Je vous raconterais bien le pourquoi du comment nous testons cette extension du messie des STR à la bourre, mais ça ne serait pas très intéressant. Résumons : on s'est raté. Ca arrive. Le bon côté de ce retard, c'est qu'une semaine après avoir terminé la campagne solo et après une compétition majeure le week-end dernier (MLG), on y voit quand même plus clair sur les forces et faiblesses de ce Heart of the Swarm. Indice sur la qualité du titre : il faut plisser les yeux et avoir un peu d'imagination pour trouver les problèmes...

"Tu prendrais pas du bide, Jim ?"

Je vous avoue tout de suite que mon texte n'aurait pas été le même concernant le solo si je l'avais rédigé dans la foulée de la conclusion de la campagne. La "magie Blizzard" était alors encore à son paroxysme, mes petits neurones frétillaient toujours de bonheur, les cutscenes fabuleuses fraichement imprimées dans ma mémoire. Et puis, une fois l'excitation de la découverte retombée et le terriblement déprimant mode "analyse à froid" engagé, on réalise que le solo de HotS est "bien". Une appréciation assez basse quand on connait la qualité visée chez Blizzard. Car oui, cette campagne solo, tout bien considéré, reste inférieure à celle de WoL. Centrée sur Kerrigan, que l'on vient de "sauver" dans WoL, elle se concentre sur les Zergs et autant prévenir les fans des autres races : il va falloir vous mettre au "creep", ce qui est un peu frustrant quand on sait que les Protoss sont tellement supérieurs à tout le reste (quoi ?! QUOI !?). Même l'héroïque Jim Raynor de la première campagne fait de la figuration molle et aura réussi à m'agacer par ses réactions.

Le sens du rythme

Oh pas de panique hein ! Cette campagne reste diablement efficace, mais elle manque de rythme et on pourra difficilement être "surpris" par la tournure des évènements malgré l'arrivée d'électrons libres dans le scénario. Des trublions intéressants, mais assez sous-exploités. Nope, je ne dirai pas qui, je me doute que certains sont toujours en train de saigner le multi (j'y viens) et n'ont pas encore touché au solo ! Malgré quelques choix dans l'ordre des missions, cette campagne souffre de plusieurs maux : trop courte, trop facile, trop linéaire et avec des "gimmicks" pénibles. Celui qui massacre le rythme du scénario est facile à identifier : les missions d'évolution. En effet, vos petites bestioles vont avoir l'occasion de se transformer à divers moments de l'histoire. Des banelings qui explosent en plein de petits banelings, ou dont l'acide peut grignoter le métal efficacement ? Chaque unité ou presque va ainsi se retrouver face à des choix cornéliens qu'il ne sera pas possible de changer après-coup. Et pour présenter chaque type d'unité et bien comprendre l'impact sur le gameplay, on enchaine des missions pas très intéressantes et inratables pour bien voir qui fait quoi. Une bonne idée sur le fond, mais qui vient couper l'histoire. Si cela reste amusant d'avoir des zerglings qui sautent des dénivelés et à la gorge de vos ennemis, on peut aussi remettre en question l'idée même d'avoir des unités de folie dans le solo, qui perd du coup tout intérêt comme tutoriel pour les nouveaux joueurs. On passe sont temps à manipuler des unités de rêve qui, évidemment, n'existent pas en multijoueur.

MOBA mon amour

Reste que la variété des unités et des missions donne au solo un goût vraiment sympa, qui justifie l'achat du jeu même pour ceux qui n'ont aucune envie d'aller se faire massacrer en ligne. Les deux points de vue s'affrontent et je pense qu'ils ont donné lieu à des discussions animées chez Blizzard... Surtout qu'ils ont poussé les différences assez loin, avec des missions centrées sur un héros - souvent Kerrigan, mais pas uniquement - qui disposera des pouvoirs surpuissants : on se retrouve alors dans un gameplay qui sent bon le Dota : le reste de vos unités font de la figuration pendant que vous enchainez les combos avec votre héros du moment. Du coup, on se prend à rêver d'un Warcraft 4 sous stéroïdes avec ce genre de gameplay. Mais je m'égare...

