L’année 2014 a été particulièrement bénie par les dieux de l'horreur. En quelques mois d’intervalle, les fans du genre ont pu trembler dans leur salon avec Alien Isolation, la démo Silent Hills P.T ou encore la version console d’Outlast. Un jeu indé des canadiens de Red Barrels qui a asséné une grosse claque. Quasiment dix ans plus tard, le studio met en danger sa licence en passant d’un titre purement solo à une expérience multijoueur : The Outlast Trials.
Le temps passe à une vitesse folle, mais il y a une chose qui ne change pas, même après plus de 10 ans. C’est notre amour pour la licence Outlast, y compris sa suite qui a nettement plus divisé que le premier épisode. À une époque où la scène AAA était incapable d’être à la hauteur, de nous terrosier un minimum, Red Barrels a remis les pendules à l’heure en délivrant une pépite de l’horreur. Un jeu qui a su s’approprier avec une grande maîtrise le concept de found footage à la REC, sa principale référence. Après deux opus classiques et un DLC jouable uniquement en solo, les développeurs ont décidé d’aller chasser sur les terres des titres horrifiques à plusieurs avec The Outlast Trials. Et bizarrement, ce n’est pas une mauvaise idée, bien que le résultat soit encore bancal.
La Murkoff Corporation sévit encore dans The Outlast Trials
The Outlast Trials délaisse ses aventures terrifiantes en solo pour une expérience multijoueur, et de ce fait, il n’y a nullement besoin d’avoir fini les deux premiers jeux ou le DLC. Mais rien que pour le bagage culturel horrifique, ce sont évidemment des incontournables à jouer absolument. Une licence gore, brutale, qui ne passe pas par quatre chemins pour montrer ce qu’elle à montrer et qui ne s’est pas assagie comme l’atteste la cinématique d’ouverture. Une introduction assez courte, avec de la tripaille et du sang, pour poser le contexte narratif d’un épisode se déroulant à l’époque de la Guerre froide.
On n’incarne plus un journaliste mais un sans abris qui va participer à une batterie d’expériences pour espérer sortir de la rue et ainsi aspirer à une meilleure vie. D’apparence inoffensifs, ces tests sont en vérité conduits par la Murkoff Corporation, la société derrière les événements de la franchise, et ne sont absolument pas optionnels. L’entreprise embarque en effet de force les personnes les plus défavorisées de ce monde pour les enfermer dans un complexe et mener de sinistres expérimentations sur elles. Des lavages de cerveau qui feront de ces cobayes des psychopathes notoires prêts à aller répandre une violence inouïe une fois relâchés dans la nature. Un pitch fidèle à la franchise qui est développé à travers des documents et de la narration environnementale.
Avant de prétendre à la liberté, chaque sujet devra surmonter des épreuves infernales lors de quatre « Programmes » aux ambiances différentes et toutes plus dérangeantes les unes que les autres. Le Poste de police, le Parc d’attractions, l’Orphelinat ou le Palais de Justice ou sont autant de décors qui permettent à Red Barrels de torturer les PNJ, mais aussi les joueurs en ne leur épargnant pas grand-chose. Le studio a poussé tous les potards à fond pour un jeu extrême et funeste de courses-poursuites, et ce dès le premier vrai niveau où l’on croise un policier qui se fait plaisir en s'électrocutant son service trois pièces avant de procéder à un massacre.
Que dire également de cette femme au look très Leatherface (Massacre à la tronçonneuse) qui « purifie » des orphelins, de ce délateur que l’on doit exécuter pour progresser ou de ce passage où il faut mutiler un corps, érigé en représentation du Christ, en duo ? The Outlast Trials sait mettre mal à l’aise, mais avec le bon dosage pour ne pas tomber dans le grotesque. Pas comme Agony quoi - c’est gratuit mais mérité. C’est trash pour le bien de l’excellente ambiance et de la trame du jeu.
Un cache-cache à plusieurs
Si The Outlast Trials tient compte de la violence, de la brutalité et de l’aspect torture-porn de la licence, la peur est pour le moment aux abonnés absents. Oui, on a pu stresser ici et là, mais on n’a jamais tremblé devant quoi que ce soit. Et bien que la nature multijoueur pèse dans la balance, ça n’explique pas totalement notre ressenti. Le jeu n’est pas flippant pour un sou et Red Barrels ne semble pas vouloir effrayer les joueurs. Même si la direction prise est cohérente, ça reste l’un des défauts du soft à l’heure d’écrire ces lignes, alors que le sound design, lui, met déjà la pression. Cet épisode multi reprend tout ce qui caractérise la licence à savoir la vue subjective, la vision nocturne et les ennemis qui nous traquent pour nous briser en deux. Pour le reste, oubliez tout ce que vous savez ou presque, à commencer par le personnage principal que vous devrez créer et personnaliser par vous-mêmes.
