Alors que le jeu a fraîchement reçu un nouveau gros patch avec du contenu gratuit, on s’est dit qu’il était peut-être temps de venir parler de la belle aventurière. Mieux vaut tard que jamais. Plus qu’une célèbre licence, Tomb Raider a marqué toute une génération. Son héroïne, Lara Croft, trouvera rapidement ses fans chez la gent masculine, mais également chez les femmes qui pourront alors s’identifier à autre chose qu’une énième jouvencelle en détresse. Et c’était plutôt rare à l’époque. La licence sera un succès retentissant et Lara Croft deviendra une véritable icône qui s'échappera même de son média d’origine pour aller faire la une de certains magazines et même devenir un temps l’égérie d’une célèbre marque. La machine est lancée et la licence nous sortira un jeu chaque année de fin 1996 à fin 2000 avant de faire une première grande pause.
Cinq jeux qui ont fait les beaux jours de millions de fans sur PS1 et PC (un peu sur Dreamcast également), dont les trois premiers reviennent dans une compilation de remasters que l’on n’espérait plus, bien que réclamée par les amoureux de l’aventurière depuis des lustres. C’est ainsi que Tomb Raider, Tomb Raider 2 et Tomb Raider 3 atterrissent entre les mains du studio Aspyr.
Si la boîte fait désormais partie de l'écosystème du géant Embracer, qui possède toute la licence désormais, Aspyr était également à l’origine des premiers portages sur PC à l’époque. Oui, ça remonte et il semble peu probable que tous les développeurs d’origine soient encore sur le dossier, mais ça a tout de même de quoi rassurer aux premiers abords. J’ai bien dit, au premier abord, puisque si la joie de retrouver les aventures originales de Lara est difficile à cacher, il est impossible de fermer les yeux sur les nombreux problèmes de cette compilation. D’autant plus lorsque certains sont aussi vieux que la licence elle-même.
Tomb Raideur
Alors non, je vais de suite enlever le pansement, mais la déception ne provient absolument pas des contrôles aussi raides qu'autrefois. À l’époque, si Tomb Raider pouvait surprendre en termes d’animations et de réalisme dans la retranscription des mouvements, les contrôles en eux-mêmes étaient lourds et capricieux au possible. Les premiers jeux ne pardonnaient absolument aucune erreur, la caméra était parfois injuste et Lara semblait peser une bonne tonne et demie. Des sensations que les fans de l’époque auront fini par dompter et apprécier et qui sont ici déballées dans leur plus simple appareil.
Ne cherchez pas d’amélioration dans le gameplay, il n’y en a pas. Les néophytes n’ayant jamais connu Lara avant Tomb Raider Legends ou les reboots lancés à partir de 2013 risquent d’avoir quelques sueurs froides. Tout comme les vieux de la vieille qui ont oublié ce que ça faisait de mourir en ratant un saut pourtant facile comme dans les années 90.
Aspyr a pourtant tenté d’apporter un petit renouveau avec des contrôles “modernes”. En réalité, ils sont simplement injouables ou, au mieux, demanderont des efforts considérables pour être maîtrisés. La raison ? Ils ne sont tout simplement pas adaptés aux mécaniques de jeu et à l'architecture des anciens Tomb Raider qui reposent essentiellement sur un système de damier, ou de grille, comme vous préférez. En d’autres termes, il faut imaginer que chaque plateforme et élément du décor est conçu sur la base d’un carré (une case dans grille, un damier) d’une certaine taille. Ce repère permet de créer des structures diverses, mais sert aussi d’unité de mesure pour calculer les distances et l'élan nécessaire à Lara pour effectuer ses cabrioles.
Dit comme ça, c’est étrange, mais dans les faits, on capte rapidement comment ça marche. On sait par exemple que Lara aura besoin d’une case pour prendre un élan minimum afin de faire un saut en longueur. Qu’elle pourra aller s’agripper à une plateforme haute de deux cases maximum au-dessus d’elle ou encore qu’elle peut franchir un peu plus d’une case en effectuant un saut sans élan. Un gameplay extrêmement précis et pas facile à aborder, mais calibré juste comme il faut en utilisant les contrôles de l’époque. À savoir, des touches directionnelles ou des boutons de clavier et non pas des joysticks qui offrent bien plus de liberté (et ne me dites pas que les premières manettes à joystick de la PS1 étaient idéales pour jouer, c’était un carnage sur TR4).
