Sorti il y a un petit bout de temps sur PS 2, Shinobido est un clone de Tenchu, c'est-à-dire un soft d'action/infiltration mettant en scène des ninjas et des guerriers samurais. Vous savez, ces étranges bêtes de foire qui ont séduit les studios de série B américaine dans les années 80, et grâce à qui on a pu voir naître de somptueux nanars cinématographiques du style « American Warrior : Le Ninja Blanc ». Mais trêve de digression : aujourd'hui, c'est au tour de la PSP de connaître son heure de gloire avec cette conversion de Shinobido. Ou pas...
S'engouffrer dans le capharnaüm du Japon antique nécessitait la création ou l'ajustement d'un langage dramaturgique incompréhensible, sensé masquer la pauvreté affligeante d'un scénario stéréotypé. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je suis plutôt très fier de cette phrase très pompeuse qui signifie que derrière son intrigue faussement pérorée, se dissimule une histoire assez pauvre. Ici, vous incarnez un ninja, qui est une sorte de personnage drapé de noir ultra paranoïaque, dont l'obsession est de ne jamais se dévoiler aux yeux du commun des mortels. Enfin, s'il vous arrive d'en apercevoir un, il sera en règle général toujours trop tard pour en faire part à votre entourage... Car le ninja est très taquin, et comme le trotskyste, il trépigne à poignarder ses camarades dans le dos.
Une traversée lénifiante
Shinobido dispose d'une soixantaine de missions en mode scénario, organisée en arborescence à la manière d'un Gradius. Chaque niveau disposera d'un objectif spécifique allant de l'escorte de marchandise à l'assassinat, en passant par le vol d'objets. Dans ce clone de Tenchu, il faudra bien entendu se montrer très furtif dans ses approches, en guettant ses adversaires du haut des toits et en se tapissant le plus souvent possible dans la pénombre avant d'agir insidieusement. On dénoncera toutefois un principe trop répétitif et, surtout, des niveaux aux aires trop peu vastes comparées à ce que proposent les autres softs d'action/infiltration disponibles sur le marché. Ainsi, on traverse de façon lénifiante chaque épreuve en usant de la technique implacable de la progression par l'échec, sans vraiment réussir à s'imprégner de l'univers du jeu... Sachant que de nombreux défauts viendront en sus entacher votre plaisir vidéoludique.
Sors de ce corps Pierre Richard !
La maniabilité de votre perso souffre de nombreux bugs de détection de collision. Par exemple, il faudra souvent s'y reprendre à plusieurs fois pour se plaquer convenablement contre un mur en fourbe, ou encore atterrir d'une hauteur sans automatiquement rester suspendu à son rebord tel un vieux boudin sur une corde à linge. Ce qui demeure pourtant la façon la plus fréquente et la plus risible de se faire repérer par une sentinelle en faction. Quand à la vue de caméra : elle vous permettra d'aiguiser votre dialectique ordurière dans des situations pas très bandantes. En effet, elle ne se replacera jamais automatiquement derrière votre personnage et il faudra souvent abuser de la touche R pour y remédier. Si dans les phases d'infiltration peinardes on arrive à bricoler avec cette tare, en revanche, en situation plus tendue de combat ou de fuite, la steadycam a tendance à vénérer le cadrage hors champ. Résultat : on se prend tous les obstacles dans la tronche en courant, et les coups portés se transforment vite fait en "kata de la moulinette" dans le vide, tant il est difficile d'accrocher un adversaire.
Sors de ces corps Eve Angeli !
Pourtant, malgré cela, le jeu reste assez facile en termes de progression. Au regard de la technologie limitée de la PSP, on devine que les programmeurs ont tout juste pu caser l'émulation du cerveau d'Eve Angeli en guise d'intelligence artificielle. Ce qui explique leurs réactions particulièrement amorphes et naïves, comparables à celles d'un clown de cirque observant sans balbutier la tarte à la crème lui arrivant en pleine face. Sauf qu'à la place des tartes, il s'agira de placer des stealth-kills assez démonstratifs (décapitations, brisage de nuque...) en vous approchant discrètement de vos adversaires par derrière... tout comme le ferait un trotskyste à la personnalité sycophante, je vous le rappelle. Toute cette débauche de violence ayant pour but de vous conforter dans votre illusoire toute puissance. Par ailleurs, une panoplie de gadgets surréalistes (mines, grappins, leurres en forme de poussin mécanique...) viendra enrichir le gameplay de façon inutile, sachant que, de toute façon, il sera fort aisé de se débarrasser de ces belligérants à la simple force des armes de base.
Shinobidon ?
Même avec sa tripotée de modes de jeu (Multi en réseau, Missions, Histoire) et ses 36 combattants (à débloquer) enrichis en puissance par un système de "level up" archaïque, Shinobido n'arrive pas à convaincre le plus fervent fétichiste de la cause ninja. Car si un puissant respect unit les amateurs d'action/infiltration, le détraquement de leurs psychés leur interdisent pourtant irrémédiablement tout sentiment de satisfaction, tant la pauvreté graphique et la redondance de l'action auront raison de leur excitation de la première minute. Bref, comme dirait un illustre grand sage : "Ce qui se perd en contestation partielle rejoint la fonction répressive du vieux monde. Tous les pouvoirs se renforcent". A méditer... Ou pas. Bon ok, promis j'arrête le test de jeu sous saké...