C’est un nouveau venu sur la scène des point’n’click. The Star Named EOS est sorti le 22 juillet dernier sur PC et consoles. Les Taïwanais de Silver Lining nous invitent au voyage avec un récit dont il va falloir recoller les morceaux. Véritable jeu de puzzle, il promet d’explorer le lien entre un fils et sa mère. Tous deux ont une passion commune, la photographie. Grâce à celle-ci, Dei, le protagoniste, va pouvoir faire la lumière sur un passé bien enfoui. Alors, après Behind the Frame, le deuxième jeu du studio serait-il la future perle indé de votre ludothèque ? Voici nos impressions sur la version Nintendo Switch.

Un récit-photo plein d’émotion

The Star Named EOS démarre dans une chambre d’enfant. Les jouets, la décoration, les souvenirs partagés qui hantent la pièce… tout nous place dans une ambiance à la fois nostalgique et chaleureuse. Des tableaux tout aussi chatoyants se succèdent dans la peau de Dei. Sur les traces de sa mère partie en voyage, il tente de revivre des expériences qu’elle a elle-même vécues.

Mais, plus qu’un voyage géographique, c’est un voyage à travers la mémoire - mais une mémoire falsifiée - que nous propose le jeu. De fait, une fois les principaux tableaux parcourus, le vernis des polaroid vient à se craqueler. Le récit prend alors une toute autre dimension. Ainsi, The Star Named EOS questionne l’artificialité des images autant que la capacité à trouver du beau là où il devient difficile d’en trouver autour de soi.

L’équipe de Silver Lining aborde de grands thèmes dans un “petit” jeu. Peut-être trop grands pour lui… Dans l’ensemble, il parvient à nous surprendre et à nous emporter dans les 4-5 heures de son récit, jusqu’à un dénouement touchant. Ne comptez cependant pas sur une trop grande rejouabilité, si ce n’est pour chercher les clichés cachés à réaliser pour remplir votre album.

Malgré tout, le jeu reste parfois en surface. En découle une frustration, notamment dans sa dernière partie où les événements sont expédiés. On ne peut alors s’empêcher de se dire que Dei est un personnage qui manque de corps. L’histoire nous laisse donc sur un entre-deux, tentant de faire appel à l’affect du joueur tout en lui proposant un personnage principal en demi-teinte. Et, malheureusement, ce sentiment d’inabouti se rencontre dans chaque aspect du jeu.

Un arrêt sur image en demi-teinte

Explorant le thème de la beauté, The Star Named EOS tend, avec ses humbles moyens, à proposer une expérience qui ravit nos yeux. Les décors sont charmants dans l’ensemble. Le titre parvient même à les transfigurer, les dévoilant peu à peu sous un autre jour. Ce faisant, Silver Lining montre qu’il sait donner vie à des atmosphères aux antipodes les unes des autres pour une expérience de jeu plus captivante.

Toutefois, les tableaux en 3D qui s’offrent à nos yeux manquent de personnalité. Certes, ils sont vivants grâce aux jeux de lumière et certains éléments animés, on aurait aimé pouvoir interagir avec plus de choses encore. Mais, on se satisfera des effets surprises produits à certains endroits en prenant tout simplement une photo. Plus encore, le jeu parvient à briller à sa manière dans de petites parenthèses enchantées où les étoiles s’invitent dans les décors.

Toutefois, l’esthétique a des airs de peinture qui donne du cachet aux environnements. Le studio a également apporté une attention particulière à l’album photo pour le rendre encore plus agréable à remplir et à parcourir. Dès lors, on regretterait l’intégration de personnages en 2D dont les traits et les aplats de couleurs sont bien plus sommaires. Non seulement cette arrivée est soudaine dans le récit, mais elle ne s’accorde pas au mieux avec la composition générale, en plus d’être superflue.

