Alors que les fans les plus fervents de Bloodborne veulent toujours croire - force à eux - à un remaster ou à un remake pour les 10 ans du jeu, Sony Interactive Entertainment a plutôt choisi de ressusciter une autre exclusivité PS4 en amont de son dixième anniversaire : Until Dawn. Un jeu d’horreur qui, à la base, aurait dû sortir sur PS3 et faire office de vitrine pour le PS Move. Finalement le prototype est abandonné et le titre de Supermassive Games a muté en un film interactif à la The Walking Dead de Telltale Games ou Heavy Rain de Quantic Dream. Mais est-ce un retour gagnant pour tout le monde ? On a bravé à nouveau le chalet isolé des montagnes de Blackwood Pines et les hormones en ébullition des personnages pour apporter notre verdict sur PS5.
Parfois une idée de départ n’est pas toujours la bonne et on en a la preuve avec le changement de direction d’Until Dawn. Sans ce basculement d’un jeu PS Move à un titre traditionnel, il ne fait aucun doute qu’il ne se serait pas autant écoulé. On parle tout de même de ventes avoisinant les 4 millions d’unités. Un succès inattendu pour Sony et le studio Supermassive Games qui était jusqu’alors relativement confidentiel. C’est vraiment cette production qui a mis le pied à l’étrier des développeurs et qui leur a permis d’être là où ils en sont aujourd’hui. Un vrai coup de cœur pour des millions de joueuses et joueurs à l’époque que l’on partage totalement.
Une réunion d’anciens élèves
Loin de nous l’idée de vouloir refaire un match qui a déjà été joué en août 2015, mais il faut bien un peu recontextualiser les choses. Ne serait-ce que pour savoir si la proposition d’Until Dawn en elle-même vaut encore le coup en 2024. On est en 2014 lorsque huit amis, de jeunes lycéens / étudiants dans la fleur de l’âge, se retrouvent dans un chalet isolé plutôt haut de gamme à Blackwood Mountain. Un coin bien cosy et bien équipé qui appartient aux parents de trois des protagonistes. Nos têtes blondes et brunes sont tous là pour prendre du bon temps et pour briser toutes les règles d’un film d’horreur, à savoir « jamais de sexe », « ne jamais picoler, ni se shooter » et « ne jamais dire Je reviens tout de suite », entendues dans Scream.
Si on fait ce parallèle avec ce film, c’est tout bonnement parce qu’Until Dawn est un jeu d’horreur qui singe totalement le sous-genre du slasher, le teen-movie et même le torture porn à la Saw. Il est donc normal qu’on y trouve tous les ingrédients, à commencer par des personnages clichés au possible auxquels on s’attache pourtant, jusqu’à une certaine mesure. Désolé pour le fan-club d’Emily - s’il en existe un -, mais elle est toujours aussi insupportable que dans l’original. On a beau se plier en quatre pour elle, rien n’y fait et on se dit qu’on aurait pu éviter de la sauver quand on en a eu l’occasion. Car oui, dans le fond, Until Dawn reste Until Dawn.
Il s’agit donc d’un film interactif horrifique où vous influez sur le cours de l’histoire, et sur le destin des personnages, en réalisant des actions rapides ou en prenant des décisions importantes dont certaines cruciales pour l’aventure et surtout les différentes fins. Là-dessus, Ballistic Moon, le studio en charge de ce remaster / remake PS5, n’a rien changé ou presque car il y a pas mal d'inédits dès le début. En effet, les équipes ont fait le choix d’étendre le prologue, quitte à insérer de nouvelles longueurs dans un jeu qui peut déjà souffrir de son rythme par moments, pour que les tenants et aboutissants de la trame soient mieux compris et mieux mis en scène.
Et c’est une réussite car ça va puiser en plus dans le cinéma d’horreur, surtout chez Carrie, pour un sujet précis qu’on ne spoilera pas ici. Cette nouvelle épaisseur permet de s’attacher plus aux personnages et donc à l'événement responsable de la mauvaise nuit que ces jeunes hommes et femmes vont passer. Until Dawn a beau avoir neuf ans, et ne rien avoir inventé, le ressenti général est le même qu’à l’époque. L’atmosphère est top, les clichés font le charme des personnages, et c’est un bon gros plaisir de le refaire après toutes ces années. Malgré, et on ne le nie pas, un rythme parfois compliqué. Mais c’est toujours, et de très loin, le meilleur jeu jamais produit par Supermassive Games. Aucun débat possible. Et si le titre mérite votre attention en 2024, c’est parce que ce n’est pas qu’un simple portage de l’original, même si tout est loin d’être parfait.