Le résultat, c’est qu’encore aujourd'hui la maniabilité des anciens Tomb Raider ne laisse strictement aucune place à l'expérimentation, ou à la liberté. Les contrôles modernes proposés par Aspyr sont pourtant censés offrir plus de flexibilité en nous permettant de contrôler Lara et la caméra avec les joysticks, tout en changeant le mappage des boutons dans la foulée. En tant que puriste, j’ai eu énormément de mal à m'y faire et je ne trouve ça absolument pas instinctif. Le fait de faire mouvoir notre héroïne sans que la caméra ne la suive par exemple est à mon sens une hérésie et ça empêche totalement de jouer avec fluidité.
De plus, c’est complètement incompatible avec le système de visée qui lui aussi baigne dans son jus. Lara vise toujours automatiquement l'ennemi le plus proche de son champ de vision (dans le meilleur des cas) et ne le lâchera pas d’une semelle. Il est toujours impossible de changer de cible sans retirer ses armes et la caméra rend parfois la chose difficile. Alors imaginez la scène avec une Lara émancipée de sa caméra et qui tourne n’importe comment sur 4 axes gérés avec un joystick fou. Ça vend tout sauf du rêve. Avec de l’entraînement, il y aura peut-être moyen de tirer quelque chose de ces nouveaux contrôles, mais en l’état je vous conseille vivement de vous faire à la méthode old school. C’est un peu rude au début, mais clairement plus instinctif à l’arrivée.
Ça ne pardonne pas, mais c’est aussi ça qui est bon dans Tomb Raider !
Et savoir contrôler votre aventurière va être vital puisque bien souvent les phases de plateforme sont de véritables coupe-gorges (mention spéciale au Temple de Xian de Tomb Raider 2 ou de Tomb Raider 3 presque dans sa globalité). Ça demande généralement autant d’observation que de doigté. Certainement bien malgré eux, les premiers Tomb Raider étaient ce que l’on appellerait aujourd’hui des die & retry. Si vous ne connaissez pas les lieux, il ne sera pas rare de s’empaler sur des pieux en passant une porte, et de se faire écraser par un rocher sans avoir eu le temps de voir où se mettre en sécurité pour l’éviter.
Mais c’est aussi ça qui faisait le sel de la franchise à l'époque. Lara était seule, vouée à elle-même dans des ruines ou des zones extrêmement dangereuses avec, au choix, une faune agressive, ou une milice armée prête à la liquider. Les pièges peuvent la tuer instantanément, certains sont même bien planqués, aucune régénération des points de vie n’est possible sans objet à récupérer uniquement sur le terrain, les munitions sont limitées à ce que l’on ramasse (sauf pour les pistolets), etc… Une recette toujours aussi efficace près de vingt ans après le premier voyage de l’aventurière.
Versant parfois dans l’horreur et souvent dans l’action-aventure fantastique, l’ADN de Tomb Raider est toujours aussi délicieux. On voit du pays, le level design est toujours aussi chouette et chercher les secrets reste franchement agréable. Là-dessus, Aspyr avait de toute façon été très clair, il voulait conserver les sensations d’antan, et c’est chose faite.
Modernité, mais pas trop
D’ailleurs, dans cette volonté de conserver une expérience old school presque intacte, outre les contrôles et les mécaniques de jeu inchangés, le level design est lui aussi resté intact. Pas d’ajustement ou d’affinement de certains passages, même les plus difficiles des trois jeux. Les seules modifications sont d’ordre cosmétique lorsque l’on profite des graphismes “HD”. Puisque oui, Aspyr nous permet de passer des graphismes old school aux versions remasterisées d’une simple pression de touche en temps réel. Une idée tout simplement géniale ! Sauf quand elle fait apparaitre ou disparaitre des éléments du décor.
