Neuf ans après Tekken 7 et plusieurs mois après les mastodontes Street Fighter et Mortal Kombat, Tekken fait son grand retour avec un huitième opus particulièrement attendu de la part des fans et jusqu’à présent plutôt très, très bien évalué du côté de la presse spécialisée. A juste titre ? Bandai Namco nous offre-t-il avec Tekken 8 le premier K.O de l’année ?
Quand on évoque Tekken, ce sont plusieurs souvenirs de joueurs qui s’entrechoquent pour autant d’expériences de jeu différentes. Mais, du point de vue du joueur “casu”, c’est souvent le même qui revient : appuyer sur une combinaison de touches au hasard pour déclencher des coups spéciaux incroyables, des choppes de l’espace ou une super attaque totalement “piffée” pour mieux mettre à mal son ennemi. Un discours qui chatouille forcément l’oreille du puriste du jeu de combat - et de la licence -, moins ceux qui s’amusaient comme des fous sans pour autant avoir vocation à le maîtriser à la perfection, mais qui mettait déjà à l’époque l’accent vers un des aspects majeurs de la saga : le spectacle et Tekken 8 l'assure.
Après un premier trailer qui envoyait sérieusement du pâté l’an dernier, des previews plus qu’alléchantes et une attente de plus en plus pressante, amplifiée par les grands retours sur le marché de deux grands concurrents historiques, Street Fighter d’abord, puis Mortal Kombat ensuite, Bandai Namco se devait de tenir parole et de rassurer les sceptiques, qui émettaient des gros doutes sur la qualité graphique finale de ce Tekken 8, vanté notamment par son producteur, Katsuki Harada. Force est de constater que ses équipes et lui ne nous ont pas sorti de salades : Tekken 8 est magnifique et se présente véritablement comme le plus beau jeu de combat du marché. On pourrait consacrer un article entier à argumenter sur le fait que ce nouveau Tekken excelle dans le domaine graphique. Mais le jeu a d’autres choses à mettre en avant. Cependant…
Un jeu beau comme Vincent Cassel
Les veines de Law au moment où il contracte ses muscles. Les reflets du soleil sur l’eau. Les éléments de décors - totalement destructibles - jonchant le sol après chaque coup percutant. Les effets des pouvoirs et coups spéciaux des personnages (flamme, électricité). La sueur sur les corps et les visages, les vêtements abîmés, arrachés ou tachés… comme promis, la liste des détails visuels est longue. Et le peu qu’on a listé juste au-dessus n’est pas assez complet pour être totalement représentatif de la puissance graphique de Tekken 8, ni de l’apport considérable en termes de fluidité du moteur Unreal Engine 5. Mais, même après avoir poncé le mode Histoire, avoir passé de nombreuses heures en Arcade Quest ou encore après avoir débloqué le final de plusieurs des 32 personnages jouables et disponibles au lancement, votre fidèle serviteur a quand même réussi à continuer à s'émerveiller. Et ça, c’est indéniablement une sensation que seul un très beau jeu vidéo peut procurer.
Très beau Tekken 8 ok, mais quid du reste ? Du contenu ? Des sensations in game ? De l’histoire, l’une des plus longues du jeu vidéo, reconnue et identifiée comme telle auprès du Guiness Book des records ? Parlons du contenu, tiens. Et du mode Histoire, évidemment le mode le plus attractif pour tout bon connaisseur de l’histoire de Tekken. Première remarque : si Tekken 8 est votre premier contact avec la saga, pas de panique, un résumé vous explique ce que vous devez savoir afin de ne pas être totalement largué au niveau des enjeux. Dans la galerie du jeu, en plus de ce que vous aurez débloqué (à savoir tous les replays de cinématiques des histoires des persos), vous pouvez aussi rattraper votre retard : un mini-résumé par épisode de Tekken vous attend. Et en plus d’avoir le mérite d’exister, l’exercice, dans un style crayonné et noir et blanc, a le mérite d’être efficace.
