Qui n'a jamais rêvé d'être Dieu, ou tout du moins un être supérieur qui aurait la liberté de créer ce qu'il veut autour de lui ? Etant moi-même dans ce cas, le jeu de 5th Cell est d'une certaine manière, le titre que j'ai toujours attendu, puisqu'il a pour principe de laisser le joueur libre de faire ce qu'il souhaite tout en lui conférant une sorte de sentiment de toute puissance. À condition de ne pas être analphabète bien entendu...
De nos jours, il est devenu rare d'avoir véritablement besoin d'expliquer le gameplay d'un jeu dans un test, tant il paraît généralement évidemment à la vue de quelques screenshots. Pourtant dans le cas de Scribblenauts, ne pas détailler les mécaniques de jeu est tout simplement impensable, puisque ce sont elles, et rien d'autre, qui confèrent au titre son originalité, et qui attisent la curiosité du joueur en quête du jeu différent qui le fera sortir de sa routine vidéoludique.
Le jeu de la liberté
Dans les grandes lignes, Scribblenauts est un simple puzzle game dans lequel on dirige Maxwell, un petit bonhomme au design simpliste mais fort sympathique, à travers une (grosse) quantité de niveaux, avec pour but de récupérer des étoiles qu'il obtiendra en surmontant les obstacles qui se trouvent devant lui ou en résolvant des énigmes. Jusque là, il n'y a rien d'épatant, on reste dans le basique du jeu de réflexion que l'on connait depuis des lustres. En réalité, l'idée de génie qui se trouve derrière Scribblenauts et qui est à la base de la mécanique du jeu, c'est que pour atteindre le fameux Saint Graal représenté en forme d'étoile, le joueur est totalement libre d'en choisir la manière.
J'écris ce que je veux
En effet, pour obtenir les ressources nécessaires à la réussite du niveau, il suffit d'écrire le nom des objets ou des personnes désirés pour qu'ils apparaissent comme par magie à l'écran. Là où l'on pourrait croire que le titre tournerait rapidement en rond à cause d'une limitation des possibilités, les développeurs ont au contraire apporté une énorme richesse et profondeur de jeu en intégrant une quantité d'objets qui donne le tournis (on parle de plus de 10 000 entrées). On peut créer tout et n'importe quoi. Du simple briquet en passant par la bombe atomique, ou même des choses beaucoup plus étranges comme un trou noir ou une machine à voyager dans le temps, les développeurs ont pensé à tout ou presque, dans la mesure de ce que permettent les lois du copyright. D'ailleurs, lorsque vous démarrerez le jeu, il est plus que probable que vous passiez une bonne heure à essayer les choses les plus farfelues sans tenir compte des objectifs que l'on vous demande, en constatant d'ailleurs avec stupéfaction que la plupart du temps, ça marche.
Le poids des mots
Du coup, pour un simple niveau, le nombre de manières de résoudre l'énigme est uniquement limité par l'imagination. Prenons un exemple concret : Un chat est perché sur un arbre et il faut le faire descendre. Pour cela, vous pouvez soit l'attirer au sol avec une souris, soit le récupérer avec une échelle ou bien taper dans le plus insolite en abattant directement l'arbre à l'aide d'une tronçonneuse et même, idée ultime, allez le chercher avec un ovni. C'est bien simple, vous pouvez faire ce que vous voulez, tant que vous en avez l'idée et que vous savez l'écrire. Vous n'êtes limité que par votre capacité à imaginer des solutions aux problèmes donnés, aussi diverses et tarabiscotées qu'elles soient. Les théoriciens du jeu vidéo qui me lisent auront d'ailleurs reconnu une certaine définition du fameux gameplay émergeant, qui permet de faire des choses que les développeurs eux-mêmes n'ont pas prévu. Maintenant, reste à savoir si son application, sur la longueur, est aussi phénoménale qu'on le souhaite.
