Vous connaissez tous la routine des previews de MMO : "ça va déchirer, il y a des idées révolutionnaires, les développeurs promettent si, ça et puis encore ce truc, là, qu'on attend tous". Etc. Dans le cas de The Secret World, la liste des promesses est longue. Et après quelques jours sur la bêta presse et plusieurs personnages, vous trouverez ici surtout une longue liste de regrets et d'inquiétudes. Parce que si Funcom ne veut pas nous voir écrire rapidement des news à propos du décès ou du passage Free2Play de TSW, il va falloir travailler. Beaucoup travailler...
Je n'aime pas donner autant mon avis dans une preview, et avant d'aller plus loin, précisons qu'évidemment je n'oublie pas qu'il s'agit d'une version bêta. J'ai un document qui me rappelle même point par point de quoi je peux parler. Ça ne changera pas grand-chose. En quelques heures de jeu, on réalise à quel point Funcom est peut-être en train de rééditer les erreurs du passé. Pire : TSW se présente plus mal que Age of Conan au même point de développement. Une véritable catastrophe ? Oui et non. The Secret World prend des risques, beaucoup de risques. Pour une fois qu'un MMO nous propose un monde contemporain, la frustration de voir la réalisation ne pas suivre alors que les idées sont là est assez pénible.
La maison brûle
Je vous avoue que je ne comprends même pas comment TSW peut être dans cet état alors qu'il est censé sortir dans un mois. Funcom n'est pas franchement un noob dans le milieu, mais le nombre de bourdes qui polluent TSW est assez impressionnant. Quelques exemples en vrac : l'interface, héritée d'AoC, n'est absolument pas ergonomique et gère en plus très mal les grandes résolutions (les textes sont tous trop petits). En prime, elle bloque complètement la vue pour certaines actions, ce que je trouve débile dans un MMO, où par définition, le principe de pause n'existe pas... Ça ne facilite pas non plus le boulot quand on se fait aider pour choisir différents aspects de son avatar, vu qu'on ne peut pas lire la fenêtre de chat en même temps...
Côté technique, c'est pire. Les animations et la modélisation des personnages aux cheveux en papier de verre sont une blague qui me rappelle Matrix Online, certains évènements / pouvoirs gèlent l'action à l'écran plusieurs secondes, les temps de chargement sont abominables, la gestion de la caméra est insupportable (il faut rester appuyer sur un bouton par défaut), etc. Je pourrais continuer le massacre comme ça pendant des pages. Et passer pour assassin de bébés phoques si en plus je vous parlais de l'état de la version française. Mais je n'éprouve aucun plaisir à tirer... au RPG sur l'ambulance Funcom. En l'état, on ne peut simplement que constater que TSW, c'est beaucoup de bonne volonté stoppée net par un manque flagrant de maîtrise technologique et un design à la truelle. Il y a un problème affolant entre les promesses, l'ambition affichée au départ et le résultat qui est venu s'échouer sur mon disque dur.
Ambiance fin du monde
Pourtant, au départ tout se présente bien. La trame du scénario, passionnante, permet de mettre en place les différentes factions du jeu de manière très naturelle. Dans The Secret World, le monde est aux prises avec les forces du mal qui rappellent largement l'oeuvre de H.P. Lovecraft. Trois factions (Illuminati, Dragon et Templar) combattent pour sauver la Terre, avec des objectifs finaux totalement différents, mais une mentalité pourtant assez proche. Ces sociétés secrètes s'affrontent en effet autant pour le contrôle de nos vies que pour les sauver. Et il faudra choisir votre camp ! Conspirations et manipulations sont les maîtres-mots des aventures qui vous attendent. C'est simple, l'ambiance et la mythologie évoquée sont fantastiques. On a envie d'aimer ce titre, de s'y plonger. Les quêtes sont bien écrites et certaines sont plus proches de l'enquête façon jeu d'aventure que du MMO classique. Ça fait plaisir quand on s'y attend, mais le joueur lambda risque de devenir fou en cherchant des indices évidents à base de gros points d'exclamation jaune. Plus on avance et plus on découvre les possibilités du système de Funcom, ainsi que les inégalités hallucinantes de la réalisation.
