Ce qui est amusant avec Tekken 6 c'est que le combat commence avant même d'avoir allumé la console... De retour sur la dernière machine de Sony et pour la première fois sur Xbox 360, ce sixième volet déchaine les passions comme on aime à distribuer les mandales. Le fanboy défend à corps et à cri son chouchou alors que le blasé annonce fermement qu'il est déjà dépassé. Nous avons donc respectivement un aveugle et un médium qui tentent de discuter d'un titre qui n'est pas encore disponible...
Si je devais donner un avis, sachez que ces comportements has-been (pardonnez-moi l'expression) montrent que les deux parties manquent de discernement et surtout, qu'il est préférable de juger un jeu sur pièce ! C'est d'ailleurs ce que j'ai fait (Online compris) ces derniers jours. Et force est de constater que comme son public, ce Tekken divise...
"Are you ready ? Fight !"
Survolons rapidement l'aspect réalisation avant de revenir dessus en fin de test : comme chacun sait, elle est calquée sur la borne d'arcade Blood Rebellion. Malgré ses graphismes vieux de deux ans, le rendu global est bon, voir impressionnant sur certains personnages pour peu que l'on n'ait rien contre l'effet "Big Jim". À contrario, on peste sur certaines textures (des décors comme des lutteurs) qui font vraiment peine à voir. Heureusement, le tout est relevé par des effets spéciaux et graphiques saisissants. Enfin, sachez que l'aliasing de la version PS3 reste présent sur les textures les plus fines. C'est dommage. Mais là où T6 fait la différence, c'est sur son animation, d'une fluidité hallucinante, qui augmente l'intensité de combats déjà particulièrement nerveux. En effet, la vitesse de T6 surpasse de loin celle de T5DR. À tel point que ce volet restera dans les mémoires pour sa violence et sa vivacité.
Accessibilité VS technicité
Oui, Tekken est un jeu dans lequel on peut bourriner grâce à une accessibilité assumée et des coups ultra connus. C'est d'ailleurs l'un des arguments de vente du jeu : Tout le monde peut s'amuser avec T6 ! Mais contrairement à ce que beaucoup pensent, les joutes laissent la part belle à la tactique et à l'anticipation. Car si on retrouve les bases (avec pas mal de nouveaux coups en plus), la plupart des animations ont été entièrement refaites et le timing exigeant des enchaînements a été revu et corrigé. Il faut donc pas mal de temps avant de retrouver ses marques, tant l'ensemble a évolué et propose désormais un jeu d'une redoutable technicité. La gestion de l'espace, des distances, des timings et surtout des contre-attaques sont indispensables à maîtriser pour profiter des faiblesses de son challenger. Pour exemple, les launcher sont des coups spécifiques (souvent placés en contre) qui projettent l'adversaire dans les airs afin de sortir un enchainement qui ne se termine qu'une fois la victime au sol. Il s'agit là de la clé de voute du jeu. Rageants quand on les subit, ces juggles combos (enchainements aériens) sont assurément jouissifs lorsqu'on en est l'initiateur. Malgré des dégâts abusifs, ils ne sont pas infinis, et tout le monde a sa chance pour placer ses combinaisons favorites pendant un match. Afin de renforcer les retournements de situation, les développeurs ont d'ailleurs introduit une nouveauté, la "Rage". Juste avant que la barre de vie ne tombe à zéro, le personnage voit ses dégâts doublés. Un combat n'est donc jamais gagné d'avance comme j'ai pu le constater à maintes reprises encore cette nuit lors de nombreux matchs en ligne. Il est aujourd'hui évident que céder au bourrinage est la meilleure manière de perdre son avantage. En effet, les esquives, les relevées ultrarapides après une baffe, les roulades, les contres, les pas sur le côté etc. sont autant d'éléments de gameplay à intégrer pour revenir dans la bagarre au moment ou l'ennemi s'y attend le moins. Profitons-en pour souligner le problème que beaucoup rencontrent lorsqu'ils sont coincés contre un mur ou lorsqu'ils doivent se relever. Il y a souvent un moyen de s'en sortir, la maîtrise de cet aspect du jeu est vitale si vous voulez faire carrière en ligne. Et que ce soit clair, le bon joueur est celui qui parvient à maintenir son adversaire dans cette position difficile. Pas l'inverse ! Avec tous ces aspects à digérer pour parfaire votre style de jeu, et sans compter les dizaines (parfois centaines) de coups par personnage, T6 s'avère être un des jeux les plus profonds du moment. La marge de progression est titanesque, il suffit de jouer sérieusement pour s'en rendre compte.
