Faire une suite à une série qui avait achevé son scénario il y a plus d’une décennie était un pari risqué. Benoît Sokal et Microids s’y sont essayé avec Syberia 3, opus terni par sa technique qui n’avait pas laissé de souvenirs impérissables aux fans de la licence. Les développeurs français, soutenus par Koalabs, tentent de redorer son blason avec une dernière aventure.
Vingt ans après le tout premier épisode, il est temps de faire ses adieux à Kate Walker et son fidèle compagnon Oscar. Dernière œuvre signée de la plume du regretté Benoît Sokal, Syberia The World Before permet à licence phare du point & click de retrouver son charme d’antan dans une ultime aventure qui gomme tous les défauts du troisième épisode, ou presque. Après plusieurs mois de travail, les équipes de Microids nous livrent enfin les versions PS5 et Xbox Series pile à temps pour les fêtes de fin d’année. Un portage à la hauteur ?
Un dernier beau voyage
Vaghen, 1937. Dana Roze, une jeune pianiste de 17 ans habitant la ville fictive pleine d’automates, s’apprête insoucieusement à entrer à l’académie de musique de la capitale. Dans le monde uchronique de Syberia, cette date est annonciatrice de drames initiés par l’Ombre Brune, un mouvement politique national-socialiste, équivalent aux nazis dans notre monde. Cette jeune femme, Kate Walker la retrouvera peinte sur un portrait d’avant-guerre retrouvé au fin fond des mines de sel dont elle est prisonnière en 2004. Échappée de sa geôle, l’ancienne avocate avide d’aventures tentera de découvrir qui est celle qui lui ressemble trait pour trait et d’en apprendre plus sur son destin. Syberia The World Before est donc une suite directe du troisième opus et il sera nécessaire de connaître l’histoire de Kate pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce quatrième épisode. Microids a mis à disposition un récapitulatif dans le menu du jeu. Un choix bienvenu, car il est impératif de prendre connaissance des événements passés pour mieux comprendre la psychologie de l’héroïne, particulièrement touchante.
Syberia The World Before se laisse tout même approcher sans heurt par les nouveaux venus de par sa structure très différente. Le jeu est un voyage entre les continents certes, mais surtout entre les époques. On alternera entre les deux femmes pour tenter de comprendre les liens qui les unissent et découvrir les événements tragiques qui bouleverseront la vie de Dana à jamais. Le titre nous livre une histoire plus frappante et bien écrite, malgré quelques maladresses et facilités, à la narration lourde et triste qui happe le joueur dans son récit. La double temporalité déroule le récit de façon intelligente, rendant un scénario qui aurait pu être quelconque, captivant. Plus que son propos, elle sert également à résoudre des énigmes, gros point fort du jeu. Les amateurs de point'n click à l'ancienne vont être servis. Les voyages dans le temps permettent d’élucider plus facilement certains puzzles, utilisant brillamment le point de vue des héroïnes pour dissimuler des indices ici et là. Limpides comme tout, certaines énigmes demanderont un peu plus de réflexion sans jamais être très complexes. Tout a du sens, tout est bien imbriqué. Syberia The World Before fait plus appel à votre sens de l’observation que votre logique pure. Certains argueront que la difficulté en prend un sacré coup, mais ces casses-têtes confèrent finalement davantage un sentiment de satisfaction insoupçonné que toute frustration. Le portage PS5 mettra cependant à mal certains des meilleurs aspects de Syberia The World Before à quelques moments.
Et la version console ?
Qu’on se le dise, cette mouture sur consoles next-gen est plus qu’honnête, mais imparfaite. Elle hérite des défauts inhérents à la version originale, comme les murs invisibles, les problèmes de caméra aléatoires, la lourdeur de déplacement des personnages, des textures assez vilaines, des bugs visuels, du clipping ou encore des animations faciales comme corporelles loin des standards actuels. On est à mille lieux de Syberia 3, mais la version PS5 apporte quelques soucis d’optimisation supplémentaires. Les changements d’angle de caméra sont encore plus abrupts et c’était sans compter des chutes de framerate déconcertantes à Vaghen, où ça saccade violemment, ou même pendant des énigmes.
La ville est pourtant magnifique, portée par une direction artistique magistrale et un éclairage des plus inspirés qui sublime cet univers si caractéristique de Sokal, mais ces quelques soucis peuvent briser l’immersion par moments. Rien qui nous empêche de s’arrêter pour contempler les jolis environnements lors des deux périodes, où l’architecture, l’art nouveau et l’ambiance steampunk font des merveilles. C’est visuellement réussi, mais là encore ne vous attendez pas à des graphismes proches des productions actuelles. Les versions PS5 et Xbox Series de Syberia The World Before doivent évidemment être confrontées aux contrôles à la manette. Pas de grandes surprises puisque le jeu était déjà compatible avec le pad à sa sortie, mais les commandes s’adaptent au mieux malgré quelques soucis d’intuitivité par moments.
La gestion du joystick gauche et de son déplacement semble par ailleurs assez aléatoire. Tantôt performante, tantôt à la ramasse, elle est déconcertante de prime abord, mais on s’y habitue finalement. On regrettera surtout l’absence d’options pour régler la sensibilité du curseur, qui aurait permis de rendre certaines énigmes un peu moins lourdes qu’elles ne le sont. La DualSense est d’ailleurs mise à contribution avec un retour haptique utilisé timidement lors des déplacements en tramway, en forêt ou lors de certaines actions pendant les casses-têtes. Rien de bien révolutionnaire ni d’immersif.