Le plaisir de la découverte
Durant les premiers instants, on ne peut être qu'émerveillé devant cette nouvelle manière de jouer, et les possibilités infinies qui nous sont offertes. D'autant plus qu'en terme de contenu, le soft répond présent avec plus de 200 niveaux répartis sur dix mondes. On trouve deux catégories différentes. Il y a les niveaux "action" dans lesquels on doit juste emmener notre personnage d'un point A à un point B afin qu'il récupère la précieuse étoile, et les niveaux "énigmes", dans lesquels un problème très basique nous est posé. À nous de trouver la solution. C'est généralement dans cette dernière catégorie que l'on prendra le plus plaisir à essayer des choses biscornues, puisque les objectifs du genre : "faites une omelette", "démarrez la voiture" et autres "faites plaisir au Père Noël" sont tellement larges qu'ils laissent un éventail de possibilités et de délires sans limite. En ajoutant l'aspect défi basé sur le nombre d'objets matérialisés pour résoudre un problème (le but étant d'en utiliser le moins possible, bien sûr), des sortes de "Succès" liés aux objets choisis (pas d'arme, que des plantes, etc.) et un éditeur de niveau plutôt bien fichu, l'expérience s'avère plutôt complète.
Un scribe intenable
Dans un monde parfait, on aurait entre les mains le jeu de la décennie, à l'aise. Mais hélas, dans la vie, les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite. À force de se focaliser sur le gameplay et son incroyable originalité, on en avait oublié lors des différentes présentations auxquelles on a assisté, d'observer le reste, notamment la maniabilité. La maniabilité, ce truc que l'on pourrait croire inratable pour ce genre de jeu, et bien, c'est essentiellement là que le jeu pêche. En effet, le choix de la jouabilité entièrement au stylet rend régulièrement les déplacements de Maxwell périlleux. On tombe fréquemment, on se retrouve souvent coincé entre deux éléments du décor, et parfois, le simple fait d'empoigner un objet que l'on vient de faire apparaître devient compliqué. Quant aux déplacements à l'aide des différents véhicules du genre hélicoptère, avion ou autre, c'est très souvent la croix et la bannière. Ce n'est pas non plus catastrophique, mais c'est assez dérangeant pour venir troubler l'expérience.
Lost in translation
L'autre problème de taille du jeu n'est pas à mettre sur le dos des développeurs, mais des gars qui se sont occupés de la localisation. On se doutait que traduire autant de mots et les intégrer dans le titre, en tenant compte de leur particularité et de leur fonction, serait un véritable casse-tête où des erreurs subsisteraient forcément. Mais certaines d'entres-elles sont réellement gênantes et nuisent au gameplay. D'une manière générale, la catégorisation des objets selon leur nature n'est franchement pas bonne, et on se retrouve régulièrement à tâtonner dans les multiples choix offerts pour une même orthographe, jusqu'à ce que l'obtienne ce que l'on désire. Par exemple, pour faire apparaître un simple filet, il faudra essayer plusieurs propositions avant de voir apparaître l'objet que l'on désire réellement. Aussi, pour toutes les choses commençant par une lettre accentuée du genre "échelle" ou "électricité", l'accent doit être tapé, autrement le correcteur orthographique s'emmêle les pinceaux. Une fois que l'on comprend le problème, on le contourne sans difficulté, mais les premiers instants d'incertitude sont franchement désagréables (Quoi ? Y'a pas d'échelle ?). De même, je ne comprends pas que pour afficher une vraie passerelle, on doive écrire "échelle horizontale"... Faudra qu'on m'explique ce qui est passé par la tête du traducteur... Par ailleurs, pour savoir tout ça, il a fallu que j'aille fouiller dans les différents forums dédiés au jeu, ce qui vous en conviendrez, n"est vraiment pas la meilleure des choses pour l'immersion.
Au final, Scribblenauts est bien un jeu dans lequel on prend un certain plaisir à se sentir comme un Dieu créateur. Mais si l'incarnation d'une sorte de divinité est appréciable de part les possibilités de jeu totalement nouvelles que cela offre, on regrettera qu'il s'agisse d'un dieu épileptique que l'on a du mal à garder en place et qui, en cours de trajet vers la France, soit devenu dyslexique.