Dans Tekken 8, le monde assiste une fois de plus au déchirement familial entre Jin Kazama et son père Kazuya Mishima. Le premier veut mettre fin aux agissements du second - et briser la malédiction du gène diabolique qui corrompt leur famille - alors que le paternel, lui, veut ni plus ni moins dominer le monde, aidé de ses troupes armées, la G Corporation, ainsi que du pouvoir démoniaque qui vit en lui. Du coup, c’est reparti pour une nouvelle édition du King of Iron Fist Tournament, avec de nouvelles têtes, comme Victor Chevalier, leader de l’Union des Nations - doublé par Vincent Cassel (et sa contribution est INCROYABLE) et Reina, une jeune demoiselle intrigante et particulièrement intéressée par Jin et Kazuya…
Quand Tekken croise Saint Seiya et DBZ
Comme prévu, le mode Histoire est une succession de combats, de dialogues, tous mis en scène, avec l’intégration de la totalité ou presque du roster disponible au départ (32 persos), le tout sur fond de désastre mondial à grande échelle. Si le propos est assez simple - sauver le monde de sa destruction - le jeu n’hésite pas à jouer la carte de la surenchère, surtout à la fin. L’esprit shônen est là tout au long - les fans de manga apprécieront - avec une propension au “toujours plus”, avec des combats dignes de Saint Seiya (si, si) ou encore de Dragon Ball Z. On vous laissera juger… le seul bémol listé ici par nos soins est le dénouement, qui dure dix plombes et revient à un face-à-face morcelé en plusieurs combats, rendant la séquence interminable.
Dommage pour la narration, car les enjeux soulevés sont plutôt intéressants, pour peu qu’on s’intéresse vraiment à la saga. Toujours est-il que, comme le discours de Christopher Judge aux Game Awards 2022, l’Histoire de Tekken 8, à défaut d’être totalement captivante dans son ensemble, est beaucoup plus longue que le mode Campagne de Call of Duty Modern Warfare 3. Vanne facile, mais réelle : il faut compter 4-5 heures pour boucler le tout, avec en son sein quelques variétés de gameplay qui feront plaisir aux anciens de Tekken. Mais chut, on vous en a déjà trop dit.
Pour le reste ? Si on continue le volet historique du jeu, le mode Histoire des personnages est un bon compromis pour apprendre le lore de ce huitième épisode et comprendre les motivations de chacun, le tout en cinq combats et pas un de plus, avec une cinématique finale pour voir les conséquences de votre victoire au King of Iron Fist Tournament. Mais là où Tekken 8 se démarque, c’est sur sa volonté prégnante à vouloir faire de vous le combattant ultime sur le jeu. Que vous soyez bon ou pas aux jeux de combat. Dans l’idée, Tekken 8 n’a rien inventé à ce niveau-là si on s’en tient à ce que Street Fighter 6 ou Mortal Kombat 1 ont tenté d’impulser dans ce domaine ces derniers mois, mais le titre de Bandai Namco va plus loin que ses deux concurrents.
Apprendre en s’amusant : Tekken 8 pour les nuls
Si le mode Histoire est un moyen comme un autre de se lancer dans l’aventure, il n’est pas LE moyen idoine pour apprendre à jouer. Pour cela, il faudra soit aller dans la salle du temps, autrement dit, l’entraînement, complet, avec les données de coups et d’impact affichées à l’écran, ainsi que toutes les possibilités offertes : faire bouger ou non son opposant, paramétrer les conditions de combat, voir la liste des coups, des combos pour votre personnage ou apprendre comment bien punir tel ou tel perso. Cette dernière donnée est on ne peut plus importante dans le domaine du versus fighting et a l’avantage très vite de vous permettre de bien optimiser vos coups, en vous apprenant notamment que votre move set préféré n’est pas toujours le plus safe, malheureusement.
Mais l’autre secteur de jeu censé vous apprendre à jouer est le mode Arcade Quest, qui se résume tout simplement à la création d’un avatar fan de jeux d’arcade, fan de Tekken et désireux de devenir le meilleur joueur sur borne de Tekken 8 (rien que ça). L’entrée en matière est déroutante, avec la création d’un soi virtuel qui a l’apparence d’un Mii, ce qui dénote radicalement avec le reste du graphisme proposé, bien que les décors rappellent ceux du Hub de SF6, très clairement.