Until Dawn, remake ou remaster ? Battez-vous !
On va évoquer l’éléphant au milieu de la place qui a déjà fait débat avant même la sortie, c’est la refonte graphique… voire artistique. Alors Until Dawn penche t-il plus du côté du remaster ou du remake ? On va prendre une position de suisse : entre les deux. Pas parce qu’on n’a pas envie de se mouiller - ce n’est pas notre genre -, mais tout bêtement car oui, le boulot abattu par Ballistic Moon se situe bien entre les deux. Avant, mais ça vaut aussi quelque part pour certains remasters actuels, on avait surtout une montée en résolution, des textures plus détaillées voire un framerate qui passe de 30 à 60fps. De temps à autre, le gap peut donc être minime, mais pas là. « Les nouvelles animations consolident les performances originales des personnages. Les personnages, les environnements et les effets sonores ont tous été peaufinés afin de proposer l’expérience cinématique d’horreur ultime » a déclaré Neil McEwan, directeur créatif de Ballistic Moon avant le lancement.
Il n’y a pas erreur sur la marchandise : Until Dawn est plus beau que certains simples remasters et plus beau que jamais sur PS5. Ce qui frappe le plus, et c’est essentiel dans un jeu de ce type, ce sont les personnages. Dans l’original, on a l’impression qu’ils sortent tous d’un musée de cire. Il n’y a aucune texture sur la peau du visage, sur les lèvres, les blessures ne sont pas rendues comme elles devraient l’être etc. Des titres avec beaucoup plus de gameplay étaient bien supérieurs dans ce domaine. Sauf qu’il y a eu un travail bien réel de fait et le résultat est perceptible sans avoir besoin de faire un zoom x50, des arrêts sur images ou de plisser les yeux. Désormais, tout le monde, sans exception, ont la peau texturée avec les pores bien visibles et certaines caractéristiques, comme un grain de beauté, sont mieux définis. C’est valable aussi pour les cils, les sourcils, les lèvres ou les vêtements de nos héros - quand ils en portent -, ou encore les cheveux. Lorsque Sam sort de son jacuzzi en serviette, on voit bien l’eau sur le haut de son corps, idem si les vêtements d’un personnage entrent en contact avec un liquide.
Les blessures, sur Mike par exemple, sont plus nombreuses et bien fichues, ce qui rajoute de la crédibilité avec ce qu’il subit. Et ça va être très surprenant mais les animations, notamment au niveau du regard, sont dans l’ensemble bien moins problématiques que dans des jeux récents à l’image de The Casting of Frank Stone de Supermassive Games. Mais bien entendu, les développeurs ne sont pas magiciens et il y a par conséquent une limite à l’exercice puisque ce n’est pas un pur remake. Ainsi, malgré le bon en avant manifeste, certains seront encore gênés par le côté « Uncanny Valley » avec des personnages à la fois très réalistes et faux. De ce fait, certaines réactions passent difficilement plus que d’autres, malheureusement, mais ça n’enlève en rien à l’évolution entre le jeu original et cette édition PS5. Évidemment, les décors bénéficient également de cette refonte graphique / technique avec une meilleure profondeur - un constat renforcé par la nouvelle caméra sur laquelle on va revenir -, nettement moins de flou, plus de détails etc.
Mais Ballistic Moon a aussi voulu un éclairage plus réaliste avec des effets retravaillés et l’implémentation du ray-tracing. D’un côté, ça permet de déboucher certaines scènes sombres et d’en rendre certaines plus en adéquation avec l’environnement et le moment de la journée. Par exemple, tout le début est maintenant plus lumineux avec le soleil qui est en train de se coucher, alors qu’avec la version de 2015, on est directement plongé dans le noir. Et pourtant l’heure ne change jamais entre les deux.
Un mal ou un bien ? Dans cet exemple, c’est une bonne modification esthétique. En revanche, en voulant altérer le rendu visuel, le studio a eu la main trop lourde avec une photographie qui ne tire quasiment plus sur le bleu. Une méthode qu’on a vu à plusieurs reprises lors de remasterisations de blu-ray en 4K, et avec laquelle on adhère pas forcément. Ballistic aurait peut-être pu trouver un meilleur équilibre pour préserver la DA originale. Ce n’est donc clairement pas un sans faute, mais on ne boude pas notre plaisir d’y rejouer dans de telles conditions. D’autant plus que si on a pu encore constater quelques accrochages au niveau du framerate, au cours de moments où l’on marche principalement, les chutes violentes à 20fps appartiennent au passé. Until Dawn sur PS5 arrive à maintenir un taux d’images par seconde à 30fps qui ne fait plus le même yoyo qu’en 2015.
