Contrairement à la proposition de base de Starfield, Shattered Space ne nous fera pas traverser la galaxie, mais va concentrer son récit sur une seule planète : le berceau de l’intrigante maison Va’ruun. Bethesda entendait ainsi faire d’une pierre deux coups avec ce premier DLC majeur : nous proposer un grand terrain de jeu entièrement fait à la main, pour revenir à ce qui a fait sa renommée sur ses licences phares The Elder Scrolls et Fallout, et nous en dire plus sur cette faction vouant un culte au mystérieux Grand Serpent. Un petit pas pour le studio, et un grand pas pour Starfield ? On aurait bien aimé répondre par un grand oui, mais notre avis est hélas beaucoup plus contrasté que cela. Bienvenue à la Maison Va’ruun ?

Entrée dans la maison Serpentard façon Starfield Shattered Space

En préambule de ce test, il convient de rappeler rapidement comment accéder à Shattered Space, et dans quelles conditions nous avons débuté cette nouvelle aventure. Naturellement, il est indispensable de posséder Starfield et de faire l’acquisition du DLC. Celui-ci est vendu séparément à 30 euros (un prix que beaucoup pourraient considérer comme excessif, et pas forcément à tort...), ou inclus dans l’édition Premium du jeu de base, tarifée à 100 euros. Ensuite, Bethesda préconise un personnage de niveau 35 pour être relativement à l’aise. Nous avons de notre côté repris notre sauvegarde initiale avant de lancer le New Game+, avec un personnage de niveau 38. À noter cela dit que Starfield intègre maintenant des options de gameplay pour se créer une difficulté à la carte. Nous avons sur ce point opté pour des combats en mode « Difficile », afin de disposer d’un challenge relativement équilibré. 

Pour commencer la quête principale liée à Shattered Space, nous avons dû nous rendre dans le système Kryx. Sur place, nous avons capté un signal cryptique provenant d’une station visiblement abandonnée. En tant qu'explorateur de Constellation, il en allait naturellement de notre devoir d’enquêter. Le DLC part ainsi plutôt bien : le lieu est littéralement mort, avec des corps flottant en gravité zéro. En toile de fond, d’inquiétants murmures viennent nous caresser l’ouïe. L’ambiance est posée de manière franchement réussie, et nous sommes légitimement intrigués par ce qui s’est passé ici. Nous entrons ensuite dans une autre salle, couverte d’une étrange substance bleue aux propriétés bien curieuses. Nous n’allons pas en dire davantage pour vous laisser un peu de surprise, dans l’éventualité où vous souhaiteriez découvrir le solide prologue de Shattered Space par vous-mêmes. 

Starfield Shattered Space Prologue
C'est ici que commence notre nouvelle aventure dans Starfield. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Toujours est-il que notre exploration de la station nous mène à la remettre en service. De manière automatique, celle-ci nous téléporte alors vers le système de Kavnyk. Celui-ci abrite notamment la planète Va’ruun’kai. Comme son nom l’indique, il s’agit du berceau de la maison Va’ruun, à laquelle la station appartient. Pour rappel, cette faction centrée sur la vénération d’une divinité connue sous le nom de Grand Serpent n’aime pas trop les exogènes profanes de leur culture comme notre personnage. Mais cela va changer lorsque nous atterrissons à Dazra, leur capitale, théâtre d’un terrible cataclysme suite à une expérience ayant spectaculairement échoué. Une portion significative de la ville et de ses habitants a été évaporée par une effroyable explosion. Leur Orateur, guide spirituel de la maison, a disparu, et toute leur société s’effondre à vue d’œil. Il s’avère cependant que notre personnage peut voir et entendre des apparitions comme venues d’une autre réalité de cet Orateur. Témoins de ce « miracle », les chefs qui nous accueillent voient en nous la volonté du Grand Serpent, et leur seule chance de survie (qui a parlé d’une redite de l’Enfant de Dragon dans Skyrim ?). C’est donc avec ce prologue plutôt prometteur que s’ouvre l’histoire du premier DLC majeur de Starfield. 

