Persona, spin-off de Shin Megami Tensei, a toujours été une licence de niche. Populaire, certes, mais elle ne parlait clairement pas à tout le monde. Ca, c’était avant Persona 5, un véritable phénomène salué par la critique et les joueurs. Le jeu est un succès immédiat et il impose de nouvelles règles à la licence, un nouveau standard selon Altus. Direction artistique complètement folle, personnages ultra attachants, bande-son de malade… tout y est. La machine Persona est alors lancée, et Atlus en est bien conscient. Persona 5 se déclinera en plusieurs spin-offs et le studio en profitera parallèlement pour ressortir ses vieux jeux du placard avec des remasters et l’annonce du remake d’un des jeux les plus populaires de la saga : Persona 3.
Connu sous le nom de Shin Megami Tensei : Persona 3, le jeu original est sorti chez nous en 2008, ça date. Il recevra une extension quelque temps plus tard, avant de finir par avoir un premier remake sur PSP.Chaque version a ses petites nouveautés, mais toutes proposent la même chose dans le fond. Puis arrive l’annonce de Persona 3 Reload, remake ultime qui a pour mission de le mettre à jour au même niveau que le cinquième épisode, tout en permettant à un large public d’en profiter pleinement. Le résultat est plus que convaincant, mais pas totalement.
Un remake mérité
Faire du neuf avec du vieux, c’est la grande tendance. On mange du remaster et des remakes à toutes les sauces, parfois pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Heureusement, Persona 3 vise le haut du panier. En réalité, il l’atteint même sans forcer. Il faut dire que le matériau d'origine était tout de même sacrément solide. Personnages hauts en couleur, trame aussi sombre que prenante et réflexion meta à gogo… S’il y a bien un jeu qui méritait un remake, c’est celui-là. Pour l’époque, c’était une masterclass et aujourd’hui, ça fonctionne toujours aussi bien, même si Persona 5 a mis la barre sacrément haute. Inutile de tourner autour du pot, l’élève n’atteindra jamais le rang du maître. Persona 5 vole sacrément haut et P3 Reload n’arrivera pas à s’y hisser. Il n’empêche qu'il lui colle aux basques de très très près.
La première raison à cela, c’est que la mise en scène a pris un coup de vieux. Remake oblige, TOUT a été revu de A à Z. C’est fini les plans fixes et le côté point and click des journées lycée, désormais, comme pour P5, on se déplace librement. La caméra prend ses aises et l’on peut découvrir l’univers de Persona 3 sous de nouveaux angles inaccessibles jadis. Ça, c'est hyper chouette et ça change totalement la donne. On explore les lieux mis à notre disposition et on se régale de ces nouveaux graphismes fins et réussis. Le hic, c’est que la mise en scène narrative, elle, n’a pas bougé d’un iota (à quelques exceptions près). Du coup, l'écriture paraît beaucoup moins fignolée que Persona 5, qui est ouvertement un modèle pour ce remake, soyons clairs.
Quitte à tout reprendre depuis le début, un coup de polish sur la narration, les détails et la façon d'amener les événements n’aurait pas été de trop. Ici, Persona 3 accuse son âge, même si le rajeunissement offert par cette version Reload est indéniable. Sans oublier que quelques surprises vous attendent et viendront étoffer le tout, mais là-dessus, motus et bouche cousue, je ne vous gâcherai pas la surprise.
Ce que nous raconte Persona 3 (spoiler du synopsis)
Qu'à cela ne tienne, je chipote quand même beaucoup parce que ce Persona 3 Reload est sacrément bon. Son intrigue vous tiendra en haleine des dizaines d’heures, ses personnages sont tous hyper attachants et sa personnalité est intéressante. Créer des liens sociaux se fera le plus naturellement du monde, et c’est tant mieux puisque c’est la base de la plupart des Persona. Dans Reload, on incarne un jeune ado (impossible de changer de sexe comme dans P3 Portable) qui débarque dans une toute nouvelle ville et pose ses valises dans un dortoir un peu spécial.