Des défauts et un prix qui peuvent gêner ?
Après le lifting, place à la nouvelle caméra à la troisième personne. Et vous allez nous dire que c’est déjà le cas du titre PS4. Alors, oui, mais si vous vous souvenez bien, c’était des angles de caméra fixes. Tandis qu’ici, c’est une vue au-dessus de l’épaule, comme Silent Hill 2 Remake, la plupart du temps. Cela permet de pouvoir observer davantage les décors conçus par l’équipe originale, parfois d’ajouter de la profondeur, de recentrer l’action sur le personnage et de créer un climat plus anxiogène. C’est un changement qui fonctionne plutôt bien, voire très bien, même si les angles de caméras fixes auront toujours un charme pour nous. Avec cela, les développeurs de Supermassive pouvaient mettre l’accent sur un élément du décor (ex : une main dans le sanatorium), qui passe « inaperçu » dans le remaster/remake.
Si Ballistic Moon a revu les animations de déplacements, on voit aussi que le changement de caméra n’a pas été suivi par une refonte totale du gameplay dans le sens où il y a encore des errements. Heureusement, ce n’est pas systématique, mais certains de nos personnages sont partis mollement dans des directions sans qu’on ne le veuille. De même que ça peut être lourd l’absence de bouton de marche rapide ou de course, lors de passages où l’on en aurait bien besoin. Dans les défauts, on peste aussi sur la sensibilité peut-être abusive du gyroscope de la manette utilisé pour décider du sort définitif d’un personnage. On a beau être sûr d’avoir la bonne inclinaison, ça peut partir en vrille sans que l’on comprenne. Alors on vous donne un petit tips vieux comme le monde, c’est gratuit, c’est 0€ : posez votre DualSense sur une table pour ne pas perdre des héros que vous voulez garder en vie.
Pour draguer les vétérans d’Until Dawn, Ballistic Moon a d’autres arguments à faire valoir comme un nouveau type de Totem - pour apporter des explications supplémentaires -, des trophées, des bonus vidéo à débloquer dans le menu d'accueil après les crédits, dont au moins deux avec Hayden Panettiere qui revient sur son personnage de Sam près de 10 ans après la sortie, ou encore de nouvelles musiques de Mark Korven (The Witch) - d’ailleurs à ce propos, dites adieu à certaines musiques sous licences car il faut croire que le budget n’autorisait pas à renouveler les droits des morceaux existants. Il y a également une prise en charge de la DualSense, pour les pas par exemple, mais quel dommage que le traitement soit aussi inégal avec une présence finalement trop réduite des fonctionnalités (retour haptique, gâchettes adaptatives) alors qu’il y avait matière.
Tout cela est-il suffisant pour craquer ? Eh bien, comme d’habitude, ça dépend du point de vue. Pour les nouveaux, ça vaut réellement le coup car il s’agit de la meilleure version disponible d’un jeu excellent. Mais même dans ce cas-là, on peut trouver à redire avec un prix à 69,99€ pour un titre de 2015 possédant des défauts non corrigés. Un ticket à 40/50€ (grand maximum) aurait été plus adéquat. De l’autre côté, pour les vétérans, la politique tarifaire fait davantage grincer des dents. Si encore Sony avait mis en place une upgrade payante à 9,99€, comme le remaster PS5 d’Horizon Zero Dawn, on vous aurait dit de foncer sans hésiter si vous aimez le jeu, mais là, la question se pose sérieusement. Surtout dans une période où les nouveaux jeux sont légion et qu’une version améliorée d’une œuvre déjà sortie n’est donc pas nécessaire en soi. Pour les joueuses et joueurs du moins, car pour PlayStation, on comprend ce qui motive cette opération. Avec le film Until Dawn qui sortira dans quelques mois, le constructeur peut créer une passerelle et donc engranger des ventes. Toutefois, cette ressortie peut être totalement justifiée pour les personnes en situation de handicap. Des options totalement inédites, qui permettent par exemple d’avoir un narrateur pour les aveugles et les malvoyants, ont été ajoutées. Une nouveauté essentielle pour une partie du public et qui peut faire pencher la balance d'un côté.