside Studios, était un "clone de qualité inférieure de Call of Duty en vue à la troisième personne" qui ne "s'encombrait pas de respecter les piliers fondateurs du produit", arguant qu'il s'agissait d'un "multijoueurs plaqué" sur le jeu, et que c'était une "connerie qui ne devrait pas avoir lieu". Il ne s'arrête pas là :
Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un ratage total. Ca donne un mauvais éclairage à toutes les choses chargées de sens que nous avons faites pour l'expérience solo. Et c'est un gâchis d'argent. Personne n'y joue. Je n'ai même pas la sensation qu'il fasse partie du package - c'est un autre jeu forcé sur le disque comme une tumeur cancéreuse qui menace de détruire tous les meilleurs aspects de l'expérience que l'équipe de Yager a mis corps et âme à créer.
Malgré cela, Yager reconnaît aussi le positif de sa relation avec 2K, qui a tout simplement rendu possible le développement du jeu.
Ils ont pris un sacré risque avec le projet que d'autres éditeurs n'auraient pas les couilles de prendre. Je suis fier de ce que nous avons été en mesure de réaliser, et ce ne fut pas facile.
Richard Pearsey, co-auteur, ajoute :
Je ne veux pas critiquer après coup [Spec Ops]... il réussit ce que nous voulions qu'il fasse. On peut toujours dire "Oh, j'aurais aimé qu'on mette en scène cette séquence un peu différemment". Mais je ne vois pas l'intérêt de ressasser quoique ce soit de ce genre. C'était le jeu que nous voulions faire.
La question demeure cependant : à quoi bon développer et investir dans quelque chose qui ne sera pas suivi ? Les ventes d'un jeu d'abord solo sont elles véritablement boostées par la mention d'un multijoueurs sur la jaquette ? Probablement dans les études de marché des éditeurs, en tout cas...