Après une vidéo d'annonce aux VGA en 2009, et une première présentation à la GamesCom 2010 qui ne m'avait guère emballé, Spec Ops : The Line s'est laissé jouer pendant deux bonnes heures pour mieux convaincre qu'il ne s'agissait pas pour le premier shooter militaire de 2K Games de faire "comme les autres". Plongée à Dubaï, la magnifique, fusil d'assaut en mains.
Il a bien fait de disparaître des téléscripteurs pendant quelques temps, ce Spec Ops : The Line. Ce n'est d'ailleurs pas le seul jeu qui prend son temps pour bien faire chez 2K Games, et c'est une stratégie qu'on ne peut qu'approuver. En attendant, le shooter de Yager est parvenu à maturité, et à présent qu'il est en phase de finition et débuggage et qu'on a pu y jouer, on peut s'en faire une bien meilleure impression.
Un ligne de funambule
Le nom d'un jeu a toujours de l'importance. Dans le cas de Spec Ops, la fameuse ligne désigne plusieurs choses : celle que parcourra le héros, le Capitaine Martin Walker, flanqué du lieutenant Alphonso Adams et du sergeant John Lugo, au coeur d'un Dubaï ravagé par les tempêtes de sable et un imbruglio militaro-politique d'envergure, mais aussi la ligne morale forcément floue et changeante, qu'il choisira peut-être de franchir sous les commandes du joueur. En tout cas, si ce trio d'opératifs spéciaux Delta Force débarquera dans la ville du désert avec un objectif clair et précis au début de l'aventure, il est certain qu'ils ne sortiront pas indemnes de l'opération... qui partira forcément en vrille. Pour François Coulon, qui est le Réalisateur et le Producteur Exécutif du jeu chez Yager, il s'agit "de livrer une expérience de jeu comparable, sinon meilleure, à celle qu'on peut trouver chez les concurrents. Mais aussi, du point de vue narratif, qui est un peu la marque de fabrique de 2K, on essaie de faire quelque chose de différent. C'est LE point principal". Comparant ainsi les shooters militaires d'aujourd'hui à des blockbusters Hollywoodiens typés Michael Bay ou Jerry Bruckheimer (sans porter de jugement de valeur), François explique ainsi : "Nous on pense que, l'âge moyen du joueur est autour des 30 ans, et qu'on peut essayer d'amener autre chose, de plus mature, avec une vraie histoire, une évolution du personnage : on essaie d'amener au jeu vidéo ce que les films des années 70 ont amené au genre des films de guerre, comme les Apocalypse Now, les Full Metal Jacket, les Platoon, etc". Une ambition que nous avons pu deviner au cours de notre partie, au travers d'une scène, notamment, que nous ne spoilerons pas ici mais qui soumet le joueur à un choix apparemment sans issue moralement favorable... sauf s'il se met à réfléchir un peu et à tenter quelque chose (mais rien ne l'y oblige) exploitant la physique du jeu. Mais revenons avant tout sur le pitch, pour mieux situer l'aventure.
Mitraille à Dubaï
Dubaï, ville démesurée installée en plein désert à grands renforts de pétro-milliards et d'abnégation, devient le théâtre d'une catastrophe humaine à son échelle lorsqu'une série de tempêtes de sable frappent la cité avec une violence que personne n'avait vue jusqu'ici. Lorsque les gratte-ciels menacent de s'effondrer et les fondations de la ville de se fendre, la 33e américaine, menée par le Colonel John Conrad, part en mission humanitaire pour aider à l'évacuation des civils. Malheureusement, une fois sur place, si leur aide est bienvenue, elle n'empêche pas les tempêtes de continuer de balayer la ville. Le Ministère de la Défense américain ordonne le rapatriement de ses troupes ; Conrad refuse d'obéir, et reste avec sa 33e pour organiser une dernière caravane de réfugiés. Mais avant même d'avoir parcouru les 10 premiers kilomètres, une tempête plus terrible encore ravage Dubaï, et le contact avec la 33e et la population locale est rompu. La ville est isolée, enfouie sous le sable, et coupée du reste du monde, qui la croit perdue corps et âmes. Six mois plus tard, un mystérieux message radio de Conrad est reçu ; l'escouade des trois Delta Force est envoyée sur place, et se rend vite compte que la ville est toujours habitée... et en proie à des affrontements inattendus d'une rare violence. Côté narration, on a donc un jeu mature, découpé en séquences d'action ponctuées de petites cinématiques in-engine. Si les moments de choix soumis au personnage ne changeront pas les grandes lignes de l'histoire ou la fin, puisque le scénario reste linéaire, ils les altéreront néanmoins au travers de certains détails au cours de la dizaine d'heures de jeu solo que proposera la campagne.