Si vous aviez encore des doutes, oui, les trois jeux proposés ici sont bien des remasters et non pas des remakes comme avait pu l’être Anniversary à son époque. Le studio a donc revu l’intégralité des textures et des modèles pour les rendre plus actuels, mais pas trop. Ca reste hyper cubique, mais c’est voulu une fois encore. En tout cas, c’est Lara qui s’en tire grande gagnante, évidemment. La belle reprend les traits de la Lara qu’elle était dans les années 90-2000 avec ses formes pulpeuses et généreuses. Elle est la femme fatale qu’elle était jadis, mais avec de vraies courbes cette fois. Rien à dire sur sa modélisation, si ce n’est que ça fait très “plastique”, comme avec Tomb Raider 6 en somme.
Pour le reste, les ennemis sont tout juste affinés, mais profitent de nouvelles textures. On note d’ailleurs que les jeux sont tous très différents. Remaster ou non, on voit une évolution nette d’un épisode à l'autre certainement due au fait que les textures originales de l’époque étaient forcément plus travaillées à chaque nouveau jeu. C’est d’autant plus flagrant sur la faune. Alors que le loup, le croco, le lion et autres momies sont très bruts de décoffrage dans le premier Tomb Raider, les tigres, les aigles, les dinos et autres singes des Tomb Raider 2 et 3 sont tout de suite plus fins.
Des Tomb Raider plus beaux que jamais
Il en va de même pour les environnements qui, à l’époque, comportaient toujours plus de polygones. Ici, même en HD, on voit encore une fois que le premier épisode accuse son âge. Pourtant, il ne le devrait pas, c’est un remaster tout aussi récent que les deux suivants.
Ce qui est constant d’un épisode à l’autre en revanche, c’est le travail sur les lumières. Contrairement à la gestion parfois désastreuse et incohérente de l’époque, cette fois, tout paraît bien plus naturel. Quelques puits de lumière apparaissent d’ailleurs ici et là dans les niveaux alors qu’ils n’existaient pas à l’époque. La distance d’affichage a, elle aussi, pris un sérieux coup de fouet alors qu’à l’époque on avait souvent le droit à des fonds noirs lorsque les environnements étaient trop spacieux.
La refonte graphique est évidente et généralement une très bonne chose. Dans Tomb Raider 1, la plupart du temps, ça manque tout de même de détails, même si le fait que la végétation est cette fois vraiment dense, et que l’eau ressemble réellement à de l’eau, on n'aura pas vraiment de sensation de re-découverte. Dans les derniers niveaux, j’ai même préféré jouer en version originale, à cause de la lave, presque fluo, qui brûle littéralement la rétine. Tomb Raider 2 s’en sort déjà bien mieux et profite davantage de ses jeux de lumière. À l’époque déjà, on sentait qu’il y avait eu une nette amélioration à tous les niveaux, ici aussi ça se sent en HD. À sa toute fin, on soulignera notamment qu’il profitera grandement du nouveau traitement des effets de lumière lui offrant carrément une dimension onirique lorsque l’on traversera les fameuses Îles du Ciel faites de jade.
Enfin, Tomb Raider 3 sort grand gagnant et nous le fait sentir d’entrée de jeu avec une jungle indienne plus vraie que nature. Bon, j’en fais un peu trop pour être honnête, mais les détails sont très nombreux, il y a des nouveaux assets un peu partout et la nature est plus belle que jamais. Même son de cloche au Pacifique Sud qui profitera grandement de la nouvelle distance d’affichage d’ailleurs.
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Tomb Raider 2 version classique ©KiKiToes - Gameblog -
Tomb Raider 2 version moderne © KiKiToès - Gameblog
La foire aux bonnes et aux mauvaise idées
Mais malgré la refonte, tout n’est pas génial pour autant. On note une quantité astronomique de problèmes avec les textures. À l’époque par exemple, certaines textures étaient mises à l’envers (il arrivait que des gravures soient dissociées par exemple) et Aspyr n’a strictement rien changé. Ce qui veut dire que même en HD, la texture n’est pas dans le bon sens. Parfois, il arrive même que ce soient les nouvelles textures elles-mêmes qui posent problème en n’étant pas alignées, cassant ainsi l’aspect naturel qu’elles auraient normalement dû apporter. On voit vraiment que la mouture HD est tout simplement un reskin des textures d’origine, dommage.
