J'ai encore à rencontrer quelqu'un qui n'ait pas salué l'excellence d'Uncharted 2. Après avoir ramassé autant de prix "Game of the Year" en 2009, comment donne-t-on une suite à un titre qui a redéfini le blockbuster d'action aventure de grande envergure ? En améliorant encore certains détails, en trouvant de nouvelles scènes cultes, en ajoutant un multijoueurs beaucoup plus complet et ciselé, et en enrobant le tout de talent. Naughty Dog y est parvenu cette fois encore... même si on commence à percevoir les limites de la formule sur cette génération.
Drake s'embarquera donc cette fois dans une aventure qui l'emmènera non seulement au milieu du désert du Rub al-Khali (la plus grande étendue de sable du monde), sur la trace de la mystérieuse Atlantis des Sables (connue dans les livres d'histoire sous le nom de la Cité Disparue d'Iram), que poursuivaient son ancêtre, Sir Francis Drake, et T.E. Lawrence, alias Lawrence d'Arabie. Un trait d'union inattendu entre ces deux personnages historiques, mais bien ficelé, grâce aux trous chronologiques bien pratiques dans la vie de ces deux personnages. Une aventure à l'image de celle du second épisode : mélange épique de chasse aux trésors, d'énigmes, de fusillades, de grimpette et de séquences d'action de grande envergure, dans lesquelles Drake, mais aussi son entourage plus présent que jamais, surmonteront sous nos impulsions les pires des situations.
Accrochez vos ceintures
Les vidéos en ont déjà trop dit, et beaucoup trop montré. C'est même regrettable, d'ailleurs, tant certains des plus icôniques moments de cette nouvelle aventure auront perdu de leur impact pour tous ceux qui ont vu et revu ces séquences. Alors bien loin de moi l'idée d'en dévoiler plus encore, mais sachez simplement que ce troisième épisode jouit d'un scénario mieux ficelé, aux composantes fantastiques mieux intégrées. Il propose, au travers d'une séquence aussi brillante que pleine de charme, et de quelques révélations d'envergure, un regard approfondi sur les personnages principaux (à commencer par Drake et Sully), et de leurs relations. Il introduit aussi quelques nouveaux bien venus, du côté des gentils, mais surtout des méchants, avec cette Marlowe et son homme de main, Talbot, pour un chassé-croisé mené à vive allure. Il réussit beaucoup mieux, enfin, sa conclusion, en nous épargnant un boss final en demie-teinte pour préférer quelque chose de plus... vous verrez bien. Même si l'ensemble, au regard des souvenirs étincelants du second, m'a paru moins bien rythmé, mais surtout beaucoup plus court (il m'a fallu moins de 10 heures pour le boucler, le second m'en avait pris 12).
Les charentaises de l'Action
Si pour l'essentiel, on replonge comme en 40 dans une formule désormais connue et maîtrisée, signalons tout de même que les charentaises de Naughty Dog ont été légèrement rénovées. D'abord, le combat au corps à corps s'est très justement inspiré d'un certain Batman pour gagner en fluidité, et permettre d'affronter plusieurs adversaires avec brio. C'est d'ailleurs la première chose que le jeu vous enseignera, avec un choix qui tombait sous le sens : une bonne bagarre de bar. Ou plutôt de pub anglais. Très vite, la fine équipe passera de Londres à la France, puis la Syrie, etc. sur les traces laissées par Sir Francis Drake et Lawrence. Carnet de notes en mains, le joueur appréciera également des énigmes et puzzles un peu plus poussés et ingénieux, des séquences matinées d'une forme d'angoisse propre à tous les arachnophobes, et bien sûr des niveaux aux prouesses technologiques certaines, mises au service de légères variations autour du thème, comme cet énorme navire au creux d'une tempête qui met à mal la stabilité de Drake, mais aussi de ses ennemis. Ceux-là savent régulièrement se montrer coriaces, même s'ils ne surprendront guère par leurs comportements - mais Drake pouvant à présent leur renvoyer leurs grenades et même les dégoupiller à leur ceinture au corps à corps, il fallait bien corser un peu les choses. Si globalement, Uncharted 3 reste donc à l'image du second, il parvient, contre toute attente, à imposer des graphismes encore plus fins. Les visages sont encore améliorés, quoique toujours un peu frappés du sceau "animé à la main", mais surtout, je crois n'avoir jamais vu des textures aussi fines sur PS3. Certains décors sont proprement hallucinants, la matérialisation du sable dans le Rub Al-Khali est parfaite, et certains détails crient leur réalisme si fort que d'autres ressortent d'autant plus comme étant pâlichons, dans les arrière-plans notamment. Mais du strict point de vue technique, comme de la direction artistique, je ne vois pas trop comment faire des reproches à ce qui s'impose, une fois encore, comme un des plus beaux jeux de sa génération. Mais, des défauts, il y en a quand même...
