Killer7, dernier jeu marquant de Suda51, m'avait vraiment foutu une énorme claque à l'époque, avec son gameplay complètement rudimentaire qui ne cachait pourtant pas longtemps l'immense qualité de sa formule, ses mille et une trouvailles, son ambiance complètement hallucinante et son scénario de dingue... Quel pied c'était ! No More Heroes en est le digne héritier, mais commençons par le commencement.
Flashback... Session Brainstorming chez Grasshopper... Suda 51 a des trucs à dire à son équipe... "Bon les mecs, on va faire un nouveau jeu qui tue. Faudrait un héros cool, mais vraiment cool hein. J'ai pensé à un sabre laser à la Star Wars. Est-ce qu'il y a plus cool qu'un sabre laser, franchement ?? Il aurait une belle gueule aussi, mais ce serait un raté de première le mec, c'est plus marrant ! ... Hein ? Comment un gros naze peut avoir un sabre laser ? Heuu, disons qu'il le chope aux enchères sur eBay ! Vendu ? C'est bien con ça, j'adore. Bon, et le mec, faudrait qu'il se fasse un trip à la Kill Bill, on va faire une série de bons boss comme dans Killer7, faut qu'il les bastonne tous les uns après les autres pour devenir le plus grand assassin du monde ! ... Sa motivation ? Attendez je réfléchis... Disons qu'il est baladé par une gonzesse, genre ultra bien gaulée, sexy, qui lui fait miroiter une nuit torride ! Vous voyez ? Bah ouais, le gars c'est un otaku de base, au fond, un puceau qui mate des vidéos de cul ! Il a le radar à 200 !"
Travis, roi de la baston
Le pitch du jeu, sorti du cerveau alambiqué de Suda 51, est ainsi résumé en quelques minutes au lancement d'une nouvelle partie. Ensuite, le joueur est directement balancé dans le "donjon" du premier tueur de la liste, le numéro 10, en plein dans l'action... Car s'est bien d'action qu'il s'agit : des combats au sabre laser, au kilomètre, des centaines et des centaines d'ennemis à démonter furieusement dans des niveaux au level design plus que simpliste. Des couloirs remplis d'ennemis, avant d'attaquer finalement un boss classieux et coriace, voilà le programme. Sauf que la patte Suda 51 ressurgit toujours pour nous faire esquisser un sourire satisfait, avec un délire à la con (genre renvoyer une balle de base-ball avec le sabre pour exploser une série d'ennemis disposés en ligne), ou encore une trouvaille de génie (on met la wiimote sur l'oreille pour entendre une conversation téléphonique avant chaque boss). A côté de ça, le système de combat est franchement plus entraînant et surtout défoulant que celui de Killer7... On nous fait bouger le bras, mais pas trop non plus : on sors les combos en tapotant le bouton A, avant d'achever l'ennemi d'un coup fatal, mimé à la main dans une direction imposée. Chaque finish lance une roulette jackpot pouvant faire entrer quelques secondes Travis dans un mode "Ténèbres" jubilatoire en temps limité (ennemis au ralenti, explosion, ondes d'énergie...). Une autre subtilité tient dans les deux gardes (haute et basse) qu'on adopte en inclinant la wiimote, car il faut user d'une attaque haute pour parer une garde basse, et vice versa. Viennent s'ajouter les coups de latte qui sonnent l'ennemi, histoire de placer des... prises de catch ! Enfin, l'énergie du sabre n'est pas éternelle et il faudra le recharger en mimant un mouvement de masturbation !
Bienvenue à Santa Destroy
Entre chaque assassinat, qui demande à chaque fois un droit d'entrée de plusieurs centaines de milliers de thunes, Travis usera de son temps pour se balader librement dans Santa Destroy, à pied ou au guidon de sa moto super classieuse. Il ira choper des missions d'assassinat bateau, ou même des jobs à la con (ramasser les ordures, tondre la pelouse, faire des pleins à la station essence...), histoire d'amasser assez de billets verts. Ces derniers pourront également être dépensés plus ou moins futilement (fringues, lunettes, séances de muscu, nouveau sabre laser, etc.). Voilà pour l'inspiration GTA. Ne vous attendez pas pour autant à une ville gigantesque et à des challenges à ne plus savoir qu'en faire : on est évidemment très loin de San Andreas par exemple (c'est même moche et saccadé parfois), mais le propos n'est pas là, on baigne dans une ambiance extraordinaire et dans un délire ambiant, perceptible par petites ou grosses touches plus surprenantes les unes que les autres (j'allais presque oublier de vous dire qu'on sauvegarde en allant chier un coup, ou qu'on apprend de nouvelles prises de catch en regardant des vidéos !)... Et tout cela ne prend sens que lorsqu'on le voit comme un tout, délicieusement empaqueté dans un emballage au design irrésistible.
Crédits illimités pour Goichi !
Autant dire qu'à mon humble avis, No More Heroes est une vraie perle. Une expérience qu'on se doit de pratiquer quand on aime les jeux vidéo. Parce qu'il incarne une espèce de prise de risque qui n'existe plus, parce qu'il représente l'aboutissement, l'oeuvre sans concession d'un artiste vidéoludique dont les traits de génie et l'imagination débordante ne semblent pas avoir de limites. C'est un bonheur de voir que des jeux de ce calibre peuvent encore trouver grâce aux yeux d'un éditeur et sortir tels quels. Il est bien différent de Killer7 (qui reste peut-être mon préféré...), un peu plus grand public, certes moins "couillu" dans le concept, mais aussi plus fun à prendre en mains, plus ouvert, et tout aussi marquant que son aîné, finalement. Je ne sais pas vous, mais moi j'adorerais m'infiltrer chez Grasshopper et participer au brainstorming du prochain titre chapeauté par Suda 51 !