La fuite et le jeu de cache-cache sont toujours au cœur du gameplay et se mêlent à une structure en missions où l’on doit remplir des objectifs, puis après les avoir bouclés, se rendre vers la sortie et attendre 180 secondes pour prendre une navette afin de s’extraire de chaque map. Mais dans The Outlast Trials, on a désormais des outils et objets pour se défendre nous-même ou nos alliés. Vous avez malencontreusement marché sur du verre pilé ou foncé tête baissée dans des pièges sonores, et par conséquent révéler sans le vouloir votre présence aux adversaires ? Prenez vos jambes à votre cou pour vous planquer dans un bidon, placard, sous un bureau ou saisissez une bouteille pour ralentir l’ennemi dans sa course voire faire diversion en l’amenant dans une autre direction.
Des face à face qui peuvent être stressants et offrir une dose d’adrénaline. Les bouteilles de soin disséminées dans les niveaux permettent de se refaire une santé lorsqu’on est à l’article de la mort, les seringues sont utiles pour ressusciter des collègues, tandis que les antidotes vous sortiront de votre état de psychose. Lorsque vous êtes touchés par certains ennemis, vous pouvez totalement vriller et avoir des hallucinations qui vous mèneront à la mort si vous ne dénichez pas ce remède à temps. Durant ces passages, l’environnement de The Outlast Trials change complètement avec des visuels encore plus dérangeants qu’à l'accoutumée.
Une idée sympathique mais qui mérite d’être mûrie pour être plus efficace. En revanche, il est inutile de chercher une arme pour dégommer vos rivaux, ce n’est pas Resident Evil. Le noir est aussi un ennemi à part entière, mais on peut compter sur nos lunettes infrarouge pour y voir plus clair, sauf quand la batterie nous lâche. Dans ces cas-là, on n’a pas vraiment le choix que d’évoluer quasiment à l’aveugle quand cela arrive, la lisibilité étant très réduite, en courant partout dans l’espoir de dénicher des piles de rechange dans l’environnement ou en les récupérant sur des portes piégées.
Assez vite, on débloque également des Machines qui sont des compétences uniques permettant de lancer un dispositif pour étourdir et désorienter les ennemis, les aveugler avec une mine, se soigner et redonner de la vie aux autres joueurs ou voir à travers les murs. Heureusement, il n’est pas réellement possible d’en abuser puisqu’un cooldown veille à cela, bien que des items (peu nombreux) puissent être consommés pour annuler ce temps de rechargement. En plus des machines, une gentille infirmière peut nous offrir des Prescriptions, à partir du niveau 10 de notre personnage, pour réduire notre consommation d'endurance, défoncer des portes en courant, opérer une glissade etc. Enfin, dès lors que l’on atteint le niveau 20, on déverrouille des Amplis, des avantages pour réduire le bruit lors de l’ouverture d’une porte, faciliter notre évasion ou récupérer de la santé en se cachant, sachant qu’on ne peut en équiper que trois en simultané. Mais ce sera le cadet de vos soucis dans un premier temps.
Une répétitivité trop présente
Débloquer ces amplis, à l’aide des tickets gagnés lors des missions, peut prendre un temps fou. Alors forcément, il faut une marge de progression, c’est incontestable. Mais là, on a trouvé que ça s’étirait peut-être de manière artificielle. Même en faisant les choses proprement, en obtenant un bon score à la fin des différentes tâches, le niveau du personnage fait parfois du surplace. Un rythme aussi mis à mal par certains objectifs comme celui du commissariat où il faut fouiller chaque recoin pour mettre la main sur une série de clés, en fourrant ses mimines dans des corps. Dans le fond, ces soucis se verraient probablement moins si l’on prenait constamment du plaisir, mais on touche là un autre défaut de jeunesse du jeu. En quelques heures, on a déjà l’impression d’avoir tout fait et tout vu.
C’est bien entendu le cas puisqu’il n’y a peu de cartes et que les besognes ne sont pas non plus ultra variées. On peut lancer éventuellement d’autres défis, ou refaire inlassablement les mêmes, mais il n’y a rien qui motive à s’épuiser à le faire. Le problème, c’est que les joueurs et joueuses ont aussi tendance à relancer les mêmes objectifs ad vitam, et on s’est également régulièrement retrouvé à participer à une épreuve qu’on n’avait pas sélectionné au départ en raison d’un menu peu intuitif. Qui plus est, le danger est finalement assez factice pour le moment. Avec une escouade bien organisée, il est assez aisé d’échapper aux ennemis, même à ceux qui font très mal ou qui nous repèrent dans le noir, et à l’état de psychose mentionné plus haut. Le stress est parfois palpable, mais pas suffisamment. Ça manque encore de challenge et in fine, tout repose essentiellement sur l'ambiance.
