The Plucky Squire, ou Le Vaillant Petit Page en français, est un jeu d’aventure tout mignon annoncé par Devolver Digital il y a un petit bout de temps déjà. On le sait, l’éditeur a généralement le nez fin lorsqu’il s’agit de jeux indé, mais d'habitude, il s’agit de pépites un brin WTF, jusqu’au-boutistes… des titres que l’on n'imagine pas voir ailleurs que dans le catalogue Devolver. En ce sens, The Plucky Squire fait presque office d’OVNI dans le portefeuille d’un éditeur lui-même OVNI.
Après avoir été directeur artistique sur les productions Pokemon, James Turner a fondé All Possible Futures. Le petit studio indépendant signe avec The Plucky Squire son premier jeu, qui se présente comme un véritable conte pour petits et grands enfants. Une histoire douce qui se suit avec un regard infantile, mais qui cache tout un tas de petits clins d'œil malins. Ne vous fiez pas aux apparences, Le Vaillant Petit Page est tout sauf plat et fade : c’est une invitation au voyage dans l’imaginaire, un retour en enfance, mais aussi et surtout un jeu terriblement inventif. Excellente nouvelle, puisqu'en plus d'être disponible sur Xbox Series, PC, Nintendo Switch et PS5, le jeu débarque dès sa sortie dans le catalogue du PS Plus Extra.
Le conte du Vaillant Petit Page
Tout commence par un "Il était une fois", conté par une voix masculine légèrement grave et rassurante. Une voix française qui plus est, puisque oui, The Plucky Squire est intégralement traduit dans notre langue. Le jeu est porté par un narrateur qui a toujours le ton juste, on n'en rate pas une miette. Pour le reste, tout est écrit comme dans un livre pour enfants.
Le Vaillant Petit Page est un conte et se présente comme tel. Nous incarnons le brave Laïus, qui, comme souvent, se retrouve confronté au gros méchant Ragecuite. Sauf que cette fois, il a déniché un pouvoir inouï, celui de briser le 4e mur et de faire ce qu’il veut de l’histoire.Fatigué de perdre sans cesse, il bannit notre héros de sa propre aventure, lequel finit par échouer dans un autre monde, le nôtre.
Voilà le scénario de ce The Plucky Squire, une histoire dans une histoire. Oubliez le 4e mur, ici, il n’existe pas. Le jeu brise le sien, mais ne s’arrête pas en si bon chemin. Il se défait de toutes les limites normalement imposées par les supports sur lesquels on couche les mots, les dessins, ou toutes formes d’art. Un livre, une carte, une feuille ou une illustration sur un pot… tout se transforme en tableaux que l’on pourra explorer. Notre petit page aura en effet la capacité de voyager d’un plan à l’autre, de la 2D à la 3D, de son monde au nôtre. La direction artistique changera en même temps.
Si le conte est dessiné et animé à la main, fait de couleurs pastel et d'onomatopées visibles comme dans les BD, le monde réel est quant à lui proche du film d’animation Pixar. Pas de graphismes réalistes à proprement parler puisque la direction artistique reste rondouillarde et mignonnette, mais similaires à ce que proposerait un Toy Story. Une comparaison qui lui va à merveille, puisque le monde réel sera fait de bric et de broc, de jouets et de fournitures de bureau principalement, que l’on explorera à notre échelle, celle d’un petit homme pas plus haut qu’un taille-crayon. Il se dégage un sentiment de miniaturisation, d'imaginaire infantile comme dans un Toy Story ou un It Takes Two.
C'est beau et en plus c'est ingénieux
Pour pouvoir voyager de monde en monde, notre cher Laïus utilisera des portails savamment disséminés là où il faut pour continuer l’exploration ou résoudre des énigmes. Elles font d’ailleurs partie intégrante de l’aventure et sont omniprésentes. On se joue des mots, des décors et plus encore. Impossible d’expliquer en long et en large ce que vous trouverez dans le jeu sous peine de vous gâcher la surprise. The Plucky Squire est ingénieux, tant dans ses énigmes, que dans la conception de son level design, qui nous fait rapidement jouer sur plusieurs plans, visuels comme artistiques.
On peut modifier l’histoire quelques instants pour débloquer son chemin, remonter les pages de notre conte comme on remonterait le temps, afin d’aller chercher certains mots-clés utilisés plus loin pour modifier le cheminement, ou encore jouer avec certains objets et les matérialiser dans un monde ou dans l’autre pour nous aider. Ce ne sont là que de petits exemples, ceux que l’on trouve au début du jeu. The Plucky Squire n’étant pas très long, une poignée d’heures en ligne droite, il est difficile d’en dire davantage. Pas très difficile, très accessible, mais particulièrement agréable à parcourir. J’avais à peine lâché Astro Bot qu’un nouveau jeu me faisait redevenir un vrai gosse, sourire aux lèvres, le parcourant quasiment d’un trait avec un plaisir difficilement dissimulable.
The Plucky Squire sait se renouveler sans cesse
À sa manière, The Plucky Squire est une pépite très agréable, à n'en pas douter. Il sait nous tenir en haleine avec son univers, mais aussi son gameplay. Non seulement ce dernier évolue au fil de l’aventure en nous offrant toujours plus de pouvoirs et d’outils pour mener à bien notre voyage, mais il se diversifie également en proposant des phases de jeu que l’on n'attend pas forcément. Pas du tout même.
Principalement, c’est un gameplay proche d’un Zelda (de l’époque) qui nous est proposé. Caméra au-dessus du personnage, une petite épée pour se défaire des ennemis ou découper les buissons… on est en terrain connu. Mais très vite, le jeu nous surprend avec des passages en 2D pour faire un peu de plateforme, du combat façon versus fighting d'antan, du tour par tour, et même un peu de RPG avec notamment la possibilité d’améliorer ses capacités et d’en déverrouiller de nouvelles. Toutes ces séquences font en revanche plus office de clins d'œil sympas à différents univers de notre enfance (ou adolescence) que de véritables challenges.
Lorsque le gameplay change, ce n’est jamais pour bien longtemps, et c’est dommage parce qu'il y avait matière à peut-être approfondir un peu plus. Ce n’est pas sans rappeler un certain It Takes Two, d’ailleurs, qui n'hésite pas lui aussi à surprendre son petit monde, mais c’est ici clairement moins marqué. Toute proportion gardée toutefois, puisque The Plucky Squire n’a ni l’ambition, ni les épaules pour voler à la même altitude que le jeu de Josef Fares, mais les inspirations sont là.
Inspirations seulement, parce que si The Plucky Squire n’invente rien, il est conçu de manière très ingénieuse. Il profite notamment du fait que certaines mécaniques sont sous-représentées, souvent cantonnées au monde des jeux indépendants. Grâce à ça, la recette fait mouche : c’est frais, c’est terriblement bien conçu et très malin dans la manière d’agencer les différentes phases de jeu. On ne s'ennuie pas, malgré la redite de quelques puzzles, et l’on prendra même plaisir à explorer de fond en comble pour dénicher les collectibles planqués ici et là. C’est sans compter sur l’OST du titre, elle aussi très soignée, qui nous berce tantôt avec de délicates mélodies pour accompagner le conte, et nous désarçonne parfois avec du rock bien costaud ou de la musique électro ultra rythmée. Là encore, il y a toujours une raison. The Plucky Squire joue sur tous les tableaux et le fait très bien.