La guerre dans les jeux vidéo, on la connait. Et on aurait presque envie de dire qu'on l'a vue à toutes les sauces. Mais c'est sans compter sur les développeurs de Yager qui ont l'intelligence de proposer un jeu de tir en vue à la troisième personne qui fait réfléchir, chose assez rare depuis quelques années. En effet, Spec Ops : The Line est un thriller psychologique guerrier présenté sous la forme d'un TPS dont le but est de proposer une histoire qui sort des sentiers battus et rabattus par Gears of War et autres... Une opération presque réussie !
Dubai, cité de tous les excès, est en proie à des tempêtes de sable à répétition. Et malgré sa grandeur, la ville ne peut rien contre la nature et se retrouve rapidement submergée. Le 33ième bataillon de l'armée américaine déboule alors sur place mais le QG leur demande rapidement de rentrer et d'oublier les civils. Les soldats, dirigés par le Colonel John Konrad, refusent d'abandonner leur mission de sauvetage et disparaissent, comme le reste de la ville...
L'enfer de la guerre
Six mois plus tard, alors que le monde semble avoir laissé Dubaï à son triste sort, un mystérieux message de Konrad se fait entendre. Les américains envoient alors trois hommes de l'escouade Delta pour trouver des survivants. Et c'est vous qui incarnerez le capitaine Walker et ses deux hommes de main, Adams et Lupo, au coeur de la capitale ensablée, pour voir ce qui s'y passe. Si l'aventure débute comme un bon vieux film de guerre américain, elle sombrera rapidement dans l'horreur tout en restant réaliste. Le but des développeurs est donc bien de proposer un shooter mais aussi, et même avant tout pourrait-on dire, une réflexion sur la condition du soldat ainsi que sur les choix moraux auxquels ces derniers sont parfois confrontés, au risque de perdre leur santé mentale et de sombrer dans la sauvagerie. C'est là que se situe le point fort de Spec Ops : The Line. A défaut de totalement nous surprendre, le scénario est suffisamment bien ficelé pour nous tenir en haleine et joue sur nos vieux démons. En effet, qu'allez vous faire lorsqu'il faudra choisir entre abattre en voleur ou tuer le soldat qui aura eu la main trop lourde sur la famille du premier ? Et ce choix, comment allez-vous le vivre ? Ou pire, le supporter ? Là est toute la question... Pour faire simple, si vous êtes un joueur impliqué dans les aventures des jeux qu'il pratique, cette descente aux enfers apparaitra comme saisissante, au point même de radicalement trancher avec les autres TPS du genre. A contrario, si vous cherchez un shooter d'exception et que vous préférez tirer d'abord et poser les question ensuite, SOTL vous laissera sans doute un goût amer.
La loi martiale
Dubaï est devenue un véritable champ de bataille comme vous allez le voir très rapidement dans l'aventure. Et les scènes musclées, voire même horrifiques, allant du charnier au peloton d'exécution en passant par la torture, ne manqueront pas. Même si on apprécie cette ambiance pesante/dérangeante et le désir des développeurs de varier les atmosphères, notamment grâce à de subtils jeux de lumières, cela ne suffit pas à cacher les carences en termes de réalisation. En effet, Spec Ops propose tantôt une réalisation correcte et tantôt un rendu assez décevant. La faute à la technique mais aussi à un aliasing persistant qui a tendance à irriter la rétine. Evidemment, il y des décors à la hauteur de la démesure de Dubaï mais ils sont assez rares et pour tirer taper franchement là où ça fait mal ; le titre de Yager n'arrive pas à la cheville des références du genre. Pour autant, le scénario fait parfois des merveilles et voir les soldats, Walker comme ses comparses, sombrer dans l'horreur de la guerre est un régal pour les amateurs de films dans la veine de Platoon ou Apocalypse Now, d'autant que le gameplay s'adapte lui aussi à l'état mental et physique de notre héros.
A la guerre, comme à la guerre
C'est bien l'approche psychologique de Spec Ops qui le différencie de la concurrence car au coeur de l'action, rien ne saurait le démarquer d'un autre TPS. On tire, on se cache grâce au système de couverture, pas toujours irréprochable d'ailleurs, et on pique les armes d'ennemis pas très malins qui compensent leur manque d'esprit par leur nombre ou leur armement. Comprenez-moi bien, les échanges de tirs sont musclés et saisissants, grâce à une panoplie d'arme classiques, mais efficaces, et des situations variées mais il n'y a rien de bien original là dedans, au point de même se demander si les développeurs ne se sont pas contentés de chercher l'originalité uniquement dans le scénario. C'est d'autant plus dommage que les espaces sont trop souvent restreints et la progression d'un lieu à l'autre, linéaire.
Le jugement dernier
Alors oui, vous allez shooter mais cela de manière on-ne-peut-plus classique. Heureusement, malgré la répétitivité de l'action, ce constat n'est finalement pas si grave puisque le coeur du jeu réside dans l'aventure que va vivre Walker. Et sans rentrer dans les détails, sachez que l'état psychologique de notre héros aura une influence directe sur le gameplay. Pour exemple, ses comparses critiqueront, à leur manière, ses décisions, même si elles ont des portées finalement très limitées, et Walker achèvera ses ennemis de différentes manières en fonction de sa tension. Des petits détails que l'on retrouve tout au long du jeu et souvent au coeur de l'action ou dans les dialogues qui renforcent l'aspect thriller ainsi que l'impact de cette descente aux enfers. J'en profite pour souligner la réactivité d'Adams et Lupo, les deux comparses de notre héros, qui sont efficaces en combat et qui informent avec brio des mouvements ennemis. On peut par ailleurs leur donner des ordres pour concentrer leurs tirs ou abattre des adversaires précis. Des atouts non négligeables au combat... Et puis vous verrez que leurs actions ainsi que leurs commentaires ne sont pas anodins mais je n'en dirai pas plus...
Pas de TPS sans multi
C'est l'aventure principale de Spec Ops : The Line qui restera dans vos mémoires même si vous comprendrez qu'il est difficile de sortir un TPS sans modes multijoueurs en 2012. Yager a donc remplit les quotas en proposant du jeu à plusieurs via différents modes. Death Match, Team Death Match, Mission à objectifs, etc. suffiront pour se faire la guerre dans des conditions correctes même si nous avons pu constater de légers lags pendant nos parties. Espérons que cela sera réglé d'ici la sortie officielle car Spec Ops propose aussi un vrai système de progression avec un contenu assez vaste d'armes et d'objets pour customiser ses avatars. Ses avatars car cinq classes sont disponibles à plusieurs et elles ont chacune un rôle propre. De quoi varier les plaisirs sur des cartes souvent bien fichues et qui profitent, tout comme dans le solo, du sable. Tirer dans une vitre qui soutient une masse de silice, et vous verrez vos ennemis ensevelis, par exemple. Amusant, non ?
L'approche de la guerre moderne proposée par Spec Ops : The Line est indéniablement originale. Et même si on comprend finalement assez vite où veulent en venir les développeurs, la manière dont le scénario est abordé est tellement fraîche et violente dans la forme qu'il est difficile de lui reprocher quoi que ce soit, sauf peut-être une mise en scène que l'on aurait aimé un peu plus percutante. Pour résumer, Spec Ops vaut le coup d'être joué, et même vécu si je puis dire, malgré certains défauts, comme une réalisation en deçà des standards, une durée de vie en solo très courte (5 à 6 heures) ou des joutes souvent trop classiques, qui viennent gâcher le tableau.