Et c’est là où l’on s’interroge sur la viabilité du projet à moyen et long terme. Une version console devrait peupler davantage les serveurs, et le studio a ajouté un nouveau programme (Le Palais de justice) depuis la sortie en accès anticipé. Mais les autres nouveautés étaient moins importantes. On s’inquiète donc alors que la base de The Outlast Trials est solide et la dimension multijoueur réussie. Ce qui n’était pas gagné d’avance puisque la licence, comme d’autres jeux d’horreur, fonctionne avant tout en solo. Mais Red Barrels a bien su jouer son coup en délivrant un titre intéressant avec des mécaniques co-op comme le soin, le fait de s’aider pour grimper sur des plateformes en hauteur ou pour réaliser des objectifs à plusieurs afin de se protéger d’une éventuelle attaque, ou encore ouvrir l’accès à de nouvelles zones en emboutissant des portes scellés à deux. La matière est là, mais l'exécution encore bancale.
Que vaut The Outlast Trials quelques mois plus tard sur PS5 ?
Nos quelques mots ci-dessus reflètent notre expérience de The Outlast Trials à la sortie du jeu en early access sur PC, et plusieurs semaines après son lancement. Pourquoi partager notre avis aujourd'hui ? Il a fallu procéder à un nettoyage complet de notre esprit suite au lavage de cerveau prodigué par la Murkoff Corporation. Mais, surtout, c'est parce que le titre quitte son accès anticipé ce lundi 5 mars 2024, et sort également sur consoles. C’est d’ailleurs l’une des grosses sorties jeux vidéo du mois. Un événement qui permet de faire le point et de découvrir la version PS5. Une édition qui tient la route ? Ça ne surprendra personne, mais oui. Red Barrels est habitué aux portages et maîtrise son sujet. De ce fait, il n'y a aucun problème à signaler. Ça tourne aussi bien que sur PC, c'est fluide, crade et gore à souhait. Cependant, les développeurs auraient pu faire en sorte d’exploiter comme il se doit la manette DualSense, ce qui n’est pas le cas.
Un lifting graphique et c'est tout ? Non. Qui dit version finale dit nouveautés et / ou rééquilibrage du jeu sorti initialement en 2023 sur PC. Si vous avez suivi le lancement de The Outlast Trials et que vous avez lâché depuis, sachez qu'il y a un cinquième programme et donc une carte inédite. Elle prend place dans une fabrique de jouets où l'un des objectifs est d'enduire le corps d'un homme de cire pour en faire un sex toy, qu'on devra brûler par la suite. C'est encore malsain, violent et même absurde pour le coup. Un ajout sympathique mais qui déçoit car Red Barrels aurait pu faire preuve de plus d'imagination dans un univers comme celui du jouet. Pour tenter de fidéliser sa communauté et apporter de la fraîcheur, les développeurs continuent de mettre en place des Programmes hebdomadaires et toutes sortes de défis, qui ne changent pas foncièrement l'expérience et donc le sentiment de tourner en rond.
En plus d'une salve de nouvelles Prescriptions (ex : récupération de l'endurance accélérée), d'Amplis (les bouteilles de médicaments vide qui peuvent servir de projectiles) et de skins, The Outlast Trials intègre des options de confort en solo comme en multi. Si vous vous mesurez seul aux Programmes de la Murkoff Corporation, vous allez toujours avoir l'occasion de réapparaître trois fois en cas de mort. Et ce n'est pas du luxe parce que c'est plus compliqué, et long, en solitaire. Après avoir testé des respawns infinis, jusqu'à ce que le joueur arrive à remplir les objectifs et à s'échapper, le studio a finalement parsemé des pilules de renaissance dans les armoires à pharmacie. Cela permet d'obtenir une chance supplémentaire de revenir à chaque fois que l'on consomme une boîte. Dès lors, c'est moins frustrant, certes, mais ça n'enlève rien au fait que jouer en solo est insipide. Très clairement. Tout le jeu et les mécaniques sont pensées pour plusieurs joueurs, au moins deux mais de préférence trois à quatre.
En ce qui concerne le multijoueur, il y a du mieux pour la recherche de groupe. Avant, on n'avait pas spécialement la main sur les missions qu'on voulait réellement faire, et résultat, on pouvait se retrouver à devoir réaliser en boucle la première tâche du commissariat avec le mouchard. Désormais, une recherche d'alliés peut être lancée suivant une épreuve ou un programme sélectionné(e) au préalable. Et si vous n'avez pas de préférence, il y a le choix « n'importe quel épreuve ». Dans les nouveautés, on relève également des nouveaux joujous comme la Gâchette à micro-ondes pour faire cuire un ennemi, ou un radar portatif pour trouver la sortie dans Le Palais de Justice. Ce n'est absolument pas un game-changer, mais au moins, on sent une volonté de donner un peu plus de profondeur au gameplay.
Par contre, carton rouge sur l'absence totale de cross-save et cross-progression. Autrement dit, si vous avez démarré sur PC, vous repartirez de zéro. Il n'y a rien de plaisant à repartir en bas de l'échelle, mais durant nos quelques parties sur PS5, on a perçu un meilleur équilibrage vis-à-vis du déblocage des tickets. L'expérience grimpe plus vite et donc on peut prétendre plus rapidement à l'achat de Prescriptions et d'Amplis par ce biais. C'est déjà ça, même si les fonctionnalités cross-save / cross-progression auraient dû être disponibles pour cette version PS5 et Xbox Series X|S.