Alors que la période de Roland Garros est traditionnellement blindée de jeux de tennis, l'année 2008 a des allures de disette pour les amateurs de la petite balle jaune... Que dalle, nada, vraiment rien à se mettre sous la dent pendant les Internationaux de France. Il aura donc fallu attendre la veille de Wimbledon pour accueillir Top Spin 3, seul "nouveau" représentant du genre à débarquer sur les étals. De quoi espérer de la qualité, faute de quantité ?
Habile mixture entre arcade et simulation, l'explosif Top Spin avait quasiment fait l'unanimité au sein du petit monde tennistique, auréolé de son mode en ligne (une fonction introduite pour la première fois sur Dreamcast avec le confidentiel - et daubesque - Netto de Tennis de Capcom). On ne peut pas en dire autant de son successeur, plein de bonnes intentions mais hélas aussi de principes fumeux. Par exemple le lift y était considéré comme plus risqué que la frappe à plat, alors que l'une des propriétés du lift est justement la sécurité ! Visiblement précipité, Top Spin 2 s'appuyait toutefois sur quelques solides acquis de son aïeul, ce qui lui valu l'estime de certains qui attribuèrent sa prise en main délicate à un surcroît de réalisme. Cela me rappelle l'obscur Final Set sur Super Famicom, qui nécessitait des heures pour frapper correctement la balle. Etait-il très orienté "simu" pour autant ? Eh bien non, une fois maîtrisé, on s'apercevait que le titre d'Open System n'était qu'un vaste ratage... Mais revenons à la série Top Spin, qui après le petit passage à vide du second opus, nous revient avec l'ambition affichée de régner sur la hiérarchie tennistique Next Gen. Mesdames et Messieurs, les manettes sont prêtes, le test peut commencer...
0-15 (taisez-vous que je me concentre !)
La partie sonore n'a jamais été l'un des points forts de la saga, allait-il en être autrement avec Top Spin 3 ? Malheureusement non. Si la bande son pop rock comporte des morceaux de qualité (signés Franz Ferdinand, Jamiroquai et Boys Like Girls pour le thème principal), ceux-ci ne sont pas assez nombreux et tapent sur le système à long terme. Du côté du son de la balle, on constate des progrès en matière de variation selon les effets et l'intensité de la frappe. Cependant, le bruit de la frappe donne toujours davantage l'impression d'avoir cogné avec le cadre ("boisé" donc) plutôt que le cordage... Un phénomène vraiment étonnant, certaines productions de bien moindre ampleur (Dream Match Tennis pour n'en citer qu'un) s'avérant plus convaincants pour nos oreilles. Quant aux spectateurs, ils alternent les phases neurasthéniques et les brusques réveils bien mécaniques lors d'un joli coup. Les joueurs donnent aussi de la voix, si ce n'est que l'on ne reconnaît pas les cris aigus (certes insupportables) de Miss Sharapova ni les râles de Nadal, faute de digitalisation de leurs timbres respectifs. Des lacunes de fidélité qui s'étendent à la gestuelle des joueurs. Bien que les têtes d'affiches (Federer, Nadal, Roddick) aient bénéficié d'un soin particulier, on note que Borg ne lâche pas sa main gauche en fin de revers, de même que Seles effectue son coup droit à une main !
15-15 (hmmm, joli coup !)
Deux raisons viennent expliquer ce que les puristes forcément pointilleux n'hésiteront pas à qualifier de sacrilèges. D'une part le travail de Motion Capture a été réalisé non pas avec les véritables protagonistes, mais avec des joueurs lambda chargés de les imiter. D'autre part, la cohérence entre les TRES nombreuses animations nécessitait de restreindre la variété des mouvements, histoire d'éviter par exemple le fameux revers à deux mains en bout de course de Sampras dans le premier Top Spin. Car c'est l'une des forces de cet épisode, chaque coup correspond à une multitude d'animations spécifiques selon la situation dans laquelle on l'exécute (préparation longue ou écourtée, appuis vers l'avant ou l'arrière, voire carrément en extension). Il en résulte un rendu très authentique des échanges, ce qui n'a d'ailleurs pas qu'un intérêt esthétique, puisque la gestuelle nous renseigne aussi sur la qualité de la frappe. Dans le même registre des éléments visuels liés au Gameplay, difficile de passer à côté de la transpiration qui ruisselle sur le visage et le corps musculeux de nos athlètes. De toute beauté graphiquement parlant (on distingue les gouttelettes perler sur le front), le degré d'humidité des vêtements indique également l'état de fatigue. On parlera d'ailleurs presque de zèle, les joueurs présentant des traces de terre battue et d'herbe sans même y avoir chuté.
