L'heure du verdict a sonné pour Watch_Dogs. Rarement nouvelle licence n'aura connu une ascension aussi fulgurante. Mais entre ambition stratosphérique, gestation complexe et communication éreintante, que vaut vraiment le titre le plus attendu de 2014 ? Déjà disponible en magasin plusieurs jours avant sa sortie officielle, comme de nombreux joueurs, nous avons décidé de nous procurer le titre en boutique, version PS4, afin de tenter l'expérience. L'attente était si fiévreuse que beaucoup craignaient le pire. Mais autant le dire tout de suite : nous n'avons pas été déçus ! Et ce même si le GTA-like d'Ubisoft, articulé autour du piratage, est loin d'être parfait...
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Présenté en grande pompe à l'E3 2012, Watch Dogs a surpris, impressionné même, avec une séquence de gameplay riche en action et, surtout, une réalisation qui supplantait sans mal tout ce que nous avions pu voir jusqu'ici sur nos consoles. Avec l'arrivée de la PS4 et de la Xbox One en ligne de mire l'année suivante, c'était le bon moment pour se lâcher techniquement, mais personne n'a été dupe : le jeu tournait à l'époque sur un PC sur-boosté et c'est bien cela qui peut poser problème aujourd'hui, lorsqu'on découvre le titre dans sa version finale sur consoles "new-gen"... C'était à prévoir, le rendu final n'est pas totalement similaire à ce qu'on nous avait vendu en 2012.
Délit de sale gueule ?
Si vous êtes restés sur la démo d'il y a deux ans, dans les premières minutes, Watch Dogs ne pourra que vous laisser un goût de déception graphique sur PS4. Pour autant ne nous y trompons pas, les développeurs d'Ubisoft Montréal ont réalisé une prouesse, et je vais vous expliquer pourquoi.
Dans un jeu à monde ouvert, la complexité de l'exercice réside dans la capacité à créer un univers cohérent et d'y proposer une histoire intéressante, des actions amusantes à accomplir. Les détails de ce monde se doivent de foisonner, le moteur physique d'impressionner, les passants et la circulation se doivent d'être crédibles, le tout nécessite nombre d'éléments destructibles, etc. En cela, la promesse est tenue la plupart du temps dans cette ville de Chicago (découpée en quartiers à pirater, façon Assassin's Creed, pour débloquer les quêtes annexes), théâtre des pérégrinations d'Aiden Pierce, tant la cité regorge de détails, d'éléments avec lesquels interagir. Oui, l'univers est aussi crédible que vivant avec tout ces passants et pas mal d'immeubles à visiter, même si on ne peut pas entrer partout. Précisons que tous les personnages que l'on croise peuvent être analysés grâce au "Profiler" d'Aiden, un téléphone relié à l'ordinateur de la ville qui permet de repérer les gens, aux réactions crédibles et variées pour la plupart, de les hacker pour leur soutirer des informations, obtenir des missions secondaires, des musiques et de l'argent. Cet objet sert aussi à tout pirater dans la ville, mais nous y reviendrons.
Pour en revenir à la question de la "technique" obsédant tant les joueurs en ce début de nouvelle génération, je retiendrais surtout que le rendu de Watch Dogs sur PS4 n'est pas homogène. Oui, le jeu est beau dans son ensemble, malgré une ville un peu trop grise à mon goût pendant la journée, mais le rendu se révèle surtout saisissant la nuit, lorsqu'il pleut, que le vent fait onduler les arbres et que la fumée sort des plaques d'égouts par exemple. Ainsi, on s'arrêtera devant un coucher de soleil et un effet de lumière superbe parfois, malgré un léger aliasing en journée, et la minute suivante on pestera dans une allée grisâtre, banale et presque héritée des consoles de la génération précédente. Comme le dit l'adage, on ne peut pas être bon tout le temps... Cela dit, l'ensemble reste une réussite. Mention spéciale d'ailleurs au rendu de l'eau (Aiden peut nager, presque une prouesse dans un jeu next-gen !) et aux éclairages de nuit, absolument superbes et intelligemment utilisés, tout autant que pour le passage du temps (le cycle jour/nuit dure une petite heure environ).
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Bref, vous l'aurez compris : c'est beau, parfois très beau, et le rendu général est excellent à quelques moments près, même si, une dernière fois, ce qui nous a été promis en 2012 n'est pas totalement valable sur PS4... et ne sera probablement visible que sur des PC bien équipés.
