L'installation du jeu suit son cours. Le premier match, le seul accessible, celui de l'impatience, place sur le terrain le FC Séville et le Real de Madrid, vainqueurs respectivement de l'Europa et de la Champions League - une rencontre qui, dans la réalité, s'est soldée le 12 août dernier sur la victoire 2-0 des Merengues. Le coup d'envoi est donné. Les premières passes s'enchaînent. On retrouve quelque chose à la fois de posé et de percutant, les accélérations se ressentent bien, les transmissions demandent une estimation claire et rapide, ainsi que de la précision dans le geste, autant au sol que dans les airs. L'intelligence artificielle semble en mesure de répondre à nos sollicitations. Chaque dribble un peu cavalier, chaque frappe concluant une action nous rapproche de sensations que l'on croyait évaporées. Mais non, il s'agit bien de PES tel qu'on l'a connu à l'époque de son règne. Mais en version nouvelle-génération.

Génération 2015

Portée par une technologie beaucoup plus mûre, et un moteur Fluidity autrement mieux maîtrisé que sur un PES 2014 qui aura eu le rôle ingrat de brouillon old-gen, la simulation de Konami apparaît dans une forme éblouissante. Visuellement, ça transpire, de manière générale, une certaine classe. Bluffante dans la reproduction des gabarits et des visages de la plupart des joueurs présents dans sa base de données, comme il est de coutume avec la franchise, cette édition affiche une finesse visuelle, avec des éclairages de toute beauté, et une qualité d'animation difficilement attaquables. Enfin, les gestes un peu robotiques et les ralentissements inexpliquées ont disparu. Les collisions douteuses dans les différents types de duels ? De l'histoire ancienne. Tout en gardant sa physique de balle magique, qui permet de ressentir un véritable poids sur les transmissions et les frappes, la licence a enfin évolué techniquement. Non seulement cela permet d'avoir devant soi un beau jeu, baignant dans une superbe ambiance - à l'exception des commentaires de Grégoire Margotton et Darren Tulett fort peu convaincants - mais, en plus, cela bénéficie directement au jeu.

On est posey

L'ère de la philosophie bancale et de l'exécution discutable semble avoir été balayée d'un revers de la main de Dieu. PES a enfin renoué avec ses valeurs. Celles d'une simulation où les commandes réagissent certes au quart de tour (un bonheur d'immédiateté après des années de latence) mais où la lutte se révèle âpre, pas forcément agréable dans les premiers instants par son inertie et cette impression que la conservation relève de l'exploit dès lors que l'on essaie de progresser vers la zone de vérité adverse. Même des fusées vont éprouver les pires difficultés à déborder ou à partir dans le dos des défenseurs. Il faut dire que contrairement à ce qui se fait chez le concurrent, ceux-ci sont privilégiés. Le double pressing, les tacles au timing somme toute tolérant, l'I.A. générale rarement décevante, avec un gardien capable de parades dingues, et le rééquilibrage dans la vitesse font qu'une attaque réussie, quelle que soit sa forme, constitue d'abord l'exception. Avant que la maîtrise de plusieurs facteurs ne pointe le bout de son nez et qu'on finisse par avoir ses repères. Voire qu'on crie YOLO en ajustant le moindre paramètre en gestion manuelle, pour une liberté absolue. Et quelques maux de tête.

Question de feeling

Les passes ont besoin que l'on trouve la bonne direction et le bon dosage sous peine d'interception ou de ralentissement systématique de la circulation du cuir. Les changements de direction du porteur doivent s'anticiper en fonction de la course du défenseur qui nous fonce dessus, tout en prenant en compte que la course le rend fébrile. Les frappes ne peuvent, à l'exception des enroulées excentrées vers le second poteau et des ras de terre molles, souvent mortelles, finir au fond des filets sans applications. Quant aux dribbles, arriver à balancer des tricks aux stick droit où il faut et quand il faut va demander une grande pratique - hormis pour le sombrero un peu simple. Déjà, apprenez à maîtriser la touche R2 pour les courses plus saccadées en petit périmètre... Bref, il est d'abord question de retrouver sa sérénité et son style avant de repenser sa manière de porter le danger chez l'adversaire. Une fois la courbe d'apprentissage bien entamée, et à condition de pratiquer contre quelqu'un niveau équivalent, on ne constate plus qu'un jeu fluide, joliment rythmé, spectaculaire sans être exagéré, sans fioritures. Crédible, en somme. Même si on notera souvent de petits temps d'arrêts de l'arrière-garde sur des passes en profondeur un peu trop parfaites. Des réminiscences d'un passé lointain qui ne sont pas systématiques mais peuvent entamer la foi, par moments.