Dès son arrivée, bien qu’il ne semble pas en tenir compte, quelque chose d’étrange se passe. La rue est jonchée de cercueils et l’on est accueilli au dortoir par deux jeunes femmes armées. On va rapidement apprendre qu'en réalité, tous les jours à minuit, le monde s’arrête durant ce que l’on appelle l’Heure Sombre. Durant cette période, la plupart des êtres humains sont figés dans des cercueils, les quelques rescapés quant à eux, se retrouvent pourchassés par des monstres, les Ombres. Enfin, certaines personnes non impactées par cette Heure Sombre ont le potentiel de révéler leur Persona, de puissantes entités. Ce sont eux qui combattent chaque nuit (ou presque) les Ombres en essayant d'infiltrer une gigantesque tour, le Tartare, qui apparaît elle aussi chaque nuit. C’est ainsi que commence notre nouvelle année scolaire et croyez-moi, le lycée va être le cadet de vos soucis.
Lycéen le jour…
Comme dans l’original, on devra donc jongler entre la vie de lycée, les amis, les romances, les cours et les exams… et la vie nocturne de chasseur de monstres. La phase diurne s’apparente à un jeu purement narratif. On explore plusieurs lieux (centre commercial, lycée, rue de commerçants…) et on va tisser des liens avec d’autres personnes, que ce soit des personnages principaux ou non d’ailleurs. L’objectif ici est de faire monter ses statistiques sociales, ce qui aura un impact direct sur notre psyché et donc, nos Persona.
C’est en bavardant avec des camarades, en travaillant le soir au resto, en allant chanter au karaoké ou encore en suivant assidûment ses cours que l’on s’améliore à tous les niveaux, renforçant nos liens et nos capacités. Atlus a d’ailleurs ajouté quelques activités inédites à faire avec nos camarades (jardinage, lecture, etc.). La recette fonctionne, et si les journées se ressemblent parfois, c’est à vous de choisir ce que vous voulez faire. Les journées sont généralement divisées en trois gros morceaux : le matin/début d’après-midi où les cours sont donnés, la fin de journée après le lycée où l’on peut faire ce que l’on veut, et le soir où l’on a le choix de rester dans le monde réel ou de partir à l’assaut de la titanesque tour nocturne durant l’Heure Sombre.
C’est à vous de décider, mais il faudra prendre en compte le calendrier, puisque les jours défilent et ont tous leur lot d'événements dans le monde réel ou l’autre dimension. Si vous avez du mal à choisir, vous pourrez toujours regarder les choix effectués par les autres joueurs en ligne, une fonctionnalité présente dans P5 mais totalement inédite sur Persona 3.
Quoi qu’il en soit, la recette fonctionne à merveille, elle n’a plus besoin de faire ses preuves. Si beaucoup d’entre vous l’ont découverte avec Persona 5, vous ne serez absolument pas dépaysés pour le coup, tant on sent l’influence de ce dernier. Mais Persona a toujours été comme ça, en tout cas, P3 l’était et l’est toujours dans ce remake.
Ça veut donc dire deux choses : la première que les fans vont très clairement accrocher. La seconde, c’est qu’il va falloir faire avec la lenteur générale de la progression. Persona 3 Reload prend son temps. S’il donne plus rapidement accès à la plupart de ses mécaniques que ne le fait P5, par exemple, pour les non-initiés au genre, ça peut frustrer. C’est un jeu qui ne fait aucun compromis et qui a une idée, une vision de ce qu’il veut proposer et il s’y tient. Ce n’est pas une mauvaise chose, loin de là, il faut juste savoir dans quoi on se lance pour pleinement en profiter.