Cantonné dans la ville de Kingsmouth, une bourgade de Nouvelle-Angleterre, pour cette phase de la bêta, on s'aperçoit que certaines parties, aidées par les effets atmosphériques et autres mises en scène sont quand même moins laides. Le premier donjon que j'ai affronté, Polaris, bénéficie aussi des quelques zones sympas. Malheureusement, dans l'ensemble ça reste bien trop vide à mon goût, loin des standards de 2012.
Avatars multifonctions
Si on met de côté ces problèmes de réalisation, la grosse prise de risque de ce titre, c'est son gameplay (regardez la vidéo en intro de cet article). Il mélange plusieurs éléments d'autres titres avec une réussite assez mitigée. Primo, plus de levels sur les personnages. Plus "vraiment" de points d'XP ni de classe. Le rôle des avatars va être défini par les pouvoirs choisis et ses armes. Les niveaux sont donc remplacés par votre niveau d'équipement. En fonction des skills débloquées, vous pourrez équiper (ou pas) des armes / objets plus puissants. Je trouve l'approche complètement hypocrite et absolument pas claire, mais nous verrons sur le long terme. Pour faire un personnage spécialisé dans le soin, vous serez obligé d'acheter des skills en rapport, pour pouvoir équiper les objets dédiés à cette tâche et les pouvoirs qui s'y rapportent. C'est la même mécanique, emballée différemment. Après des centaines d'heures de jeu, vous pourrez effectivement débloquer le reste des pouvoirs et switcher de rôle en changeant d'armes. Une idée que FF XIV mettait en avant. Avec le succès qu'on connait...
Secundo, le choix de vos capacités se fait via un écran appelé le "Nexus des pouvoirs". Plus de 500 sont disponibles, actifs ou passifs. Dans le tas de ceux que vous avez débloqués, vous ne pourrez en choisir que 14 : 7 passifs et 7 actifs. Yep, on retrouve donc aussi la notion de decks de Guild Wars. Il est possible de sauvegarder ces decks pour en changer rapidement. Reste à voir si cette apparente richesse ne complexifie pas non plus trop le jeu pour rien. Si c'est pour s'apercevoir que chaque rôle (dps, tank, soin) dispose au final d'un deck / combo d'armes "idéal", c'est un peu dommage. À tester sur la longueur donc, MMO oblige.
Peur sur la ville
Les combats sont également inspirés des MMO action : on peut courir en lançant ses sorts, les monstres ont souvent des attaques de zone qui obligent à bouger ses fesses et le tout serait dynamique et agréable si le jeu était plus beau et si les animations donnaient une réelle impression de puissance... En prime, le système de combat oblige à toujours utiliser les mêmes sorts pour accumuler des points qui permettent ensuite d'activer les sorts plus puissants. Les rogues de World of Warcraft ne seront pas dépaysés... Tiens, en parlant de WoW, la mort dans TSW est gérée de la même manière, perte de points de durabilité comprise. Pas très pénalisante donc, il faut juste de bonnes baskets astrales pour aller récupérer son corps.
À un mois du lancement, je pense que vous comprenez maintenant mon inquiétude sur The Secret World. Et encore, je me suis gardé le système de quête pour le test. Il oblige à n'accepter qu'un nombre limité de missions et va en crisper plus d'un. J'ai aussi passé l'éponge sur les bugs divers et variés comme ce mob de quête qui n'est jamais revenue après m'avoir tué ou le fait que taper trop de texte dans la fenêtre de chat fait dépasser le texte en question : la ligne continue dans votre écran sans se poser de question... Il reste 4 semaines à Funcom pour sortir ce jeu, c'est très peu quand on voit ça. Parce que si on peut argumenter que gameplay et design ne peuvent plaire à tout le monde, il y a des lacunes techniques qui restent inexcusables. Seront-ils réglés avec des tas de patches par la suite ? Mystère...