2001. Les gamers amoureux de vert et de kaki découvrent les joies de la guerre virtuelle sur PC avec Operation Flashpoint. Le coup d'essai de Bohemia Interactive, petit développeur tchèque, est un coup de maître. 2009. Dragon Rising, développé cette fois par Codemasters, voit le jour. Une suite "officielle" qui repose sur la réputation de son aîné, mais qui risque d'avoir du mal, elle, à entrer dans l'Histoire...
Développée par les anglais de Surface, l'intro pour le moins dynamique de Dragon Rising pose le background - sans grande originalité - du jeu. Sur l'île imaginaire de Skira (220 km²), détenue officiellement par les russes mais envahie par une armée de libération chinoise qui conteste cette légitimité, les Etats-Unis débarquent en force, désireux de rétablir rapidement la paix et d'éviter un conflit d'une plus grande envergure (et puis si ça permet de faire main basse sur quelques puits de pétrole, c'est tant mieux). Vous voilà donc à la tête d'une escouade de trois US marines - en contact constant avec votre QG - pour mener à bien un total de onze missions placées sous le signe de la prudence exacerbée. Car la guerre a ceci de moche qu'elle tue.
Une certaine richesse...
Assez peu impressionnant graphiquement, si ce n'est pour la qualité générale de ses paysages, Dragon Rising étonne surtout par sa relative complexité pour un titre console. Les premiers pas dans le jeu sont certes douloureux, avec des mises à mort rapides et qui paraissent souvent injustes, mais le système d'ordre radial proposé ici se révèle étonnamment fourni. Appuyez sur RB, et différentes règles d'engagement, d'espacement entre vos hommes, d'attaque, de mouvements ou de défense deviennent ainsi sélectionnables, pour tirer le meilleur parti des trois soldats qui vous accompagnent. De façon assez incompréhensible toutefois, aucun tutorial ni aucune mission spécifique n'explique au joueur comment utiliser au mieux ce système d'ordres qui apparaît pourtant essentiel en solo et, dans les faits, on n'a pas souvent l'occasion d'en tirer le meilleur parti, jonglant finalement modestement entre les ordres basiques que sont "Allez" et "Suivez-moi" (ce qui n'empêche pas de terminer la plupart des missions !). Dommage. Reste qu'avec une soixantaine d'armes disponibles, des véhicules par dizaines et des missions réclamant reconnaissance du terrain aussi bien que discrétion ou attaques éclair, le gamer adepte du genre devrait en avoir pour son argent. Oui, mais...
... Et une vraie frustration !
Le problème de Dragon Rising, c'est que plus on y joue, plus ses défauts crèvent les yeux. Esthétiquement, d'abord, le jeu ne fera pas l'unanimité, avec ses décors redondants de collines et de forêt, sa végétation en 2D dont vous pourrez apprécier les textures assez grossières lorsque vous avancerez en rampant, et ses modélisations sans génie... et de surcroît peu diverses. Les développeurs sont ainsi allés jusqu'à vous faire accompagner de paires de soldats "clonés" sur certaines missions ! Moi qui suis sensible au souci du détail, je trouve que ça ne fait pas très sérieux. Du côté des combats, et pour peu que vous supportiez de mourir souvent d'une et une seule balle pour soutenir la démarche réaliste du jeu, attendez-vous à une kyrielle de bugs de comportement. Passons sur l'éternel soldat allié qui ne trouve rien de mieux que de se placer dans votre ligne de tir, pour évoquer un pathfinding parfois plus que douteux (véhicule allié qui tourne en rond sans trouver son chemin, soldat qui effectue un détour que vous n'aviez pas prévu...), des ennemis qui restent pétrifiés alors que vous arrivez en courant à côté d'eux, ou au contraire qui vous repèrent alors que vous approchez furtivement et en rampant à plus de 20 mètres dans des herbes hautes, ou encore ces moments où les soldats qui vous accompagnent bougent de la même façon que vous, répétant presque exactement vos gestes, notamment lorsque vous rampez. Il y a aussi ce moment fabuleux où, alors que le véhicule que je conduisais s'était retourné, le jeu a décidé de me faire mourir alors que je me "téléportais" hors de celui-ci. Ajoutez à cela une gestion physique des éléments plus que modeste (impossible de pousser un bidon pour qu'il roule sur une pente, arbres qui restent debout sous des salves d'obus...), ainsi que des scripts rigides (annonce au QG qu'un point ennemi a été éliminé alors qu'on l'a contourné, pour justement éviter toute confrontation) et vous comprendrez que l'on puisse parcourir le jeu d'un air parfois dubitatif. Surtout que Dragon Rising souffre de quelques faiblesses de gameplay, notamment un effet de profondeur de champ un peu trop prononcé sur certains zooms - un flou gênant quand on vise des têtes d'épingle -, et l'impossibilité de se pencher sur le côté, une option pourtant bien pratique pour éviter de trop s'exposer depuis un abri.
Abort mission ?
Les fans de la première heure de la série le savent bien : les vraies suites d'Operation Flashpoint s'appellent Armed Assault et ArmA II, développées elles par Bohemia. Des titres qui, malgré leurs défauts, proposent une immersion à nulle autre pareille, notamment grâce au suivi d'une communauté habitée par une vraie ferveur, et un multi qui transcende l'expérience proposée. Un multi qui, sur Dragon Rising, joue également un rôle essentiel, et permet de s'affranchir non seulement d'un système d'ordres, on l'a vu, peut-être un peu trop complexe, et qui sera en tout cas généralement sous-utilisé, mais gomme aussi les errements d'I.A. des membres de votre équipe. Difficile, au final, de s'emballer pour un titre qui multiplie autant les approximations et qui, sous couvert de réalisme, se révèle surtout frustrant... mais pas mauvais. Presque curieusement, en effet, on a toujours envie de retourner sur le champ de bataille où l'on s'est fait trouer la peau, pour essayer de nouvelles tactiques, tenter de nouvelles approches (notamment en utilisant ou non certains véhicules)... Il est vrai que l'on ressent avec Dragon Rising des sensations inédites sur consoles, avec ces moments où l'on court, le coeur battant au rythme des vibrations du paddle, pour espérer échapper à un tir d'artillerie qui soulève la terre et semble devoir rendre sourd, ou ces avancées pas à pas où l'on vise des ennemis à plus de cent mètres... Certains, assurément, y trouveront leur compte, et prendront un pied monumental. La plupart des joueurs, toutefois, feraient bien de tourner sept fois leur Mk16 dans leur bouche, même si ça fait mal, avant de se laisser tenter.
S'inspirant du travail de Bohemia Interactive jusque dans ses bugs - avec toutefois moins de profondeur et de talent - Codemasters nous livre avec Operation Flashpoint : Dragon Rising un titre imparfait mais habité d'un vrai souffle épique, proposant divers outils qui feront le bonheur des stratèges en herbe (système d'ordres complet, carte stratégique indiquant les positions alliées et ennemies en temps réel...). Avec onze missions seulement (+ 6 épreuves bonus ; vous pouvez en débloquez certaines en vous rendant sur le site officiel du jeu), nombreux sont les joueurs qui tenteront différentes tactiques sur une même carte, surtout s'ils ont la chance de jouer en multi. Notez enfin que si le mode Normal vous fait profiter d'une interface bien pratique (positions ennemies sur le radar, indication des points de passage conseillés...) et fait ressusciter vos hommes à certains points de contrôle, ce n'est plus le cas en Hardcore, un mode qui s'affranchit de tout indice visuel, et n'accorde pas à vos hommes le pouvoir de Jésus Christ. Mais là, il faut vraiment les avoir bien accrochées...