Rain Pause ?
Naturellement, tout le monde se demande ce que cela vaut en comparaison de Virtua Tennis 3... Disons que le jeu de Sega se situe un cran en dessous dans sa version Xbox 360. Par contre, il conserve un très léger avantage concernant la modélisation des visages sur PS3, plus homogène. Quant aux courts, ils restent plus tape à l'œil dans Virtua Tennis 3, fort de ses effets de lumière parfois surréalistes, tandis que Top Spin 3 tire pour sa part son épingle du jeu au niveau des détails. Ainsi, les 24 arènes proposées vont des classiques tournois du Grand Chelem (à l'exception de Wimbledon) à des destinations plus exotiques, comme le cadre paradisiaque des Bermudes ou un terrain perdu au beau milieu de Kobe. L'immense majorité de ces lieux regorge de petits éléments qui leur procurent une atmosphère propre. On peut notamment évoquer les joggers qui déambulent autour d'un court d'entraînement (un classique), le parquet rutilant du court des îles Fiji, sans oublier le gazon qui s'use au fur et à mesure d'un tournoi. L'occasion de souligner la finesse des textures des revêtements, jusqu'à distinguer la porosité du ciment. Il ne manquerait plus que les interruptions pour cause d'intempéries et on s'y croirait complètement (on se souvient qu'un certain Jimmy Connors Pro Tennis Tour sur SNES s'y était prêté)... D'ailleurs, à propos des courts, il est grand temps de s'y lancer !
15-30 (purée, j'en mets pas une...)
Fichtre, diantre, que les premiers pas dans Top Spin 3 sont déconcertants. Non seulement on a peine ne serait-ce qu'à frapper dans la balle, mais en prime l'ensemble paraît d'une lenteur agonisante, surtout à côté du survolté Virtua Tennis 3. Un passage chez le prof de tennis s'impose, bien que le déroulement longuet des exercices donne franchement envie de faire l'école buissonnière. A priori Top Spin 3 se pratique comme ses prédécesseurs : un type d'effet par bouton de la façade (lift, à plat, slice et lob), avec des coups risqués placés sur les gâchettes inférieures... Idem pour la préparation, qu'il faut débuter le plus tôt possible (et donc plus seulement quand la balle a dépassé le filet), tout en se déplaçant. La grosse nouveauté se situe dans le relâchement de la frappe, le swing devant être initié légèrement en avance, de telle sorte que le plan de frappe soit bien en avant du joueur. Dans le cas contraire, la balle sera jouée en appui arrière, synonyme d'un coup moins gracieux et surtout moins efficace, voire d'une faute. Quasi-miracle au regard de la tendance actuelle des jeux tennis, les balles dans le filet ou hors des limites du court font partie du jeu, d'autant plus avec les coups risqués, désormais dénués de jauge. Appuyer sur la gâchette de droite ajoute ainsi de la puissance au coup, celle de gauche permettant de s'approcher des lignes (on peut combiner les deux). De quoi faire la différence à haut niveau...
30-30 (mais oui : tout est question de timing)
Si une certaine tolérance s'applique lors des frappes normales, les coups risqués demandent un timing irréprochable, et par conséquent une sacrée dose d'entraînement. Mais le jeu en vaut indéniablement la chandelle : une fois cette progression par paliers effectuée, le plaisir du jeu s'avère littéralement DIVIN. A force, on sentirait presque la balle claquer contre le stick ! Jamais les notions de déplacement, d'appuis et de prise de balle précoce n'avaient été aussi bien gérées dans une simulation, car c'est bel et bien de simulation dont il faut parler. En témoignent les méthodes alternatives pour servir, exécuter des amorties ou des lobs via le stick droit. Ces dernières, plutôt exigeantes, laisseraient presque envisager un Top Spin 4 entièrement contrôlé de la sorte... A tout cela viennent se greffer les gâchettes supérieures, l'une dédiée au repositionnement rapide au centre (suite à un retour service vers l'extérieur, par exemple) et la seconde à l'avancée vers le filet, moyennant un surplus de fatigue. Exit le système de mental, assez bancal comme on nous l'a avoué à demi mots chez PAM. De toute façon, on a déjà bien assez avec les états d'âme du joueur qui tient la manette. C'est pourquoi l'endurance, un paramètre beaucoup plus concret, devient l'une de caractéristiques fondamentales de chaque joueur. La fatigue se matérialise à la fois par la sueur et par une jauge représentant le rythme cardiaque. A force de ramener toutes les balles, les déplacements perdront en vivacité et l'on sera plus susceptible de commettre des erreurs. En fonction de son personnage, mieux vaudra donc parfois écourter l'échange ou le faire durer.