Starfield Shattered Space Maison Va'ruun
Bienvenue à Dazra, capitale de la maison Va'ruun. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Cobra (Va’ruun) Kai

Nous faisons ainsi nos premiers pas à Dazra et sur la planète Va’ruun’kai. D’emblée, on peut saluer le travail de Bethesda sur la direction artistique de l’ensemble. Le tout est également techniquement solide, avec relativement peu de bugs à déplorer, et aucun ralentissement sur notre très solide PC (RTX 4080 SUPER, Ryzen 7 7800X3D, 32 Go de RAM). Un convaincant sentiment de mysticisme se dégage de ces panoramas désolés, avec un ciel étoilé inquiétant sporadiquement zébré d’éclairs rouges. Le tableau est franchement beau dans toute sa menaçante représentation, et l’architecture des constructions Va’ruun revêt un caractère mettant fort joliment en avant l’exotisme d’une société religieuse et mystique dont on ne connaît presque rien. Starfield nous avait seulement dépeint la faction comme des fanatiques tortionnaires. Shattered Space en profite sur le papier pour approfondir le lore de ce groupe sortant de l’ordinaire par rapport au reste du jeu de base. Sauf que la chose est faite de manière relativement maladroite, de nombreux interlocuteurs se fendant de diatribes d’exposition un peu trop verbeuses pour qu’elles soient digestes.

Starfield Shattered Space Personnages
Comme un message subliminal de Bethesda dans cette ligne de dialogue ? © Geralt de Reeves pour Gameblog

Ce notamment par le biais d’un rite initiatique qui frôle avec l’occulte pour rejoindre la maison Va’ruun, condition sine qua none afin de poursuivre l’histoire de Shattered Space. Nous sommes ensuite escortés auprès du Conseil, avec encore beaucoup d’exposition pour nous présenter un échiquier politique inutilement compliqué à base de familles aux fonctions propres à chacune. Bethesda nous a honnêtement habitués à mieux pour créer des factions intéressantes et complexes. Le cœur du DLC qu’est la maison Va’ruun nous a ainsi paru un tantinet cliché et convenu, avec un potentiel tristement mal exploité. Cela ne nous a malheureusement pas aidé à pleinement accrocher à l’histoire d’ensemble. Toujours est-il que le Conseil nous explique que nous devons rentrer dans la Citadelle d’Écailles, épicentre du cataclysme qui a ravagé une partie de la ville. Notre objectif est grossièrement de retrouver l’Orateur et réparer les dégâts de la précédente expérience ratée. Pour cela, nous devrons aider trois familles à construire une machine permettant de percer le bouclier d’énergie entourant la Citadelle. Là encore, le synopsis nous a paru un peu trop convenu pour vraiment nous investir dans son récit. 

Starfield Shattered Space Citadelle
La fameuse et intimidante Citadelle, en plein cœur de Va'ruun'kai. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Même constat malheureusement concernant les quêtes secondaires, pourtant d’habitude l’un des points forts des jeux Bethesda, comme tel était d’ailleurs le cas sur Starfield. Celles de Shattered Space nous paraissaient toutefois peu inspirées : récolter X échantillons, lire Y textes dans le cadre d’un pseudo-pèlerinage, retrouver Z personne, entre autres exemples. Ce malgré quelques développements intéressants et des choix moraux plutôt bien ficelés. Mais le sentiment d’immersion en tant que nouveau membre de la maison Va’ruun n’y est malheureusement pas, en tout cas pour nous. La faute notamment à un doublage (anglais comme français) d’ensemble laissant franchement à désirer, et des animations faciales un brin « Uncanny Valley » tant décriées sur le jeu de base, et toujours bien présentes. L’ensemble manquait alors cruellement de naturel et ne véhiculait pas vraiment le sentiment de détresse et l'imminente disparition à laquelle la maison est supposée être confrontée, la mise en scène étant visiblement aussi absente que la motivation des comédiens de doublage.