Hacker vaillant...
Autre point essentiel dans un open-world : le scénario, ou plus précisément la manière dont l'histoire vous tient en haleine du début à la fin de l'aventure malgré une foule d'activités annexes. Et là encore, ce n'est pas homogène. Si certaines scènes sauront vous happer, d'autres n'y parviendront pas, sentant parfois même le rajout de dernière minute pour étoffer l'aventure. Difficile néanmoins de critiquer la narration et l'ambiance générale, d'autant que les dialogues en français (même si la VO est meilleure) sont souvent savoureux, notamment au travers de certains personnages comme Jordi et T-Bone, alliés d'Aiden, mais aussi lors des intrusions dans la vie privée des habitants de Chicago. Malheureusement, et même si les rebondissements sont nombreux, il faut bien reconnaitre que l'histoire nous perd un peu parfois, avec ses piratages obscurs, ses pièges scénaristiques et ses intervenants mystérieux. Précisons d'ailleurs qu'il est assez facile de lire dans certains d'entre eux (je pense évidemment à Badboy 17, que vous découvrirez bientôt) et d'anticiper leur rôle dans l'histoire.
Cerise sur le gâteau ? Aiden lui-même ! En effet, le bougre manque sacrément de charisme, de son visage (souvent moins bien réalisé que ceux des autres personnages importants) à son tempérament, beaucoup trop lisse pour séduire tout au long de l'aventure. Précisons néanmoins que ce dernier se sent responsable de la mort de sa nièce, ce qui le mènera a en rechercher les meurtriers... Ceci explique donc peut-être cela, mais quoiqu'il en soit, on peine à s'y attacher.
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Bien que sans flamboyance particulière, le scénario demeure solide et en phase avec le sujet du piratage, dans une ville ultra sécurisée contrôlée par le ctOS, un puissant ordinateur en charge d'assurer son bon fonctionnement, de la distribution d'eau à l'alimentation en électricité, en passant par la circulation... Mais une fois encore, entre DEDSEC (les hackers qui luttent pour la libération de la ville), les vrais pirates informatiques, la compagnie Blume à qui l'ont doit le ctOS, le vieux Lucky Quinn et sa mafia, les fixeurs (des tueurs à gages modernes), Iraq et les gangs ultra clichés ainsi que les amis d'Aiden, Jordi et T-Bone, et j'en oublie, on finit un peu par s'y perdre. C'est dommage. Comprenez que l'histoire demeure satisfaisante dans son genre, sans égaler le standard de qualité des productions Rockstar.
Heureusement, là où l'équipe de développement a assuré, c'est sur l'autre composante vitale d'un titre d'une telle ampleur : le gameplay !
... tout est possible ?
Soyons clairs, il y a énormément de choses à faire dans Watch Dogs, et la plupart des activités proposées, dans l'aventure principale comme dans ses à-côtés, sont réussies. Elles sont même phénoménales !
Des quêtes secondaires (escortes, courses, piratages, protection des civils, etc.), aux multiples enquêtes à suivre, aux éléments à collecter et aux mini-jeux, en passant par les trips numériques (des épreuves en réalité augmentée dans Chicago), l'histoire en cinq actes découpés en 39 missions et les contrats en ligne (jeu en ligne intégré au solo), il y a de quoi s'occuper un temps colossal. Si les développeurs font fort en termes de contenu, c'est surtout sur la qualité de l'intégration des possibilités d'Aiden dans le level design général que le plus gros travail a été apporté. Pour résumer, Aiden est un pirate informatique qui utilise le Profiler, son téléphone relié au ctOS, pour pirater tout ce qui se trouve à sa portée (ponts et herses à relever en pleine poursuite de voitures, caméras pour observer ses ennemis avant d'attaquer, ordinateurs via des mini-jeux pour obtenir des informations, feux de circulation pour perturber le traffic, détrousser les comptes bancaires virtuels des passants), mais il est aussi un homme de terrain qui excelle tout autant en combat rapproché, avec son bâton télescopique, que dans le maniement des armes, qu'il s'agisse de pistolets, fusils à pompe, fusils à lunettes, mitrailleuses ou lance-grenades.
