Cette fin d'année 2008 nous aura décidément gâté dans le domaine des jeux vidéos indépendants : après l'excellent Braid de Johnatan Blow, les (deux) gars de 2D Boy nous arrivent avec World of Goo, un très bon jeu de boule. Où il s'agira de mener ces boules, les fameux Goo, vers un tuyau en essayant de construire des structures plus ou moins stables. En avant pour une chronique certifiée 100% sans jeu de mot sur "les Goo et les couleurs".
Beauty School
World of Goo fait partie de ces jeux qui, d'emblée, comme Derrick, imposent un style reconnaissable entre mille. Sauf qu'à la place des grosses lunettes, de l'allemand et des talonnettes marrons, c'est un festival de couleurs chatoyantes, de musiques énergisantes et de bonne humeur que le jeu parvient à distiller. Ce World of Goo possède une ambiance, que dis-je, une âme qui se rapproche parfois des créations de Tim Burton (genre La triste fin du petit enfant huître et autres histoires), sans toutefois la copier dans son intégralité. Le ton est sans doute plus léger, et même si les thèmes abordés le sont moins, il se dégage de l'ensemble un je-ne-sais-quoi qui vous colle un sourire d'enfant sur le visage à chaque partie. Pour ne rien gâcher, de l'écran de chargement au générique de fin, le jeu est traversé par un humour aussi subtil qu'efficace. Même si l'histoire contée au travers de saynètes un brin surréalistes et de panneaux informatifs se fait plutôt discrète, on retiendra avant tout un univers charmeur et coloré. Un monde que l'on prend plaisir à découvrir aux rythmes de musiques entraînantes qui n'ont pas à rougir face aux compositions d'un Danny Elfman. Mais réduire World of Goo à une réussite "artistique" serait une erreur majeure.
Ode to the Bridge Builder
Parce qu'au creux de cet enrobage envoûtant se cache un jeu qui ne l'est pas moins. Le principe de base est, comme un épisode de Derrick, d'une simplicité désarmante. Sauf qu'à la place d'intrigues psychologiques aussi vives qu'un escargot sous Xanax, on se rapproche plutôt de l'idée d'un bon vieux Lemmings. Jugez plutôt : dans chaque niveau, le joueur dispose d'un stock de Goos, qu'il va falloir amener vers la sortie en construisant des structures avec ces mêmes Goos. Le problème étant que plus la structure est grande, plus le poids des Goos va la rendre instable. Un gameplay simple et intuitif, décliné sur les cinq mondes et la quarantaine de niveaux qu'ils contiennent. Oh, je vous connais bien, et je sens venir l'argument classique du "Mouais, ça doit devenir lassant très rapidement". Ce à quoi je répondrai (avec le tact de l'inspecteur Allemand face au criminel démasqué) : "Vous faites erreur". Le tour de force de World of Goo, c'est que les niveaux se suivent et ne se ressemblent pas. La quasi-totalité des puzzles introduit un nouveau concept, une nouvelle astuce ou un nouveau type de Goo qu'il faudra maîtriser pour passer au niveau suivant. L'intérêt est constament renouvelé, le plaisir de jeu décuplé.
Tower of Goo Memorial Park and Recreation Center
Qu'il s'agisse de l'aspect visuel, musical, ou du gameplay en lui même, World of Goo fait mouche. Chaque détail a été fignolé, ça se sent. Oui, je sais, un peu comme un épisode de Derrick. Cette ambiance, l'ingéniosité du concept et la finition aux petits oignons impressionnent d'autant plus quand on sait que le jeu a été développé à quatre mains par Ron Carmel et Kyle Gabler. Enfin, six mains car les deux compères ont eu recours à un troisième larron pour certaines parties plus techniques. Il n'empêche que le résultat impressionne, et ce n'est pas les quelques défauts (une résolution bloquée pour l'instant en 800x600 sur PC et une durée de vie de cinq à six heures) qui terniront le tableau. D'autant plus qu'une fois l'aventure finie, on pourra s'acharner sur les OCD (des objectifs supplémentaires qui imposent de sauver plus de Goos, ou de les sauver avec une limite de temps ou de mouvements), et sur la construction de la tour la plus haute du monde avec les Goos sauvés.
Un jeu peut-être un peu court, peut-être un peu facile, mais tellement maîtrisé, fignolé, et développé avec l'amour du travail bien fait, qu'on ne peut que tomber sous son charme. Les superlatifs me manquent pour décrire tout le bien que je pense de ce grand "petit jeu", si bien que je me demande si Derrick était une bonne image pour le représenter. Parce qu'en y réfléchissant bien, c'était quand même une sacrée série de merde Derrick.
N.B. : World of Goo est disponible sur PC et Mac en téléchargement pour 20$ par le site de 2DBoy, et tout bientôt sur Steam. Il devrait sortir incessamment sous peu sur Wii également dans la gamme WiiWare pour 1500 points Wii, et en versions boîtes dans les boutiques Européennes pour 20 euros.