Cela sert cependant de prétexte plutôt habile pour nous faire explorer la surface de Va’ruun’kai, un autre gros argument de vente de Shattered Space. Au lieu des myriades de planètes procédurales qui ont tant déplu à de nombreux joueurs sur Starfield, nous avons ici droit à un véritable terrain de jeu Bethesda « à l’ancienne », entièrement fait à la main, avec une cinquantaine de lieux à explorer. De prime abord, nous étions plutôt excités à cette perspective, le studio ayant largement montré par le passé sa maîtrise s’agissant de nous donner l’envie d’explorer et de nous faire rêver d’aventure. Cela a encore une fois tourné court pour nous : de nombreux lieux sentent le réchauffé et manquent d’inspiration. D’autant qu’une infime partie d’entre eux nous récompensent comme il se doit, avec notamment un excitant trésor et des objets uniques venant pimenter notre progression et faire évoluer notre personnage. Après avoir écumé une dizaine d’endroits différents avec les mêmes résultats assez décevants, nous avons donc été lassé par l’exploration de Va’ruun’kai. Heureusement que le véhicule terrestre tant demandé depuis la sortie de Starfield était là pour rendre nos déplacements plus plaisants. Autrement, nous aurions sûrement été beaucoup plus cinglants à l’égard du monde ouvert proposé par Shattered Space. 

Shattered Space Map
La carte du monde ouvert du DLC, manquant hélas d'inspiration... © Geralt de Reeves pour Gameblog

Le Grand Serpent qui se mord la queue ?

Traditionnellement, les DLC de jeux Bethesda sont autant là pour nous raconter une nouvelle histoire que pour ajouter de nouvelles mécaniques de gameplay. On pense notamment sur ce point à l’excellente extension Dawnguard de Skyrim, nous permettant de devenir un vampire. Dans Shattered Space, nous avons en tout et pour tout sur ce terrain… la fabrication de nouvelles grenades. La déception était donc encore grande. Mais qui dit approfondissement total du lore d’une faction doit forcément impliquer de nouveaux équipements, ennemis et peut-être à la fin de la quête principale des pouvoirs en lien avec cette divinité dont on nous rabâche constamment les oreilles… non ?

Hélas, cruelle déconvenue encore à ce niveau. A part deux ou trois nouvelles armes fabriquées par la Maison Va’ruun, le reste est simplement une redite d’éléments déjà présents dans Starfield. Concernant les nouveaux dangers et ennemis à affronter dans Shattered Space, ceux-ci peuvent tenir… sur les doigts d’une seule main. Et même en mode « Difficile », les combats manquant de dynamisme dans le jeu de base n’ont guère connu d’améliorations avec Shattered Space. On retrouve ainsi encore des adversaires dotés d’une IA toujours à la ramasse, souvent perdus dans des coins saugrenus, ou bloqués dans un décor et visiblement incapables d’en sortir. Le gameplay n’a donc pour ainsi dire pas évolué d’un iota et ne profite clairement pas du DLC pour venir varier l’expérience sur ce point. 

Shattered Space Gameplay
Le gameplay n'a hélas pas changé d'un iota... © Geralt de Reeves pour Gameblog

Un constat bien dommageable, qui, mis bout à bout avec le reste de nos griefs avec Shattered Space, nous donne l’impression d’une extension « fainéante », qui ne va pas au bout de ses ambitions. Certains argueront qu’il ne s’agit malheureusement que d’un reflet de Starfield à son lancement : un RPG spatial sur le papier ambitieux et généreux, mais aux mécaniques d’un autre temps, développé par un Bethesda se reposant trop sur ses acquis. Et cela nous fait un peu mal de dire qu’ils n’ont pas foncièrement tort. Le Grand Serpent a-t-il jugé Shattered Space indigne de lui ? Ses voies sont, pour nous profanes, impénétrables, mais le goût de trop peu de ce DLC est quant à lui tristement bien présent dans notre esprit, après quinze heures de jeu. À noter que la quête principale peut quant à elle aisément se terminer en ligne droite en cinq heures et quelques, avec un final à l’image du reste : qui nous laisse cruellement sur notre faim, et qui ne nous a clairement pas marqué autant que le final de Starfield. La note de 30 euros pour un tel résultat apparaît donc particulièrement salée.