SOS Fantômes
L’idée est simple : parcourir le monde, apprendre à jouer au jeu et donc progresser aux contacts des autres joueurs dirigés par l’IA, tous censés nous apporter un élément de maîtrise en particulier (le Heat, la Rage, certains combos, etc). Toujours dans cette logique d’apprentissage, on a rapidement la possibilité de débloquer le mode “Super Bataille de fantômes”, qui vise à affronter son propre Ghost, généré et moulé sur notre façon de combattre - forcément utile pour identifier ses faiblesses - ou encore celui des autres joueurs de la communauté. On ne va pas vous mentir, la feature sur le papier avait tout de la simple promesse sympa, nous rappelant dans d’autres jeux la fameuse IA évolutive en cours de partie.
Le procédé est plutôt bien fait ici, avec une phase d’apprentissage en temps réel de nos move sets de la part de l’IA (en plus des infos collectées au cours des autres parties), puis avec une phase d’analyse suivie de nos restitutions de nos coups. Si s’affronter soi-même est intéressant, aller défier le style de jeu des meilleurs joueurs en ligne l’est tout autant. Après avoir expérimenté le mode sur plusieurs heures, notre constat est plus que positif, avec beaucoup de corrections au compteur face à des fantômes beaucoup plus expérimentés que nous… On précisera qu’il s’agissait de fantômes de joueurs ayant pu expérimenter le jeu en avance, comme nous, dans les conditions imposées pour ce test. Toutefois, il faudra quand même attendre l’ouverture officielle du online et l’apport de la communauté à ce mode pour le juger dans son entièreté.
Tout cela offre donc une sacrée courbe d’apprentissage au joueur, pour peu qu’il prenne le temps de s’y attarder. Et d’ailleurs, qu’il le veuille ou non, c’est la volonté de ce Tekken 8: être suffisamment accessible pour avoir envie d’évoluer et de progresser. La célèbre phrase “Easy to play, hard to master” n’a jamais aussi bien porté son nom, avec une ribambelle de coups à apprendre, au sol ou aériens, à la retombée ou à la relevée, sachant que chaque perso a en moyenne une centaine de coups dans sa besace, avec de nombreuses variantes selon son positionnement in game.
Il en est de même pour les combos, indispensables dans leur maîtrise pour pouvoir correctement punir son adversaire et prendre l’avantage. Le Style Spécial, qui s’apparente à une copie du mode Moderne de SF6, est d’ailleurs pensé pour permettre à un novice de combler temporairement le fossé le séparant d’un adversaire plus expérimenté que lui. Temporairement, car ce mode de jeu ne permet pas les mêmes possibilités en profondeur que le gameplay classique. Temporairement toujours et c’est ce qui est appréciable, car ce Style Spécial, contrairement au mode Moderne de SF6, peut s’activer et se désactiver en cours de combat, en temps réel donc.
Heat, flex and fun
Autres features venues apporter de l’équilibre en combat - et non dans la Force, là, on s’égare du sujet - les systèmes de Heat et de Rage, introduit pour le second dans Tekken 7. Le premier résume à merveille l’essence même de ce Tekken 8 : agressivité et violence. En activant le Heat, qui apparaît sous la vie du personnage sous la forme d’une barre bleue, le joueur s’octroie une puissance nouvelle, une attaque spéciale supplémentaire et bien d’autres coups puissants, qui sont soit des variantes de sa palette de base, soit de nouvelles aptitudes uniquement jouables une fois le Heat activé. Ce dernier n’est pas illimité (une fois par round) et sert autant d’ouverture de combo lors de son déclenchement que de breaker ou de geste défensif.
