Avant, Star Wars et moi, c'était le grand amour. Même longueur d'onde, sexe tous les jours. Puis est arrivée la nouvelle trilogie, et on s'est éloignés. Il s'est passé des trucs avec Jar Jar Binks, et je n'ai pas supporté. Côté jeux, depuis KotOR et Jedi Knight, c'était la misère. Alors quand Le Pouvoir de la Force a débarqué dans ma console, j'avais envie de ressentir à nouveau cette flamme, j'étais bien disposé. Malheureusement, tout n'est pas rose entre lui et moi, mais quand il m'a apporté un Jar Jar Binks congelé dans de la Carbonite, je me suis dit que ça valait bien quelques compromis.
Maintenant que j'ai bouclé la dernière production de LucasArts, il me paraît évident que ses créateurs sont bien plus proches de moi que je ne l'aurais cru. Eux aussi, ils ont un amour indéfectible pour la trilogie d'origine, comme beaucoup d'autres, et sans doute quelques peines à faire le lien entre la nouvelle et l'ancienne car, comme dirait Obama, "vous pouvez mettre du rouge à lèvres à un cochon, cela reste un cochon". On s'est compris : mais ce bon vieux Georges fait ce qu'il veut avec son univers, même le massacrer à nos yeux, si ça le chante. Par contre, le voir approuver et sanctionner comme canonique un scénario comme celui du Pouvoir de la Force, franchement, je n'y aurais jamais cru. Ca en fait une surprise d'autant plus savoureuse, et d'autant plus à même de faire passer les nombreux défauts de la pilule.
"Plus facile, plus rapide, plus séduisant !"
... Mais pas plus fort, apparemment. Le côté obscur, bien évidemment : quel fan de Star Wars n'a pas eu envie d'incarner le temps d'un jeu un Sith, sans limites, sans entraves, libre de massacrer qui il veut, quand il veut, et des façons les plus odieusement créatives qu'il puisse imaginer ? De ce point de vue, The Force Unleashed réussit son pari. Starkiller, apprenti secret de Darth Vader, est un héros charismatique, qu'il devient de plus en plus jouissif d'incarner au fur et à mesure de sa progression. Combos mêlant sabre, éclairs et projections de Force, pouvoirs destructeurs, et talents améliorant les statistiques peuvent être développés à chaque niveau acquis, et pour le coup, certaines scènes ne reculent devant aucune extravagance pour insuffler de l'épique dans les combats et les capacités surhumaines ainsi développées de Starkiller. Malheureusement, quelques lourds écueils subsistent encore. Un système d'acquisition des cibles pas toujours finement réglé, un saut qui peut se révéler bien trop imprécis, une tétrachiée de petits bugs d'IA (sur des ennemis déjà très stupides), ou d'animation, et une impression générale de flottement dans les combats beaucoup trop présente. Les boss peuvent virer facilement au cauchemar à cause de bon nombre d'imprécisions et, sans vouloir spoiler, la scène du Destroyer pourra facilement vous faire perdre quelques touffes de cheveux, tant les indications à l'écran sont mal foutues (voire fausses). Malgré tout, destruction des décors, physique des objets, réactions des ennemis qui tentent désespérément de se raccrocher à quelque chose quand on les soulève grâce à la Force, QTE grandiloquents, et tout simplement la puissance destructrice incommensurable de ce héros vraiment réussi parviennent à rendre l'action particulièrement divertissante. Même si c'est bel et bien le scénario qui nous donne le plus envie d'avancer...
"Tout ce que tu as appris tu dois désapprendre !"
Ce que vous pensiez savoir sur les événements qui ont conduit à la formation de l'Alliance Rebelle risque d'en prendre un coup à la découverte de ce que réserve le scénario du Pouvoir de la Force. Et c'est non seulement tant mieux, mais surtout incroyable de voir combien un jeu vidéo a pu se faire une place si importante dans la time line canonique de Star Wars, pile poil entre l'épisode III et l'épisode IV. C'est bien simple : malgré son côté expéditif, les imperfections de sa narration et le côté regrettablement cheap des animations faciales pourtant fréquemment mises en avant avec moult gros plans, Le Pouvoir de la Force s'approche plus de la trilogie originale que de la nouvelle en terme de qualité scénaristique. Pas d'imbroglios alambiqués et faussement compliqués, pas de personnages superflus pour amuser les bambins, pas de longueurs inutiles, pas de tassement à la va-vite d'un paquet d'arcs narratifs en quelques minutes parce qu'on a plus le temps, bref, peu des défauts des épisodes I, II et III, et une cohérence somme toute réussie. Le tout en offrant aux fans quelques surprises comme on n'osait plus en espérer, tant George Lucas les a toujours contrariées. Mais cette fois, enfin, il les a laissé faire. Alors, pour le fan, c'est plaisant. Maintenant, pour le joueur lambda, l'intérêt s'avère plus discutable.
"Personne par la guerre ne devient grand."
Au final, Le Pouvoir de la Force reste un titre 100% action, avec tout ce que cela peut comporter de répétitif. Il y a bien quelques passages usant avec créativité de la Force et du moteur physique, mais du début à la fin, l'ensemble reste désespérément linéaire (exception faite de la toute fin qui laisse la choix entre deux conclusions : une officiellement canonique et une autre, un tantinet cachée, "pour le plaisir"). Avec quelques scènes sortant un peu du massacre à la chaîne linéaire de chaque section, Le Pouvoir de la Force aurait pu devenir, moyennant la correction d'autres défauts, un titre véritablement excellent. Mais à l'évidence, les développeurs ont manqué de temps pour raffiner tout ça et élaborer quelques distractions et puzzles plus poussés pour varier les plaisirs, et c'est bien dommage car du coup, si ce n'est pour son univers et son scénario, il ne se hisse que péniblement au-dessus de la masse... J'en garderai néanmoins un souvenir plaisant, voire le désir d'y revenir une fois de temps en temps pour la frénésie destructrice qu'il offre, aux commandes d'un héros surpuissant. Et pour une fois que LucasArts se sort le sabre laser du fondement en matière de jeux Star Wars, si vous êtes fans, profitez-en.