… tueurs de monstres la nuit
Les phases nocturnes, quant à elles, sont la partie action du titre. C’est là que l’on sera amené à affronter des ennemis par paquets de 10 en essayant de faire la lumière sur ce qu’il se trame réellement durant l’Heure Sombre. Ici, Persona 3 opte pour le dungeon crawler une nouvelle fois, à la différence que l’on a qu’une destination : le Tartare, une immense tour qui n'apparaît que la nuit.
La plupart du temps, le soir, on aura donc le choix de partir à l’assaut du bâtiment en embarquant des acolytes avec nous. Le donjon se présente comme une succession d'étages à parcourir. Les couloirs changent à chaque session et l’on sera donc poussé à aller toujours plus loin en essayant de déverrouiller un téléporteur (qui fait office de checkpoint) pour reprendre l’exploration depuis un étage plus élevé. Sur le chemin, on affrontera bien entendu des Ombres à tour de bras et quelques boss, marquant généralement un palier à franchir. Sur le papier, c’est sympathique et facile à comprendre, mais dans les faits, on ne va pas tourner autour du pot, c’est d’une redondance incroyable.
Le Tartare de ce Persona 3 Reload ne casse pas des briques
Persona 5 avait été critiqué à sa sortie pour la conception de ses donjons, la plupart étant assez vides malgré tout et pas toujours excitants à parcourir. Mais ils avaient le mérite de changer d’atmosphère à chaque fois, sans compter qu’il y avait parfois des petites choses pour casser la routine. Ici, non. On court dans des couloirs vides la plupart du temps, on tabasse quelques ennemis en grattant des coffres et puis c’est tout. Les environnements claustrophobiques changent (heureusement) de temps en temps, mais n’ont pas grand-chose de mémorable. Comme à l’époque en somme et c’est bien ça le problème. Quitte à faire un Remake, pourquoi ne pas faire une refonte de ce qui est certainement le seul gros point noir de cet opus ? Bonne question.
Finalement, le Tartare est aussi passionnant à parcourir que ne l’était le Memento de Persona 5. C’est labyrinthique et vide., dommage. Heureusement, quelques nouveautés sont à noter comme les Portes Monade, d’immenses portails qui cachent des Ombres surpuissantes, mais également des butins très rares, notamment des costumes, mais pas que. Atlus nous donne également la possibilité de courir dans le Tartare. Alors, dit comme ça, ça ne paraît pas, mais ça sauve carrément la vie puisque parfois on aura plus vite fait de tracer à travers l’étage jusqu’à l'escalier pour passer au suivant, que de se perdre dans les couloirs pour deux potions cachées dans un coffre. Globalement donc, le Tartare est une déception à quelques petites surprises près. Manque de bol, c’est ici la colonne vertébrale du jeu, on est forcé d’y passer de très, très nombreuses heures.
Persona reste Persona
Heureusement, le système de combat casse la baraque. On est une nouvelle fois sur du tour par tour avec la particularité de pouvoir enchaîner les attaques tant que l’on assomme un adversaire. Pour ce faire, il suffit simplement de l’attaquer sur ses points faibles pour le briser. D’ailleurs, une fois tous les adversaires au sol, on peut faire une attaque combinée surpuissante appuyée par une mise en scène graphique du plus bel effet, c’est hyper classe.
Nouveauté inédite également, la Théurgie, une attaque extrêmement forte que l’on pourra déclencher après avoir fait grimper la jauge adéquate au maximum. Il suffit pour cela de faire quelques actions spécifiques en fonction des héros (coup critique, utiliser des attaques, etc.). Pour le reste, Persona 3 Reload reste assez classique. On pourra contrôler chaque personnage nous-mêmes (une nouveauté inédite de l’opus original, mais ajoutée avec P3 Portable), utiliser des objets, etc.
