Nous sommes en 1999. Les accords aussi cristallins, qu'hésitants d'une guitare résonnent dans l'obscurité. Au loin, le râle lugubre d'une sirène. La brume qui avalent la peur et fait planer l'effroi. Silent Hill. Dès ses premiers pas, la série emprunta plus à la terreur psychologique façon Lovecraft, Bacon, Lynch ou l'échelle de Jacob d'Adrian Lyne, qu'aux trains hantés qui se contentent de faire sursauter à la Resident Evil. Mais près de 10 ans plus tard, l'effroi s'est-il dissipé ?
Tout commence par un cauchemar. Une entrée en matière où votre échine va sentir la fraîche morsure de la peur. Le ton est donné. Pyramid Head est là. Rodant dans l'ombre. Quelques bruits. Une lumière qui vacille. La rouille et le sang qui suintent des murs. Des clins d'œil au film de Christophe Gans. Dans les yeux effrayés d'Alex Shepherd, vous naviguez dans cet hôpital macabre. A bout de souffle alors que rien n'a pourtant encore vraiment commencé. Et pourtant, la ville de Silent Hill est encore loin. En effet, dès les premiers instants vous le comprendrez... la ville embrumée a laissé sa place à Shepherd's Glenn... autre ville embrumée ! Une relation entre les deux lieux ? Vous le découvrirez bien assez tôt. Contrairement à tous les héros maladroits des précédents opus, Alex est un militaire. Une manière de justifier la nouvelle prise en main, plus précise, plus nerveuse. Plus moderne. Mais nous en reparlerons plus tard.
Une ville dans la brume
À son retour dans sa ville natale, Alex apprend la disparition de son frère Josh et l'arrivée étrange d'un brouillard enveloppant la cité. Débute l'exploration et le début de la baisse de tension. En effet, si les premiers pas dans l'horreur s'étaient montrés plutôt convaincants, les heures suivantes s'apprêtent à alterner dangereusement entre tension extrême et lenteurs pesantes. La ville se montre un rien trop propre. Les cut-scenes généralement aussi mal amenées, que mal jouées. Oui, la folie plane, mais l'ennui vous saisit parfois aussi. Les rencontres avec les ennemis se révèlent étonnement contrastées. Parfois très simples grâce à la prise en main plus souple (parades, roulades, pas chassés), et soudainement très corsées à cause d'une difficulté étrangement paramétrée. Ce Homecoming ne marque pas un retour aux sources. Il tente le grand écart, essayant de plaire aux fans (des liens évidents, chaise roulante en tête), tout en se mettant à jour pour séduire les néophytes. La réalisation bénéficie d'une patine next-gen soignée... sans être néanmoins bluffante. On gagne en fluidité, et il n'y a plus de chargement entre chaque ouverture de porte. Mais si les précédents épisodes allaient chercher aux tréfonds de la PlayStation 2, ici on reste dans du plus classique. Si certains personnages se révèlent assez crédibles, d'autres se montrent tout simplement ratés, souffrant du syndrome pantins de cire. On gagne en finesse ce qu'on perd globalement en aspect viscéral. La brume se révèle même, paradoxalement, moins enveloppante. Moins dévorante. L'ambiance moins sombre. Plus propre. Moins inspirée surtout. Toute la différence entre le terrifiant Ring version japonaise, et le flippant Ring version US. L'art de la nuance.
Le purgatoire, plutôt que l'Enfer
Attention, Silent Hill Homecoming se révèle pourtant mieux fini que le précédent opus : The Room. Moins intéressant certes dans sa mœlle, mais ludiquement plus convaincant. Sans oublier les mélodies syncopées d'Akira Yamaoka, distillant une fois de plus cette ambiance sonore si déstabilisante. Ce qui gène, c'est de sentir que les développeurs ont souhaité appliquer une formule dont ils avaient apprécié les ingrédients, mais qu'ils ne parviennent ni à transcender ni même à totalement s'approprier. Il manque une âme. Un auteur. Ce quelque chose qui vous happe et vous fait dire que vous êtes ailleurs. Le problème de ce Homecoming réside ainsi dans son rythme syncopé. Alternance d'excellence et de classicisme lénifiant. Quelques fulgurances méritent de prolonger la descente... mais sachez que vous vous arrêterez au purgatoire. L'enfer, si ardent, que Silent Hill 2 avait clairement su appréhender, ne résonne ici que de manière distante. Votre coeur va battre. Mais il ne va pas tout rompre.
Reste un voyage horrifique anxiogène, mais clairement moins culte que les 2 premiers volets de la saga dont la fragilité, les doutes et la puissance immersive semblent aujourd'hui décidément bien difficiles à surpasser...