Notons néanmoins que le feeling des armes et leurs bruitages ne sont pas tous convaincants, même si on s'en accommode sur la longueur. Et comme si cela ne suffisait pas, Aiden est aussi un bricoleur hors pair capable de fabriquer des outils high-tech performants (bombes, radars, brouilleurs de fréquences, leurres, etc.) à utiliser au bon moment pendant les phases d'action et d'infiltration. Car le plus percutant dans Watch Dogs reste d'offrir la possibilité d'aborder les missions en force, armes au poing, ou en finesse en piratant ou en s'infiltrant. Et le bon hacker/infiltrateur sera celui qui arrivera à tout coordonner en même temps (action, infiltration, piratage, etc.) grâce au "focus", une jauge de ralenti qui permet de réaliser un grand nombre d'actions en un temps record. Autant dire que cet ensemble, une fois maitrisé et utilisé correctement, est un régal pour les yeux et pour l'égo. D'autant que le tout profite d'un système de couverture extrêmement efficace (proche de celui d'un Splinter Cell : Conviction) et d'une conduite, lorsqu'on utilise les dizaines de véhicules disponibles, excellente. Les sensations y sont d'ailleurs très bonnes pour des poursuites grisantes, que l'on pilote à la troisième personne ou en vue interne dans le cockpit, même si une fois dans les airs la physique des voitures est discutable.
Au final, on ne peut que s'incliner devant le talent avec lequel le jeu a été pensé et mis en place, de manière à ce que le joueur ait toujours le choix d'aborder les épreuves de plusieurs manières, le tout avec classe. Du coup, on planifie bien ses infiltrations dans les lieux surveillés pour établir une stratégie qui peut, à tout moment, changer si le plan ne se déroule pas comme prévu. Un tour de force qui est malheureusement contrebalancé par deux choses...
La première est que l'on risque de très facilement céder au bourrinage, arme au poing avec l'arsenal d'Aiden, tant celui-ci fonctionne bien. Et là, le titre devient très vite répétitif, sauf en mode "Difficile" où il faut jouer intelligemment pour ne pas mourir à répétition. Il est donc impératif d'exploiter et de varier tous les outils dont notre héros dispose pour réellement s'amuser, ne l'oubliez pas ! La seconde chose concerne l'intelligence artificielle peu poussée des assaillants. En effet, les gardes se contentent de faire leurs rondes et de réagir à l'environnement de manière basique, sans réelle jugeote. Une explosion ici ou là et tous ceux qui l'ont entendue s'y rendront sans réfléchir, ce qui permet ensuite de tous les tuer avec une grenade bien placée.
Heureusement, le level design du jeu est très bon, donc les sentinelles ne sont pas toutes regroupées et on peut jouer avec elles en les attirants au moyen de leurres, en les observant par le biais des caméras avant de faire exploser certains générateurs ou des canalisations pour les abattre. Et puis avouons que leurs armes font vraiment mal en mode "réaliste" (difficile). Nous pourrions, bien sûr, vous décrire tout l'arsenal d'Aiden, des bombes de proximité aux black-out temporaires (de tout un quartier), en passant par le piratage des caméras, les scans de brouillages et la cinquantaine de compétences à débloquer en accumulant de l'expérience...
Mais retenons surtout que Watch Dogs offre de nombreuses possibilités et que l'ensemble du gameplay est bon quel que soit votre style de jeu. C'est ça finalement qui fait l'essence du titre : les outils proposés sont nombreux, souvent jouissifs, et permettent de s'amuser en abordant les missions de plusieurs manières, en infiltration ou non (on peut même en faire certaines juste en piratant les caméras et sans jamais sortir une arme, si on est assez observateur !).
Un multi original, mais...
Terminons ce tour d'horizon de Watch Dogs en nous intéressant à son multijoueur, que l'on nous avait promis seamless (sans coupure) et intégré au solo. Sur ce point, promesse tenue ! A tout moment pendant le solo, et si vous l'autorisez, vous pouvez voir un autre joueur débarquer (un seul) dans votre partie. Il sera comme vous, un hackeur, et aura pour objectif de vous observer ou de hacker les données de votre téléphone. A vous de le repérer une fois qu'il a débuté son forfait. Car sachez-le, il n'y a qu'un seul Aiden Pierce et votre adversaire ressemble, pour vous, à un civil perdu dans la foule, comme ce sera le cas pour lui lorsqu'il vous verra.