Arcade VS Histoire
Le joutes, le cœur du jeu, sont donc une réussite. Les combats sont subtils (à haut niveau) mais restent tout à fait accessibles tant pour les fans que pour les profanes. L'essentiel est là mais comme a son habitude, Tekken c'est aussi de nombreux petits bonus. Arcade, Versus, Time Attack etc. sont tous présents (avec classements en ligne), ce qui en fait un jeu particulièrement complet. Néanmoins, oublié le traditionnel mode Arcade pour voir les célèbres cinématiques à l'humour décalé. Ici, tout se joue dans le mode Story (succès compris) ; et c'est bien là que se situe le premier problème ! À l'image d'un Tekken Force (T3) ou d'un Devil Within (T5), on choisit un personnage pour affronter des hordes d'ennemis (particulièrement stupides) comme dans un beat them all. Les habitués se souviennent avec douleur de la jouabilité médiocre de ces modes de jeu. Et dans T6... ces erreurs de game design atteignent leur paroxysme. Au beau milieu de décors d'une laideur réminiscente des pires productions PS2, on peste sur une caméra automatique souvent mal placée ; ce qui coûte fréquemment la vie. Si recommencer chaque niveau depuis le début me fait encore beugler de rage à cause de cela, le pire reste encore le système de jeu lui-même : une aberration. Car les personnages de Tekken sont faits pour combattre un seul adversaire à la fois. Le système de ciblage ne permet pas de gérer correctement plusieurs agresseurs. J'aimerais qu'on m'explique comment se protéger des adversaires qui attaquent par derrière ? Étonnamment, j'en ai eu marre de me faire fister sans pouvoir réagir ! Conclusion, il faut s'en remettre à la chance plus qu'à son talent pour passer chaque étape, ce qui nullifie tout l'intérêt potentiel d'un mode finalement mal pensé et contre-nature. Il s'avère d'autant plus frustrant qu'il est un passage obligé pour profiter du scénario. Heureusement, il est dispensable, les nombreuses cut scenes se révèlant peu inspirées (hormis l'intro, et encore...). Plus grave, c'est aussi avec ce mode que l'on récupère le plus facilement les nombreuses tenues (dont certaines ont des pouvoirs à utiliser uniquement dans le mode Histoire) afin de customiser ses personnages. En clair, ce mode est à réserver aux fans tolérants désireux de suivre l'histoire très complexe de ce Tekken 6 et de mettre leurs nerfs à l'épreuve. Comme ses prédécesseurs, le scénario amuse, étonne parfois, et parvient toujours à happer le fanboy. J'en profite pour faire le lien entre le scénario léger et le charisme discutable des personnages. Avec bientôt 15 ans d'histoire, vous savez déjà si vous appréciez (ou supportez) le character design. C'est une affaire de goût, poing (d'acier) ! Pour en finir avec ce mode qui m'aura fait perdre beaucoup trop de temps, sachez que Namco avait promis qu'il serait jouable à deux en ligne, et ce n'est pas le cas ! Dommage car l'IA de votre partenaire de fortune est des plus médiocres. Rassurez-vous, d'après la rumeur, un patch devrait inclure le mode deux joueurs. Ouf ? Même pas car le challenge et l'intérêt de ce mode resteront inexistants !
Histoire VS Customisation
En marge de ce mode aux défauts impardonnables, il y a d'autres moyens de récupérer de l'argent pour jouer sa fashion victim. Malheureusement, il faut participer à énormément de combats dans les autres modes pour récupérer vos précieuses fringues et vous la péter en ligne, les prix étant exorbitants. Ce qui rend le coup du mode histoire d'autant plus énervant : il offre tellement d'argent facile qu'on se sent obligé d'y passer, et d'y pester, car malgré tout, la carotte en vaut la chandelle. Le système de customisation est en effet d'une richesse inégalée. On peut aller jusqu'à créer sa propre coupe de cheveux, presque mèche par mèche. C'est énorme ! J'en vois qui crient au mensonge, encore conquis par la création de personnages de SCIV. Certes, on ne peut pas créer son combattant de toutes pièces dans T6, mais chaque équipement est propre à chaque lutteur et il y en a des centaines ! De quoi être certain de ne pas croiser son jumeau en ligne. Bref, de ce point de vue, T6 remporte la palme et permet d'avoir des styles uniques.
