Alors que cet hiver 2008 confirme chaque jour un peu plus son statut de "Noël Gamer le plus chargé de l'histoire", une question lancinante hante les esprits. Existe-t-il encore de la place pour des titres moins formatés "blockbusters" ? Doute, incertitude et début de réponse avec Valkyria Chronicles, Tactical-RPG développé par un Sega qui renoue avec talent avec ses amours de jeunesse...
Réinsuffler un souffle de vie au Tactical-RPG avait tout du périlleux défi. A une époque où les quêtes se doivent d'être épiques, où l'action se doit d'être menée tambour battant, et où le marketing joue à plein, difficile de se faire une place lorsqu'on représente un genre dit de niche et qu'on n'est même pas traduit en français. Ainsi Valkyria Chronicles déboule au coeur d'une mêlée survitaminée, un rien perdu au milieu des Dead Space, LittleBigPlanet, Fallout 3, Fable 2, Gears of War 2, Prince of Persia & Co... Sega semble conscient que Valkyria Chronicles ne créera pas de tsunami de ventes. C'est un fait. Pourtant, quantité et qualité étant deux concepts trop souvent bien peu corrélés, un espoir subsistait. Et, là, en ouverture, je vais vous le dire avec un p'tit sourire, mais la plus grande des fermetés : Valkyria Chronicles a beau se faire discret, il n'en reste pas moins une jolie surprise ! De celles qui vous scotchent à la manette pendant de longues heures. Explications en mode berret vert pomme...
Cours de révisionnisme
L'Europe. Les années 30. La guerre. Un monde uchronique. Deux factions s'affrontent. L'Empire, le mal. La Fédération, le bien. Flammes. Villes bombardées. Morts. Larmes. Un jeune homme amoureux de la nature nommé Welkin (désolé pour lui) va alors se transformer en véritable leader. Chef de la 7eme Compagnie et conducteur de tank au talent rare, le voici, et vous avec, plongé au coeur de l'enfer de la guerre... en mode mi-japonais, mi-japoniais. Car oui, si la dimension héroïque de l'histoire est évidente grâce à des séquences narratives vigoureuses (possibilité de mettre les voix en japonais pour plus d'immersion), l'histoire reste un rien gentillette. C'est la guerre avec tout ce qu'elle compte d'horrible (mort, racisme, séparation) mais traitée au travers d'un prisme un rien frivole, délicatement naïf. Pour le pathos il faudra revenir, en revanche pour l'esprit bon dessin animé ambiance manga rythmé, vous allez trouver à qui parler ! Le premier choc est bien évidemment graphique. Valkyria Chronicles se révèle superbement stylé grâce à lson rendu Canvas. Un mix entre du cell shading (créé là aussi par Sega) et un aspect fusain du plus bel effet. Idéal pour conférer un style unique à ce tactical-RPG qui, heureusement, ne se contente pas d'assurer visuellement.
L'adieu aux damiers
Valkyria Chronicles ne propose pas un gameplay irréprochable, mais il tente plutôt habilement de renouveler un genre un rien sclérosé. Ainsi, ce Tactical joue la double carte : celui du tour par tour (une session de déplacements dévolue aux alliés, puis une session où seuls vos adversaires agissent), et du temps réel (une fois le personnage choisi sur le champ de bataille, la vue bascule en 3D et vous vous déplacez où bon vous semble). C'est d'ailleurs ces séquences temps réel qui constituent le coeur du titre. Ici pas de damier où vous déplaceriez vos personnages case par case, mais aussi aucune possibilité de "tester" ses mouvements. Le temps réel impose ainsi un nouveau rythme : je me déplace, et je tire en même temps. Bien sûr chaque héros possède une jauge de déplacement propre. Et s'il est possible d'utiliser plusieurs fois le même personnage par tour, à chaque fois, sa jauge diminuera... limitant vos possibilités et augmentant les risques de se retrouver coincé sous le feu ennemi en plein milieu d'une ruée. Car Valkyria Chronicles prend pleinement en compte la topographie des lieux. Ainsi vous pourrez vous cacher derrière des éléments du décor, et il sera d'ailleurs préférable de laisser ses équipiers à couvert en fin de tour. La facette Action permet aussi de jouer avec la localisation des tirs. Vous devrez viser en temps réel, un headshot étant bien évidemment plus efficace qu'un tir sur le bas ventre. Tactique, forcément.