Du coup, il faut être observateur et utiliser le Profiler, votre téléphone portable magique qui vous permet d'interagir avec les éléments de ville et sa population, pour contrôler chaque passant et dénicher celui qui tente de vous pirater. Si vous y parvenez, vous devez l'abattre et lui s'enfuir. S'il vous observe assez de temps, ou pirate toutes vos données sans être détecté, il remporte le match et retourne dans sa propre partie.
Une fois encore, les développeurs font fort car Watch Dogs vous pousse à aller jouer en ligne durant le solo (en vous proposant des revanches après un piratage par exemple) via des missions dédiées et pas obligatoires. On ira alors pirater un joueur (piratage), faire de l'observation (filature), se défier seul ou en équipe dans un match à mort pour récolter un fichier à décoder au plus vite (décryptage), participer à une course de véhicules (course), ou alors on passera en mode exploration à plusieurs pour lutter en équipe en mettant à sac la ville de Chicago. A noter que comme dans la plupart des activités de Watch Dogs (en solo ou non), on débloque des compétences, des véhicules, des armes... le tout, en jouant en solo comme en multijoueur. Ici, il s'agit de plusieurs compétences à obtenir qui iront du prolongement de l'effet nitro en course à l'amélioration de la précision de votre radar de recherche lorsque vous êtes piraté (pour trouver plus facilement le joueur qui vous hack), en passant par l'affichage du portrait de votre assaillant, ce qui vous rendra, autant le dire, très puissant en ligne. Vous êtes ainsi constamment poussé à jouer connecté afin de conserver votre niveau et dominer vos adversaires. Mais attention, en perdant vos affrontements, vous pouvez voir votre niveau diminuer et même perdre certaines compétences.
Sur le papier, le concept est donc très excitant, mais dans les faits la formule s'émousse quelque peu, puisqu'il s'agit souvent de simples cache-cache ou de modes de jeux déjà connus et peu novateurs (courses, deathmatch...). D'autant que ceux-ci se déroulent généralement en temps limité (5 minutes en moyenne pour les filatures et piratages). Donc si on est amusé lors de la phase de découverte, il se peut que sur le long terme, on tourne un peu en rond. En effet, on aurait apprécié quelque chose de plus consistant, même si, comme à l'époque d'Assassin's Creed : Brotherhood et de son multi original, on salue le courage de proposer quelque chose d'exotique à jouer en ligne (piratage et filature), là où d'autres concurrents se contentent éternellement des mêmes formules.
Finissons en évoquant la présence d'un mode de jeu, Challenge ctOS Mobile, permettant à un joueur sur tablette, d'affronter un autre joueur sur sa console dans une course particulière. Via sa tablette, l'un des protagonistes dirige l'ordinateur ctOS, glissant des pièges (barrages, policiers, hélicoptères, etc.) sur la route du pilote qui tente d'arriver au bout de sa course sur sa console. Idée intéressante, qui nous avait d'ailleurs séduit à la GamesCom, mais que nous n'avons pu pratiquer ici, l'application tablette n'étant pas encore disponible publiquement. Nous reviendrons évidemment dessus prochainement. Sachez qu'elle reste néanmoins accessoire, tout le monde ne possédant pas ce genre d'équipement.
A noter que les tests des autres versions arrivent prochainement.
A l'heure du verdict, si la gestation et la communication agitée de Watch_Dogs pouvaient faire craindre le pire... le titre d'Ubisoft n'en reste pas moins une très bonne expérience pour les fans de jeux en monde ouvert. Malgré un démarrage un peu lent, son gameplay monte en puissance offrant toujours plus de possibilités aux joueurs sur l'ensemble de sa longue aventure. Si on ajoute à cela un contenu riche, et relativement varié, il s'agit indéniablement d'un incontournable.
Mais il y a bien quelques ombres au tableau au rang desquelles un scénario en retrait, l'I.A des ennemis peu glorieuse (sauvée néanmoins par un bon level design et un bon game design), le feeling des armes pas toujours très convaincant ou encore la possibilité de céder facilement au bourrinage, même si on vous encourage à exploiter les outils de piratage disponibles.
Au final, même si les GTA dominent encore nettement la catégorie, confessons que dès sa première sortie, la licence Watch Dogs parvient à s'installer comme un véritable challenger à la saga de Rockstar.