Déjà joué ?
Comme je le disais, la formule n'a pas beaucoup changé. Il faut bien donner au fan d'Uncharted ce qu'il en attend. Malheureusement, je ne peux m'empêcher de penser que certains éléments semblent avoir trouvé leur limite. Déjà, technologiquement, je ne vois pas comment Naughty Dog pourrait aller plus loin sur une PS3. Mais, ça, peu importe. Ce qui m'a un peu plus gêné, à l'occasion, c'est l'excès d'habitudes : on sent trop venir par moment ces tuyaux qui se détachent, ces margelles qui s'effritent, ces échelles branlantes qui s'effondrent sous notre poids, et les "Oh crap!" et autres "No ! No ! No !" de Nathan Drake qui les ponctuent deviennent eux aussi presque trop nombreux, et surtout trop attendus. En outre, par rapport au second, l'habitué ressentira plus ce nouveau rollercoaster comme une succession de scènes alternant action, puzzle, grimpette et dont l'enchaînement surprend naturellement moins qu'il y a deux ans. Enfin, si des efforts supplémentaires ont été consentis pour ancrer plus encore les animations de Drake dans son environnement, en changeant subtilement sa démarche suivant son état, en le faisant toucher les murs et le sol, etc., il arrive malheureusement que ce "trop plein" d'animations gêne parfois un tantinet le gameplay, sur certains sauts délicats par exemple. Mais je chipote beaucoup, car après tout, des surprises, il y en a tout de même, ne serait-ce que dans les révélations du scénario, ou certaines séquences certes moins "vendeuses" que celles des trailers mais tout aussi puissantes, notamment grâce à des renversements de perspectives et un level design parfois déstabilisant - dans le bon sens.
Des modes multi à gogo
Reste une composante devenue plus importante que jamais dans ce 3e volet : le multijoueurs. Côté coopératif, on pourra s'élancer en ligne ou en écran splitté dans un mode arène (dans lequel on devra repousser des vagues d'ennemis), ou dans un mode aventure avec 5 séquences légèrement scénarisées (dont une d'ailleurs extraite du Bornéo d'Uncharted 2), mais très centrées sur l'action. Rien d'outrageusement exaltant, mais un bon moyen néanmoins de jouer à plusieurs, tout en accumulant des médailles et de l'argent, denrées maîtres du multijoueurs. Côté compétitif, en revanche, l'offre s'est vue étoffée, raffinée, et propose à présent de quoi s'éclater très longtemps. Onze cartes peuvent ainsi être jouées en 7 modes. Il y a des classiques, comme la "Mise à sac" qui est un mode capture de drapeau dans lequel une idole bien lourde remplace le drapeau, ou encore le Chacun pour Soi et le Match à Mort en équipes. Cependant ce dernier mode prend une ampleur supplémentaire sur certaines cartes qui parviennent à retranscrire une partie du côté épique du solo, notamment la carte du Cargo (déjà présente dans la beta) avec cet affrontement en deux temps, d'abord sur la piste de décollage, lancé à vive allure, puis dans l'aéroport, ou celle du Village du Désert avec sa tempête de sable impressionnante qui vient obscurcir la vision des joueurs en pleine partie, ou encore cele du métro londonien, elle aussi en deux temps, d'abord avec deux rames de métro en mouvement, puis la carte elle-même.