Le vent du changement

A tout cela s'ajoute des aménagements ou des détails qui rendent le tout toujours plus agréable. Les keepers, qui ont vraiment gagné en jugeote, peuvent désormais dégager instantanément après un blocage de la sphère, avec un supplément feinte de relance savoureux. Les touches se jouent vite, les coups francs et corners jouissent du système de mémoire, à l'aide R2, pour garder une trajectoire (visible mais désactivable) et les penalties piochent du côté de ISS 64, avec gestion analogique de la direction choisie, pour une tension insoutenable. L'arbitre a aussi eu droit à sa dose de Juvamine. Peut-être un peu trop laxiste, désormais, il contribue néanmoins à laisser parler les actions plutôt qu'à siffler à tout va et hacher le tout comme c'était encore le cas dans la précédente mouture. Impossible enfin de ne pas évoquer l'aspect tactique, incroyablement étoffé et mieux pensé. A l'image de menus révolutionnés façon tuiles Windows/Xbox, ils permettent une navigation plaisante, avec des changements et aménagements personnalisés de façon très pointue sans que l'on peste sur l'ergonomie. En vue d'affiner votre style, vous ne pleurerez pas en y passant quelques minutes d'affilée.

Licence quatre

Si l'on occulte une mise en scène encore un peu timide, notamment dans le domaine des célébrations, le terrain convainc quasi-totalement. Et le contenu ? Ça va, merci. On pourra encore et toujours revenir sur l'histoire des licences, que malgré un nombre de clubs, d'équipes nationales et de ligues pléthoriques, va encore nous pousser vers l'éditeur de joueurs, matos et stades. Enfin, la Champions League et l'Europa, je regarde bien dans mon téléviseur, c'est bien la saison. Ce genre d'enrobage, ce n'est pas rien. Et puis si vous aimez le football sud-américain ou asiatique, vous trouverez aussi votre bonheur. Pour ce qui est des effectifs, ils s'adapteront aux mises à jour hebdomadaires en ligne, avec état de forme et fatigue pris en compte. De fait, on devrait pouvoir se montrer indulgents. D'autant que, solo ou entre potes, vous pouvez aussi vous rassurer : vous allez avoir de quoi vous amuser.

La troisième mi-temps

Outre les matchs d'exhibition simples, vous allez pouvoir replonger dans toutes ces ligues, championnats et coupes qui permettent de se sentir surpuissant vis-à-vis d'un CPU qui présente 6 niveaux d'opposition, le dernier se montrant parfaitement intraitable. La Ligue des Masters revient toujours aussi plaisante et sans grand chambardement, le Vers une Légende également et on a enfin droit à plusieurs mini-jeux d'entraînement pour réapprendre les bases. En ligne, difficile de juger de la qualité exacte sans que l'on puisse avoir affaire aux serveurs. Seront-ils à la hauteur ? On le souhaite car les enjeux des divisions et compétitions connectées, celle du jeu en équipe jusqu'à 22 acteurs sur la pelouse sont énormes. Quant au MyClub, son potentiel est certain. Caréné pour absorber chaque minute de votre vie dans les Abysses du plaisir, il vous propose une expérience complète à tenter de trouver un équilibre entre gestion, alchimie d'effectif avec entraîneur et stratégie, tout en pimentant via du scouting qui débouche sur des acquisitions aléatoires et de nouveaux remaniements. Avec des rencontres aussi bien directes que simulées face aux autres concurrents pour monter en puissance.

J'en profite pour ajouter un élément qui vaut son pesant de cacahuètes : le mode entraîneur, qui permet littéralement de passer en mode Football Manager (oui oui, avec des petits pions vus du dessus et juste des consignes à donner) en permanence est accessible dans TOUS les modes solitaires. Autrement dit, même si pad en mains vous n'êtes même pas du niveau de Fred à la dernière Coupe du Monde, vous pouvez encore vous prendre pour un Mourinho virtuel.

Le cas Xbox One

Il va falloir se faire une raison : les joueurs Xbox One ne sont pas logés à la même enseigne. Dès le premier match lancé, on prend conscience que Konami n'a probablement pas souhaité se focaliser sur une. Donc oui, le rendu est moins propre, comme celui de Metal Gear Solid V : Ground Zeroes. L'effet d'escalier est bien présent et on distingue des flous pas artistiques du tout et un peu déstabilisants sur les panneaux publicitaires et le public.


Notre comparatif PS4 vs Xbox One


Le traitement n'est pas le même mais est-ce que cela rend le jeu plus mauvais ? Non, cela fait juste un peu de peine à celles et ceux qui ont opté pour le monolithe de la firme de Redmond et donne une indication que l'éditeur japonais ne souhaite peut-être pas mettre plus de moyens dans une autre console, sachant que la marque que l'on associe le plus aisément à PES reste PlayStation, depuis un bon moment.

Plus de suspense : le kiff est total. Pour le plus grand bonheur des fans de ballon rond, Konami s'est réveillé et est parvenu à proposer, du premier coup, un jeu de foot de qualité sur cette nouvelle génération de machines, autant sur le plan visuel qu'au niveau du gameplay et du contenu. Le plaisir vient avec la pratique et la courbe d'apprentissage ramène à une époque où celui que l'on appelait le Messie régnait sans partage. Sauf que cette fois, il s'agit surtout d'une alternative, quelque chose de différent d'un concurrent autrement plus versé dans l'immédiateté et le jeu direct. Match nul entre les deux références actuelles, en somme. Mais FIFA va, néanmoins, devoir faire attention à ce que le feeling PES ne devienne pas celui qui plaît le plus, comme au début de la décennie précédente... Et là, on a hâte d'être à l'année prochaine.