Mais là où c’est franchement gênant, c’est quand cela nuit clairement à la lisibilité. Il arrive parfois que les nouvelles textures buguent. J’ai notamment eu le coup dans le tout premier niveau en Grèce où une texture d’eau était remplacée par celle… d’un tableau. Même chose au Nevada dans Tomb Raider 3. D’autres fois, la fameuse refonte graphique nuit carrément à l’expérience. Il n’est pas rare que la nouvelle distance d’affichage fasse apparaître ce qui était autrefois caché dans le noir : des murs, objets hors champ, des ennemis attendant d’être activés par leur script, ou la suite du niveau normalement invisible, etc.…
Les effets de lumière gâchent aussi une certaine ambiance, comme à Londres dans Tomb Raider 3, où l’on passe d’une sortie au crépuscule plongée dans la pénombre, à une balade au coucher du soleil où l’on n’a même plus besoin de sortir une torche. Il arrive aussi que certains secrets n’en soient plus, puisqu’autrefois cachés dans le noir, ils sont désormais posés à la vue de tous… Et les exemples comme ça sont légion, même si, en cours d’écriture de ce test, quelques patchs sont venus corriger une partie du problème, des pépins subsistent encore.
Cette refonte est donc à double tranchant, souvent pour le meilleur, mais parfois pour le pire, le vraiment pire. On pestera également sur la quantité assez folle de bugs, entre les cinématiques de transition entre certains niveaux qui semblent avoir disparues, les glitchs toujours présents comme dans les années 90 (certains sont même devenus des trophées, c’est donc assumé), quelques crashs, des textures qui disparaissent, une IA et un pathfinding claqués à l’ancienne… j’ai eu mon lot de problèmes.
Des ajouts et des manquants
Pour cette nouvelle sortie, le studio a également voulu ajouter quelques nouveautés et fonctionnalités parfois absentes de l’époque comme le mode photo. D’une simple pression sur la touche, on passe en mode caméra libre et l’on peut jouer avec quelques filtres et poses pour prendre de jolis clichés. C’est aussi un outil qui peut servir à casser le jeu d’ailleurs puisque vous pouvez vous balader absolument partout tant que le passage est ouvert, bien que ce ne soit pas là sa première utilité.
Au rayon des bonnes nouvelles encore, on peut désormais sauvegarder comme bon nous semble, à l’instar de la version PC de l’époque. En revanche, aucune sélection de chapitres n’est possible, une honte, clairement, d’autant plus lorsque la liste de trophées nous demandera de faire plusieurs runs différents ou des actions spécifiques dans chaque niveau. Donc à moins de se customiser soi-même un fichier en sauvegardant à chaque début de niveau, il faudra refaire les jeux plusieurs fois complètement.
Après, ils sont tout de même assez rejouables pour qui aime jouer les complétistes. Les succès et défis sont légion, un mode New Game plus (avec des surprises !) est de la partie et Tomb Raider 3 propose même un niveau bonus si vous arrivez à récupérer tous les secrets lors de l’aventure principale.
Cerise sur le gâteau, chaque jeu embarque ses DLC exclusivement sortis sur PC à l’époque. Alors pour ce qui est de la mise en place de l’intrigue, on repassera puisqu'ils sont balancés tels quels dans un menu et basta. N’empêche que c’est franchement agréable et ce sera même du contenu totalement inédit pour beaucoup. En revanche là encore, pas de sélection de chapitres possible.
Enfin, dernière chose agréable et notable, les jeux sont entièrement localisés. Vous pourrez donc profiter de chaque jeu en VF ou en VO (voire même en russe ou chinois si ça vous chante). Je ne cache pas que réentendre la voix de Françoise Cadol comme en 96, ça fait un petit quelque chose mine de rien. Et puis de toute façon malgré tous ses défauts, c’est cette compilation entière qui fait du bien. Retrouver Lara comme à l’époque, c’est toujours un régal, quand bien même ça fait un peu mal, ce sera au pire un vrai plaisir coupable