Fanboy VS blasé
La bataille sur les forums pour savoir si T6 est encore un jeu d'actualité fait rage ! Quoi de mieux que d'aller tester ça en ligne ? Car c'est évidemment en versus qu'un jeu de baston témoigne de ses véritables qualités. L'interface reste classique et ne profite pas des innovations apportées par SFIV dans ce domaine comme la recherche d'adversaires pendant un partie en solo. Il faudra attendre entre 5 et 30 secondes en moyenne pour trouver un adversaire, ce qui reste correct. Au cœur des combats, le lag reste assez rare. Construit sur le même code que celui de T5DRO, T6 reste donc super jouable en ligne. À titre d'exemple, sur la centaine de parties online que j'ai pu disputer, seules deux étaient ralenties. Et cela tient plus des connexions des joueurs que d'autre chose. Alors oui, SFIV reste meilleur dans ce domaine mais faire éclater votre talent de tekkeniste averti est tout à fait faisable tant les conditions sont optimales dans 95% des cas ! Imaginons néanmoins que vous habitez en Laponie et que votre routeur est à des kilomètres. Dans ce cas, vous pouvez oublier le versus et vous concentrer sur les fameux fantômes. Ces IA émulent en routines le comportement de tous les vrais joueurs de la planète. Tous ! Bien entendu, les vidéos de leurs derniers matchs peuvent être visionnées à tout moment. Il suffit, par exemple, de regarder les parties des meilleurs mondiaux et de faire le commentaire classique : "Mais il est nul celui là" ! Reste ensuite à télécharger son fantôme afin d'en affronter une retranscription virtuelle dans un duel à mort... et de ravaler ses propos. Bref, le système est énorme, et permet à chacun de trouver des adversaires à sa taille sans pour autant aller se friter en direct. Ceci étant, pour augmenter vos grades et tenter de truster les premières places du classement mondial, il est obligatoire de combattre de vrais joueurs. Et autant annoncer la couleur tout de suite : Le niveau de la compétition est très élevé. On retrouve d'ailleurs la plupart des champions de T5DRO déjà en tête. En bas de classement, le bourrinage est roi mais le niveau de jeu augmente vite et les spécialistes ne tardent pas à vous faire comprendre que malgré la violence et la vitesse de jeu, vous ne devez pas manquer de réalisme. Les retournements de situations sont si fulgurants qu'il est toujours préférable de réfléchir pour agir au moment crucial. À bon entendeur...
20 VS 20
T6, c'est quarante personnages jouables (sans compter les clones). Si la masse n'est pas forcement un argument, la variété des styles de jeu proposés en est un ; et de taille ! On a tout simplement jamais vu autant de guerriers dans toute l'histoire de la saga. Il y en a pour tous les goûts. Glissons sur les trente six protagonistes déjà connus tels que Law, Kazuya, Paul et autres kangourous en tutu pour se concentrer sur les six petits nouveaux. Ils sont tout simplement épatants. Bob le gras double et sa monstrueuse vitesse, Zafina la surprenante contorsionniste à stances (différentes gardes de combat), Miguel, l'imprévisible rebelle, Leo le chorégraphe, Alisa le cyborg volant (réplique robotique de la fille décédée du Dr Bosconovitch) ou encore Lars et ses enchaînements aériens sont autant de nouveaux venus à découvrir. Tous particulièrement séduisants dans leur genre, ils sont parmi les meilleurs ajouts de l'ensemble de la saga. Bref, vous l'aurez compris, il y a largement de quoi faire pour s'amuser tout en apprenant de nouvelles techniques. Allez, on s'attarde tout de même sur le dernier boss, le cauchemardesque Azazel ! Ce démon gigantesque est une aberration de la nature tant il peut être pénible à abattre. Il est comparable en termes de difficulté, sur certains rounds, à Oméga Rugal (KOF 98 version Neo Geo), pour ceux qui s'en souviennent ! Moi en tout cas, il m'a vraiment frustré. Mais comme Abel dans SFIV (NdRaHaN : Abel roulaise !), on s'en accommode...
Difficile de rester impartial sur un titre si attendu et qui a pourtant tant de détracteurs (RaHaN, es-tu là ?)... Ainsi, je conclurai en disant que le cœur du jeu est excellent et promet de longues heures de fun de par sa profondeur abyssale. Maintenant, le mode histoire est un véritable outrage à la communauté ! Mal pensé et ultra creux, il m'a tout simplement dégouté. Alors si vous êtes fan du style de baston à la Tekken depuis toujours, celui-ci répondra à vos attentes. Au contraire, si vous ne pouvez plus voir la saga de Namco Bandai en peinture, cet épisode ne peut prétendre à vous faire changer d'avis, c'est clair !