On peut également faire appel aux Persona, ces puissantes entités qui donnent leur nom à la licence. Persona 3 a d’ailleurs une façon bien à lui d’invoquer ces créatures puisque nos héros doivent carrément simuler leur suicide d’une balle dans le crâne pour les faire apparaître. C’est hyper déroutant au départ, mais ça a son explication (chut), et surtout, ça donne un cachet tout particulier à ces invocations. Ça prend aux tripes en fait, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Peut-être parce qu'ici aussi, encore une fois, la mise en scène visuelle tabasse, il n’y a pas d’autre mot.
À la fin des combats, on aura également l'occasion de tirer une carte si tout s’est bien déroulé. On pourra ainsi gagner des bonus comme de l’or, de l'expérience ou des buffs, mais aussi capturer des Persona que l’on pourra invoquer par la suite ou améliorer et même fusionner entre elles pour les rendre plus puissantes. Il en existe plusieurs dizaines, toutes très différentes, et il y a un véritable intérêt à les bichonner. Une fois encore, le studio a harmonisé les menus avec ceux de Persona 5.
D’ailleurs, toute l’interface et les jeux de caméra ont été repensés pour être dans les mêmes tons. C’est une vraie volonté du studio, il ne s’en cache absolument pas, et ça fonctionne du tonnerre. Ça a beaucoup de style et c’est suffisamment clair pour s'y retrouver.
Refonte générale
Même son de cloche dans les menus globalement. Tout a été revu et repensé pour former une sorte de continuité avec P5. Ce qui est amusant, c’est qu’à l’époque, c’est Persona 3 qui a imposé les bases de la série. Désormais, la franchise a un nouveau modèle et ce P3 Reload joue le jeu à merveille.
Le titre conserve ses tonalités majoritairement bleues et mélancoliques du jeu originel, mais y ajoute une patte artistique franche et maîtrisée, directement importée du cinquième volet de la licence. Ça fonctionne hyper bien et d’ailleurs graphiquement Persona 3 Remake est franchement beau. Même les fans de la première heure prendront un plaisir fou à redécouvrir chaque lieu et chaque personnage.
D’ailleurs, Reload a également profité de cette refonte pour revoir le design de ses héros et de certaines créatures. Les thèmes et les apparences sont conservés, mais grandement modernisés. Le résultat fait des merveilles et les personnages principaux ont tous plus de charisme les uns que les autres. Même son de cloche pour leurs Persona d’ailleurs. Le reste du bestiaire quant à lui ne surprendra pas vraiment les fans de la première heure puisqu'on retrouve globalement les mêmes monstres que dans les jeux précédents (et Shin Megami Tensei). Celles et ceux qui débarqueront de Persona 5 quant à eux seront en terrain archi-connu puisque le design n’a pas changé d’un iota. On note toutefois quelques monstres inédits au character design toujours réussi.
Une OST absolument divine
Il n’y a pas de doute là-dessus, Persona 3 Reload n’a pas volé son titre de remake. La refonte graphique est complète, et l’on peut (re)découvrir le jeu de A à Z sous son meilleur jour. Même la bande-originale a pris un coup de jeune. Les chansons d’origine ont toutes été réarrangées, une nouvelle interprète a été recrutée, et on a même le droit à des morceaux complètement inédits. Impossible de rester de marbre face à l’OST.
C’était déjà une grande force de l’opus d’origine, et Atlus signe une fois encore une bande originale de qualité. Les morceaux restent en tête, nous entraînent ou nous prennent au ventre. Même les thèmes les plus rébarbatifs, ceux que l’on entendra en fond sonore lors de certaines activités par exemple, sont prenants. À n’en pas douter, les plus fines oreilles pesteront peut-être sur le réarrangement d’une ou deux musiques, mais il faut franchement être difficile.
D’ailleurs, si les musiques ont été retouchées, certaines cinématiques y ont eu le droit également. Je n’entrerai pas dans les détails, mais quelques nouvelles perspectives se sont glissées ici et là, sans oublier la refonte globale des scènes animées, comme l’ouverture, tout aussi culte, mais peut-être un poil moins percutante. Ça dépend des goûts de chacun.