Les jeux vidéo South Park ont toujours été le talon d’Achille de la licence culte créée par Trey Parker et Matt Stone… même si le Mario Kart-like a ses fidèles. Mais après presque 20 ans d’attente, Obsidian Entertainment et Ubisoft ont prouvé qu’il était possible de faire des adaptations très réussies avec Le Bâton de la Vérité et sa suite l’Annale du Destin. Sept ans plus tard, les créateurs reprennent le flambeau en développant leur propre titre South Park Snow Day au sein même de leur studio. Est-il à la hauteur de ses prédécesseurs ?
Comment passer après les jeux d’Obsidian et d’Ubisoft ? C’est difficile et dès son annonce, South Park Snow Day ne s’est pas fait que des amis. En cause, le changement brusque de direction artistique par rapport aux derniers titres. Le parti pris esthétique a divisé, mais en revanche, les joueuses et joueurs ont été très contents d’apprendre que les vrais doublages français seraient bien présents. L’argument ultime pour vendre facilement le jeu ? Oui, mais à notre grande surprise, il n’y a pas que cela et le soft n’est pas la catastrophe redoutée. On a même passé un meilleur moment que sur Alone in the Dark, l’autre sortie THQ du mois.
De retour à South Park histoire de prendre un peu l'air !
Après avoir pris part à une guerre sans fin, opposant humains et elfes, et s’être déguisés en super-héros, Cartman, Stan, Kyle et Kenny doivent faire face à un événement météorologique terrible et inattendu. Un gigantesque blizzard s’abat sur la petite ville tranquille de South Park et met en danger la vie de ses habitants. L’étang est gelé, les routes sont bloquées et les gens se ruent sur le papier toilette au point de créer une pénurie. Un chaos total, qui fait des victimes, mais qui pourrait pourtant offrir à Cartman l’une de ses plus belles journées… si l’école élémentaire ferme suite à cette tempête du siècle.
Pour être sûr que cela produise, Éric prie Dieu avant de se coucher de « ne pas faire sa pute », et de faire en sorte que l’établissement soit bloqué pour au moins une journée. Un souhait qui se réalise et qui permet à l’enfant à l’ossature lourde de ressortir sa tenue de Grand Sorcier pour vivre une autre aventure en compagnie du « Nouveau ». Traduction : vous, moi, le joueur quoi ! Et c’est un nouveau jeu qui commence après l’abandon des deux précédents car des « connards » ont cherché à être trop puissants dans Le Bâton de la Vérité et L’Annale du Destin. Il y a donc une vraie continuité, et tout un aspect méta encore développé, avec un scénario écrit par Trey Parker et Matt Stone.
Ça se ressent dès les premières punchlines et les rires ne tardent pas à se faire entendre. Une écriture soignée pour une histoire et un jeu qui traitent principalement d'excréments, avec cette pénurie de PQ qui a transformé ce produit indispensable du quotidien en denrée rare. C’est donc très pipi-caca, mais en même temps, c’est ce qu’on vient chercher avec South Park Snow Day. Notre seul grief est que le titre ne prend pas le temps d’aborder d’autres thèmes chers à la série, hormis un passage sur la religion avec des dialogues bien crus et délirants.
Abstraction faite de ce bémol, c’est un pur régal de retrouver la bande autour de la table de guerre du petit gros, situé à Kupa Keep dans le jardin de sa môman, et de les écouter s’engueuler et s’insulter toutes les deux secondes. C’est d’autant plus fendard que ça y est, on peut enfin jouer avec la vraie VF. Pas de comédiens de substitution, vous reconnaîtrez les voix officielles françaises de Cartman, Kyle, Stan et Kenny, mais aussi d’autres personnages comme Butters, Henrietta… Sans surprise, ça fait toute la différence puisqu’oui, la série est connue pour être l’un des rares cas où la VF supplante totalement la VO - comme pour Les Simpson. Sur tout l’enrobage narratif, le jeu est une franche réussite.
Adieu les RPG, bonjour l'action-aventure en 3D
Si South Park Snow Day est une lettre d’amour à la série en matière d’histoire, de dialogues, de ton et de personnages, la direction artistique n’a plus rien à voir. C’en est fini du magnifique cel-shading, excepté pour quelques cinématiques, qui a été remplacé par des graphismes 3D classiques en essayant de coller le plus possible au matériau d’origine. Une catastrophe, tout juste acceptable ou une bonne surprise ? Ce n’est pas le naufrage entraperçu avec les bandes annonces, mais le cel-shading de South Park : Le Bâton de la Vérité et de L’Annale du Destin reste bien entendu un très gros cran au-dessus. Y compris en termes d’animation. C’est donc déroutant et quelque part décevant, mais pas suffisamment pour bouder notre plaisir. Car oui, étonnamment, réaliser ce test n’a pas été une corvée, alors que je partais comme beaucoup avec des aprioris bien négatifs.