Décor de plaine fleurie dans The Star Named EOS.
© AUR pour Gameblog

Plus encore, on appréciera qu’un doublage partiel (en anglais, chinois et japonais) ait été ajouté au jeu. Cependant, la qualité audio n’est pas optimale, surtout en mode portable. Heureusement, il n’en est rien pour l’OST qui, elle, nous transporte au contraire avec douceur et mélancolie dans ce voyage. Voilà une manière poétique de traduire les émotions de Dei. Elle laisse, qui plus est, tout l’espace mental nécessaire pour se concentrer sur la résolution des énigmes qui nous attendent dans le titre de Silver Lining.

Un classicisme saupoudré de bonnes idées

The Star Name EOS prend la forme d’un point’n’click centré sur des puzzles, plus proche donc de The Witness et que d’un Monkey Island, toutes proportions gardées. Le but est, à chaque fois, de reconstituer une photo laissée par la mère de Dei. Pour retrouver l’expérience vécue par celle-ci, le défi est de rassembler les éléments nécessaires dans le décor afin de reproduire la scène.

Or, ils sont systématiquement enfermés dans des boîtes et coffres à déverrouiller. Il faut alors résoudre une suite de casse-têtes pour en trouver la combinaison. Certains sont tout ce qu’il y a de plus classiques. Par exemple, on doit faire tourner plusieurs roues pour les aligner de telle sorte qu’elles reconstituent un dessin. À un autre moment, on nous demande de reconstituer un circuit entre deux points à l'aide des bonnes pièces de puzzle. Notons, d’ailleurs, que le jeu prend en charge le tactile en mode portable.

The Star Named EOS  se démarque davantage lorsqu’il invite à trouver la solution directement dans le décor, avec des chiffres ou symboles cachés notamment. Cela dit, les énigmes qui reposent sur ce principe sont plus confuses à comprendre. Une lisibilité un peu plus explicite des éléments avec lesquels interagir, par exemple, aurait été appréciable. Malgré tout, l’utilisation de l’appareil photo pour résoudre ce type de casse-tête apporte un vrai plus à l’expérience. Zoomer sur un élément ou prendre un cliché apporte un peu de dynamisme à un jeu qui, autrement, ne nous demanderait que de nous triturer les méninges sans grande interaction. 

On en revient alors au manque d’éléments cliquables. Que les amateurs de point’n’click se le disent : nous ne sommes pas sur une grande aventure qui demandera d’assembler mille-et-un objets ou d’inspecter de long en large le moindre pixel du décor pour en trouver d’autres. Ce n’est pas un mal. Mais, là encore, un peu plus n’aurait pas été de refus. D’autant qu’avec une thématique comme le souvenir au cœur du jeu, des commentaires supplémentaires de Dei auraient été bienvenus. Cela aurait donné plus de consistance au personnage et même à son histoire.

Un jeu qui ne brille pas de son meilleur éclat sur Switch

Notons enfin qu’on sent que The Star Named EOS est avant tout pensé pour être joué sur PC. Néanmoins, Silver Lining Studios a tenté d’optimiser au mieux la navigation et les commandes pour la Nintendo Switch. Dans certaines circonstances, comme la photographie, les gâchettes sont des raccourcis bienvenus quand faire bouger le curseur à l’écran via les sticks devient trop rébarbatif.

De même, le jeu prend en charge le tactile en mode portable, fait assez rare sur Switch pour le relever. Cela dit, les interactions les éléments du décor sont vraiment restreintes. Ce n’est donc pas des plus utiles lorsqu’il s’agit de fouiller l’environnement. On y aura donc plutôt recours pour résoudre certains puzzles. Certes, là aussi, ce n’est pas des plus précis. Mais, c’est toujours plus pratique de faire glisser du doigt une pièce mobile plutôt que de servir des boutons.

Il faut rassembler les pièces de l'appareil photo pour le fixer sur son trépied dans The Star Named EOS.
© AUR pour Gameblog

En somme, The Star Named EOS s’appréciera probablement mieux en mode portable. D’autant que la qualité des graphismes ne requiert pas un écran de grande résolution pour en profiter. Évidemment, certains effets seront plus marquants visuellement sur un téléviseur. Mais, d'un sens, avoir la console en main prolonge la sensation de l’appareil photo. Il ne tient alors qu’à vous de vivre l’aventure à la manière de Dei, de façon nomade.