Enfin, pour finir avec les modes de jeu, il y a aussi le match à mort à 3 équipes, qui introduit une variante très amusante, le mode Hardcore qui est un deathmatch sans les Ripostes, ni les capacités ou modificateurs (je reviendrait là-dessus dans quelques lignes), Arène Chasseur en coopération (à deux contre des vagues d'ennemis... et en compétition avec d'autres équipes), et pour finir, mon préféré : le mode objectifs en équipes. En effet ce mode se joue en rounds, en tirant au sort un type d'épreuve par rounds jusqu'à ce qu'une des deux équipes en remporte suffisamment. Ça peut être du Roi de la Colline (capturer et conserver une zone dans la carte, qui peut changer de place, et doit comporter au moins un membre de l'équipe pour qu'elle marque des points), du deathmatch en équipes, du "plusieurs hommes marqués" om chaque équipe doit tuer le VIP adverse et protéger le sien, de la "réaction en chaîne" (des zones à capturer, une fois capturée, la zone disparaît et une nouvelle apparaît), ou encore Chasseur de trésor (une idole à tenir, l'équipe marque des points tant qu'elle a l'idole en sa possession). Evidemment, cette profusion de plaisirs ne serait rien sans un bon gameplay pour l'accompagner, ni un enrobage conséquent de personnalisation des personnages (fringues, modèles et couleurs), de leurs emblèmes, mais aussi et surtout de leurs capacités spéciales.
Riposte disponible !
A l'image des plus gros jeux en ligne du moment, Uncharted 3 propose tout un système de progression pour débloquer tout un tas de trucs. Pendant les parties, on gagne notamment des médailles et de la thune. Les médailles (ramassées par trois dans les coffres ou au travers des actions du jeu) servent à déclencher les Ripostes (il y en a 18 à débloquer, pour obtenir un avantage temporaire comme un lance-roquettes, la possibilité de courir plus vite pendant 20 secondes, ou encore d'empêcher les ennemis aux alentours de percevoir les flèches indiquant les positions ennemies). Suivant l'avantage concédé par la riposte, celle-ci coûtera plus ou moins de médailles. Les thunes, elles, permettent de débloquer nouvelles armes et nouvelles capacités. On peut se préparer 4 paquetages différents, à personnaliser avec les capacités et armes débloquées. A noter que les deux "slots" de capacités ouvrent chacun accès à une liste séparée de 18 capacités. Elles peuvent être personnelles (régénération pour récupérer plus rapidement, brute pour se déplacer plus vite avec les objets lourds comme les idoles, ou encore expert en explosifs pour commencer chaque match avec un emplacement de grenade supplémentaire), axées sur le jeu par équipes (récupérer 1/4 de l'argent gagner par les camarades, récupérer une médaille gratos chaque fois qu'un camarade en récupère 3, etc.), ou même des handicaps pour obtenir un multiplicateur d'argent et débloquer plus rapidement de nouvelles choses (régénération plus lente, coût des Ripostes augmenté, etc.). Chaque joueur peut ensuite s'équiper d'une arme d'épaule et d'une arme de poing, avec 26 pour les premières et 12 pour les secondes, la plupart étant extraites du solo, bien entendu, mais avec des modifications de vitesse de rechargement, précision, taille du chargeur, etc. pour les modèles plus avancés. Enfin, la qualité des cartes permet aussi de jouir pleinement des mouvements disponibles, puisqu'on pourra, comme dans le solo, attraper les ennemis passant au-dessus de soi quand on escalade, leur sauter dessus par derrière pour des exécutions au corps à corps, lâcher une grenade en faisant une esquive roulé-boulé, ou encore les pousser dans le vide. Globalement, les parties s'avèrent donc assez nerveuses, et surtout, elles laissent assez de moyens de s'en sortir même lorsqu'on débute, face à des personnages de niveaux élevés avec plein de trucs débloqués, ce qui n'est pas un mal. Pour conclure sur cet aspect multi-joueurs, qui comme toujours révélera sa vraie valeur dans la longueur, ce que nous avons pu en jouer nous a en tout cas permis d'espérer le meilleur, et, véritablement, Naughty Dog a soigné tout particulièrement cette partie du jeu. C'est du très beau boulot.
Uncharted 3 s'avère finalement à l'image de son symbole : il est comme en équilibre au sommet d'une dune de sable qu'on sait instable. Contemplant l'étendue de son excellence comme un désert magnifique qui semble sans limite, mais aussi dangereusement semblable dune après dune, il émerveille comme attendu, tout en ne surprenant finalement pas tant que ça. Mais c'est un grand jeu, comme on le voulait, nanti de corrections avantageuses, de quelques surprises savoureuses, et d'une offre multijoueurs qui retranscrit étonnamment bien les grandes ficelles de mise en scène de son solo.