Certaines voix s’élevaient ces derniers mois lors des sessions de bêta privées et ouvertes sur la parité du Heat entre les persos. Malgré notre temps de jeu conséquent, il est encore compliqué de vous donner une réponse complète sur le sujet. D’abord parce que le terrain utile, outre le versus, pour juger des différentiels de puissance et de coups sous Heat selon les persos, à savoir le online, n’était disponible que sur quelques heures. D’ailleurs et autant le glisser ici, le constat est le même quant à la stabilité des serveurs : ce n’est pas en 6 heures d’ouverture et sans la grande majorité du parc de joueurs que l’on pourra décemment juger de la qualité du online.
Il nous est tout de même apparu que si certains persos faisaient plus mal au niveau de leur Heat, certains de leurs coups étaient moins rapides à l’exécution que ceux disposant de moins de puissance. Là encore, la réponse arrivera dans les prochains jours, mais Bandai Namco a promis depuis des mois de veiller à la bonne balance d’équilibrage des persos et s’est montré très attentif aux retours de la communauté. Nos différentes parties tendent à affirmer qu’à ce niveau-là, le travail semble bel et bien avoir été fait. Le débat sera moins virulent sur la Rage, déblocable une fois notre perso aux portes du K.O et dont l’exécution est la même pour tous les belligérants (fini le déclenchement en une touche, mais la manip reste finalement super simple), avec une puissance accrue en fonction du niveau de barre restante de votre combattant.
Destruction Derby
Quoi qu’il en soit, c’est un spectacle grandeur nature et une explosion de coups que Tekken 8 nous garantit à chaque partie. Avec, grâce au Heat, une prime très claire à l’offensive, ce qui va ravir les moins patients et plus enclins à venir agresser leurs adversaires. Evidemment, entre joueurs expérimentés, cela aura moins d’impact - mais quand même - ces derniers sachant punir tout excès de velléité envers eux. Surtout, cela va attirer les joueurs désireux de vivre des combats rythmés, avec des rebondissements en fonction des coups utilisés (Heat ou pas Heat) et du stage choisi. Car, on le répète, dans Tekken 8, tout est destructible.
Évidemment, ce n’est pas le premier opus qui prend en compte les murs et les éléments du décor pour accentuer la portée des dégâts infligés. Mais c’est celui qui optimise le mieux la destruction d’un décor, avec le passage d’un étage ou d’une salle à une autre, avec des combos pensés pour briser un mur et toucher son adversaire à la réception, avec le bonus de dégâts en plus pris en compte dans le total du combo infligé. Pour le spectateur, comme pour le joueur, le rendu est on ne peut plus intéressant à voir, jouissif à ressentir et cette violence bien marquetée, avec des combats toujours en mouvement, promet de nombreuses heures de viewership, avec une pensée pour les férus d’esport, qui ne seront pas en reste, c’est clair.
Et maintenant, quel suivi ?
Bref à l’heure du bilan, ce dernier est on ne peut plus positif pour Tekken 8. Attendu comme un des gros incontournables de cette année 2024, attendu aussi par des milliers de joueurs, alléchés depuis le reveal de son tout premier trailer, ce nouvel opus ne déçoit pas. Loin de là et il s’offre même le luxe de nous surprendre, aussi bien visuellement que dans son contenu, avec une durée de vie abyssale, pour peu qu’on prenne le temps - et qu’on en ait l’envie mais encore une fois tout est fait dans ce sens - de se plonger corps et âme dans les différents modes de jeu proposés.
Sans compter que, pour ceux qui auront l'œil, la façon d’agencer le menu du mode Histoire (et de le titrer surtout) nous laisse penser qu’il y a de la place pour des DLC potentiels. On ne parle pas là des ajouts de personnages, comme l’emblématique Eddy Gordo (typiquement LE joueur avec lequel faire n’importe quoi avec les boutons de sa manette avait du sens) qui arrivera au printemps (premier personnage du season pass, à raison d’un perso inédit par trimestre), mais on pense plutôt à des histoires annexes… De toute façon peu importe, le contrat est rempli. Fans de jeux de combats, fans de Tekken, fan de 3D, vous ne devez pas passer à côté de ce premier gros poulet de cette année.