Ca sent bon le sable chaud ?
Le choix de la vue TPS a son importance pour véhiculer la plongée d'un personnage central au coeur d'un enfer inattendu, et les changements que cela opérera sur son caractère comme les réponses de ses équipiers à ses requêtes, mais aussi et surtout en termes de gameplay. Spec Ops se pare des classiques du genre : système de couverture avec tir à l'aveugle, passage d'une couverture à l'autre de manière fluide, sprint entre couvertures, tir épaulé, lobes de grenades, etc. Par dessus, l'essentiel des spécificités du jeu s'articulent autour du level design. Artistiquement emprunt des échelles improbables de Dubaï, transcendées par la destruction de la ville, il profite surtout en termes de gameplay de renversements architecturaux, de façades, crevasses, et donc d'échelles variables pour ses fusillades, ainsi que de quelques petits ajouts comme l'utilisation de masses de sables retenues par des vitres qui cèderont aussitôt percées par une rafale. Evidemment, le joueur peut en tirer partie pour assommer ses ennemis (voire les engloutir), mais à l'occasion, ceux-ci pourront lui retourner la pareille. De même, une grenade explosant dans une zone assez sableuse projettera un nuage aveuglant qui perturbera les ennemis quelques secondes, et les tornades de sable, elles-mêmes, viendront corser régulièrement vos affaires, à la manière de ce qu'on a pu vivre dans Uncharted 3 ou Modern Warfare 3 tout récemment. En mains, l'ensemble fonctionne bien et s'enrichit d'un système simple pour commander ses coéquipiers si on en sent le besoin ou l'envie : une pression sur le bumper droit, on vise, et on indique ainsi en relâchant le bouton une priorité d'action aux IA gérant les deux soldats. Ce n'est pas obligé d'en tirer parti, mais ça peut s'avérer utile dans certains moments difficiles. Bref, dans l'ensemble, ces premières heures de jeu semblent indiquer que Spec Ops bénéficie d'un gameplay à niveau, et qui a l'avantage de ne pas être sans surprises. Reste une réalisation basée sur le moteur Unreal, très modifié au niveau des éclairages pour mieux faire passer la chaleur et l'éclatant soleil qui baigne l'essentiel des séquences. Les couleurs sont plus chaudes, le rendu étonnamment différencié par rapport à bon nombre d'autres jeux qui utilisent ce même moteur graphique et ont tendance à tous se ressembler de ce point de vue. Un autre bon point donc.
Prévu pour le printemps prochain sur PC, 360 et PS3, Spec Ops : The Line signera l'entrée de 2K Games dans l'arène très disputée des shooters militaires. L'éditeur est conscient des moyens qu'il faut pour s'y faire une petite place, et c'est donc avec un titre intéressant qu'il les met en oeuvre. Il proposera également un multijoueurs, que nous n'avons pas encore pu essayer ou découvrir pour le moment. Si vous n'avez toujours pas eu assez de fusillades quand le moment viendra, Spec Ops proposera pour la première fois de tirer sur autre chose que les inénarrables extrémistes communistes ou islamistes dans sa version du désert, et rien que pour ça, il est à surveiller !