Le jeu conçu en interne chez South Park Studios abandonne également la dimension RPG et la 2.5D pour un titre d’action-aventure en 3D. De ce fait, les combats se font à nouveau en temps réel et s’articulent autour d'actions très basiques comme un coup normal ou chargé, un court combo d’attaques ou un assaut aérien avec six armes au corps à corps ou à distance. La baguette magique digne d’une princesse peut enflammer les autres gamins, les deux épées privilégient la rapidité et le saignement des adversaires, tandis que le bâton de sorcier libère des boules de feu, etc. Ça manque quand même cruellement de fantaisie, contrairement aux pouvoirs que l’on débloque en jouant et en remplissant certaines conditions.
Le « Cheesing » permet de sortir le célèbre chat de South Park pour qu’il urine sur les enfants afin d’en faire des alliés temporaires. Le « Pet évasif » inflige du dégoût et sert à prendre de la hauteur pour résister aux agressions des autres sales gosses. C’est n’importe quoi, mais ça reste raisonnable. En effet, comme pour les armes, les pouvoirs auraient pu s’aventurer sur un terrain encore plus WTF. Le gameplay est clairement simpliste et absolument pas stratégique comme les RPG d’Obsidian et Ubisoft. Mais curieusement, ce n’est pas déplaisant, d’autant qu’il y a une autre mécanique qui s’invite, celle des Cartes. Le mode Histoire de South Park s’étend sur cinq chapitres avec, à la fin de chacun d’entre eux, un affrontement de boss. À chaque début d’épisode, on nous demande de sélectionner des cartes à jouer face à notre rival, qui ont des rangs de rareté (peu commun à ultra légendaire) et des niveaux. Il y en a plusieurs types.
D’abord les normales qui confèrent des buffs, tout pendant qu’on est vivant, comme infliger 40% de dégâts en plus si la santé est pleine ou des dommages supplémentaires en cas d’assaut aérien. Le niveau de celles-ci peut être amélioré si l’on trouve des « Cartes brillantes » dans des coffres, ou contre du PQ. C’est l’une des ressources primordiales qui permet, en plus, de défausser les cartes proposées lors du choix si elles ne vous inspirent pas. Ça apporte mine de rien un côté tactique qui peut faire la différence lors de défis ou avec une difficulté plus élevée.
Ensuite, il y a les cartes qui attribuent un troisième pouvoir (ex : désintégrer des ennemis avec des yeux laser, invoquer une escouade de serviteurs…), celles d’Henrietta qui peuvent augmenter le niveau de ces objets, changer la rareté ou encore accorder du PQ, et les « Cartes à la con » de l’ennemi. Elles ont pour objectif de renverser le cours de la bataille pour donner l’avantage à l’adversaire. Lorsqu’elles sont jouées, elles peuvent transformer nos armes en canne à pêche ou frite en mousse, voire équiper les gamins de sabres laser… avec des déplacements de Jedi en prime. C’est l’une des meilleures idées du jeu, qui atténue le côté plan-plan des batailles, mais quel dommage que ce ne soit pas encore plus recherché que cela. Les développeurs ont de la marge pour creuser cet aspect.
Un dindon en guise de menton, ça troue le c**
Les centaines de rouleaux de PQ récupérés sur le corps des enfants vaincus, ou via les items destructibles de l’environnement, sont donc indispensables pour les cartes. Mais l’on peut également collecter du caca pour améliorer des compétences. Il est ainsi possible de gagner en endurance, en vitesse de déplacement, de faire en sorte que les paquets de Cheesy Poofs consommés pour regagner de la santé soient plus grands ou de devenir plus enragé. Une mécanique qui garantit l’activation des pouvoirs mentionnés précédemment, lorsque l’on subit des dégâts ou lorsqu'on en inflige. Et si le chemin pris ne plaît plus, on peut demander le remboursement de la Matière Sombre pour réorienter les points vers d’autres aptitudes. Mine de rien, South Park Snow Day comporte plusieurs couches, même s’il n’invente rien et détourne juste des concepts vus et revus, en y apposant la patte WTF de la série originale.
Toutes les bulles narratives permettent d’oublier la progression répétitive des chapitres où l’on doit avancer de zone en zone au cours d’un niveau. En soi, ce n’est pas réellement gênant parce que les missions parviennent à se renouveler et que l’on rit des objectifs débiles que l’on doit remplir comme retrouver des albums de Taylor Swift, réparer des catapultes avec des capotes usagées ou voler les magazines porno des 6ème. Mais si vous jouez en solo et non en co-op, la structure peut vite taper sur les nerfs car un game over vous oblige à recommencer depuis le début - et c’est pareil si le personnage reste bloqué dans un décor comme ça a pu se passer à plusieurs reprises pour nous (sur PC). Même si vous avez atteint le boss final du chapitre.
On ressent un brin de difficulté artificielle pour masquer le fait qu’à plusieurs, le jeu doit pouvoir se boucler rapidement. C’est une expérience ramassée quoi qu’il arrive, mais avec des alliés qui réfléchissent, en opposition à une IA pas très affûtée qui peut mettre du temps à nous réanimer, c’est forcément plus simple. Si toutefois vous en voulez encore, South Park Snow Day offre un mode Horde via le DLC To Danse with Ravenous Shadows auprès d’Henrietta, et des défis « Pactes Infernaux » en retournant sur la campagne. Prolonger l’aventure au-delà servira aussi à agrandir votre garde-robe, en dépensant des Pièces Platine, pour se munir d’un menton testicules.