40-30 (bientôt la gloire ?)
Différentes stratégies peuvent être pratiqués dans Top Spin 3, principalement le service/ volée, l'attaque de fond court et la défense. Un indiscutable tour de force, tant il est complexe de garder un équilibre entre les styles de jeu, nonobstant quelques flottements au filet. Il faudra donc méticuleusement attribuer les points d'expérience récoltés entre les aptitudes afin de créer le personnage adapté à ses aspirations. Question apparence physique, le mode dédié offrira un large panel d'options pour modeler son avatar ou étoffer la liste des joueurs de stars manquantes, pour peu que l'on en prenne le temps. A ce sujet, la seule différence d'envergure entre les moutures PS3 et Xbox 360 réside dans la présence de Nadal sur la console de Sony, qui dispose aussi des temps de chargements plus courts (10 secondes), installation oblige. Hélas, les possesseurs de Xbox 360 n'auront pas ici de Yoda pour se consoler, juste une animation un chouïa plus fluide de la balle... Une fois notre joueur créé, trois possibilités sont offertes pour le transformer en terreur des courts : le mode carrière bien sûr, mais aussi les tournois paramétrables, ou les parties en ligne. Autrement dit, plus besoin d'écumer le circuit avec chaque personnage, même si ce mode s'avère le plus réussi de la série. Il débute par quelques matchs en amateur, puis en challenger (qui s'apparentent en fait à des tournois satellites), avant de rentrer dans le vif du sujet avec le circuit Junior. Celui-ci est présenté sous la forme d'un calendrier où l'on peut participer à un tournoi par mois (un majeur et un mineur sont proposés), l'objectif étant de finir la saison au rang de numéro un. S'en suit le circuit pro, calqué sur le même modèle, puis... je préfère vous laisser la surprise. Affranchi des sempiternels mini jeux à la Virtua Tennis (on n'aurait pas craché sur des séances d'entraînement spécifiques avec un coach), c'est uniquement au fil des victoires sur le court que l'on construit son personnage. Le temps libre sera donc réservé à faire du shopping dans des magasins ou s'offrir une nouvelle coupe de cheveux.
Jeu, Set et Match : Top Spin 3
Prenante et efficace, la carrière est à l'image du mode en ligne, qui donne l'occasion de trouver des adversaires à sa mesure lors de simples matchs ou lors du tournoi mondial (le classement sera remis à jour tous les deux mois). Force est de constater que l'IA ne vous tiendra pas tête bien longtemps, malgré un jeu bien construit et d'appréciables petites variations de concentration (en positif ou en négatif). Soit dit en passant, l'ajout de niveaux de difficulté supplémentaires constituerait à mon avis une bonne idée de contenu addi(c)tif... Mais nous voilà enfin au moment de vérité, le verdict final sur ce petit chef d'œuvre que nous a concocté PAM... Est-ce la meilleure simulation tennistique ? Il est encore trop tôt pour se prononcer, bien qu'il se situe indubitablement dans le trio de tête aux côtés de Final Match Tennis et Everybody's Tennis. Vient alors une seconde interrogation, plus perfide : Top Spin 3 est-il trop difficile d'accès ? J'en entends déjà lui prédire un destin en demi-teinte, la faute à une approche trop réaliste. C'est un fait : pour certains, jeu de tennis rime avec plaisir immédiat, quitte à s'adonner à un jeu d'arcade dissimulé derrière un habillage tennistique. On peut le comprendre, même si dans ce cas, pourquoi ne pas vouloir jouer à un titre qui s'approche au plus près des sensations du tennis ? Sans compter qu'au tarif où sont les jeux, la perspective d'une importante marge de progression devrait peser dans la balance. A ces adeptes du tennis MacDo, je répondrais donc que rien ne vaut un bon petit plat, préparé avec soin, que l'on prend le temps de déguster ! Goûtez, vous verrez...
N.B. : Les versions PS3 et Xbox 360 étant quasiment identiques, les tests le sont également. Captures issues de la version PS3.