Ligue papier crépon

Une fois la campagne solo terminée, il y a deux catégories de joueurs. Voire trois, soyons fous. Ceux qui vont dire "ça, c'est fait" et passer à un autre jeu, avec l'impression d'avoir vu tout Stacraft 2. Ceux qui vont y retourner, avec pour objectif de débloquer tous les hauts-faits, et en mode "Brutal", le niveau de difficulté maximum (qui reste assez facile pour les bons joueurs de SC2). Et ceux qui vont aller affronter la vie, la vraie. Mettre leur égo en péril. Sortir le petit fouet clouté qui va arracher la peau de leur dos avec amour : les mecs qui vont cliquer sur le bouton qui ouvre les portes de l'enfer du jeu multi. Et les milliers d'heures de jeu qu'il peut représenter.

Là, on passe dans une autre dimension. Rien de nouveau hein, on parle toujours build order, mind game, APM, cheese et autres trucs intraduisibles. Si vous étiez hermétiques avant, vous allez le rester. En revanche, pour les fans, cette extension apporte un vent de fraîcheur incroyablement agréable. WoL commençait à sentir la serviette de sport moisie, avec une domination Zerg plus que pénible. HotS transforme le gameplay, pour le meilleur. Terran et Protoss doivent entièrement revoir leur copie. Chez les Zergs, on dit que ces changements interviennent plus tard dans la partie, vers la 12ème minute de jeu. Oui, chez les pros, tout est histoire de timing, pire qu'en cuisine.

Life vous explique la vie

Le plus drôle dans tout ça, c'est qu'alors que tout le monde pensait que les Zergs allaient enfin prendre la correction qu'ils méritent, que Terran et Protoss s'arracheraient leurs cadavres gluants, la dernière MLG a été remportée par Life. Un joueur Zerg. Ce premier tournoi de l'ère HotS montre qu'ils ne sont pas si faibles que ça. Le problème, c'est que Life, du haut des ses 16 ans et nombreux titres (dont un Iron Squid II de folie), est un génie. Sur le ladder, online, chez les gens normaux, c'est une autre histoire. Beaucoup vont mettre des mois à comprendre comment contrer les Widow Mines des Terrans, les Mothership Core et autres Tempest Protoss, dont la portée dépasse celle d'un tank en mode siège ! Le pierre-feuille-ciseau géant qu'est Starcraft 2 se retrouve chamboulé et tout le monde n'est pas capable de comprendre comment aussi rapidement que les pros qui ne font que ça. Ce qu'il faut retenir, c'est que Blizzard a bien fait son boulot et que les fans sont très positifs sur ces évolutions et l'équilibrage général.

Made in Blizzard

Le dernier point qui achève de faire d'HotS une extension de qualité, c'est la refonte de Battle.net. Les équipes de Blizzard ont en effet profité de l'occasion pour tout remettre à plat. Tout est plus simple et plus pratique, de la gestion des clans à celle des mods en passant par les ralentis. Et il a même, enfin, la possibilité de reprendre une partie en cas de crash / déconnexion : il suffit de relancer le replay et de reprendre la main "live" quand vous le désirez. Une excellente façon également de rejouer des parties en mode "et si ?" pour tester d'autres stratégies.

Je suis un peu triste que HotS soit si bon : ça m'empêche de vous caser "la Reine des Larmes" en intertitre ! Mais le constat est clair : le solo est solide, le multi comblera les joueurs occasionnels comme les pros de l'eSport (et les spectateurs) et Battle.net devient enfin agréable. Les efforts de Blizzard pour convaincre les nouveaux joueurs de se lancer dans le grand bain du multi sont excellents (points d'expérience, trainings, IA vraiment intéressante pour apprendre, etc.), même pour les nazes en ligue papier bulle dans mon genre. Dans ces conditions, râler devient compliqué. Il y en a pour tous les goûts, tous les niveaux, avec une saine volonté de vous faire progresser. Certes, les fans Protoss seront complètement frustrés par le solo. Mais, frères d'Aiur, nous aurons notre vengeance avec Legacy of the Void, qui conclura cette trilogie. Dans 2 ans ?