La tactique humaine
A l'image d'un Suikoden par exemple, vous allez aussi devoir enrôler différent(e)s allié(e)s. Chacun avec son nom, son look, ses capacités propres. Petite nuance ici, chacun possède un rôle prédéfini (artilleur, éclaireur, mitrailleur, réparateur, sniper) mais aussi des accointances plus ou moins fortes avec d'autres personnages. Untel s'entendra mieux sur le champ de bataille avec trucmuche, les associer pourra vous permettre d'obtenir, par exemple, des bonus d'efficacité. Mais attention, vous êtes un chef et vous devrez faire des choix. Faire une armée de potes n'ouvre pas forcément un boulevard vers la victoire. Tout est une question d'équilibre. D'autant que si votre équipée pourra comprendre 20 membres, lors des affrontements, ce nombre chutera et vous devrez une fois de plus vous adapter aux situations. Un assaut surprise ? Privilégiez les éclaireurs et les mitrailleurs. Attaque musclée avec présence de nombreux tanks adverses ? N'oubliez pas les artilleurs. La tactique d'avant combat est d'ailleurs primordiale... peut-être même un chouia trop car les affrontements étant assez évolutifs (en cours de mission des surprises peuvent surgir), ce que vous pensiez bon en début de mission pourra être remis en cause. A noter d'ailleurs que Valkyria est un titre de longue haleine. Les assauts âpres durent la plupart du temps une bonne heure. Il faudra souvent s'y reprendre à plusieurs reprises tant la difficulté décolle dès le 6ème chapitre (avec, au passage, quelques triches éhontées de la machine !). Dommage d'ailleurs qu'il soit impossible d'accélérer le déplacement des troupes ennemies, cela aurait permis de gagner un temps précieux.
Une question de feeling
Pour autant, l'aspect RPG n'a pas été escamoté. A chaque fin de chapitre, vous pourrez retourner dans la ville principale et y effectuer de nombreuses actions annexes. Certaines indispensables comme de l'entraînement (attributions de vos points d'expérience glanés lors des combats) afin de booster les compétences de tel ou tel corps d'armée, de l'achat d'équipement pour votre tank ou vos armes, mais aussi des séquences plus dispensables mais renforçant l'immersion dans l'aventure. Je pense par exemple aux engueulades entre soldats dans votre QG ou le passage au cimetière pour se recueillir (un soldat tombé sur le champ de bataille et non sauvé au bout de 3 tours... est considéré comme définitivement mort !). C'est perceptible, Valkyria Chronicles est un bébé né de créateurs qui l'ont gorgé d'amour, et enrichit de myriades de petits aspects agréables pour les joueurs. Du coup, fatalement, même si tout n'est pas parfait, on se sent bien dans l'univers de Gallia.
Enrôlez-vous
Avec son look crayonné doux et inédit, son gameplay mêlant habilement temps réel et tour par tour, sans oublier ses sympathiques à côtés (gestion de sa compagnie, relations entre les personnages, l'aspect livre de conte dont les pages se tournent à chaque fin de chapitre), Valkyria Chronicles s'impose définitivement comme une belle surprise. Avec une narration un peu moins candide et quelques temps morts en moins, il aurait pu même se révéler indispensable. Reste un joli bol de fraîcheur pour le genre et un sympathique conte militaire pour amateurs d'ambiance japonaise, à vivre de préférence... en VO ! A l'assaut de cette exclu PlayStation 3 ! Yataaaaaaa !