C'est un parc d'attraction entièrement consacré à Nintendo. Si cet endroit existait vraiment dans ce monde, on y serait tous en ce moment. Il est plein de Mii, d'accord, mais c'est aussi le jeu qui va nous faire découvrir le GamePad. Un projet de domination du monde, à nouveau.
Un parc d'attraction Nintendo ? J'y vais. Tout le monde ira. Ou tout du moins la moitié de l'humanité qui aura choisi un pack Premium. C'est ce jeu emblématique, choisi pour flotter dans les têtes comme Wii Sports le fut pour la Wii. Il ne faut pas sous-estimer ce sentiment réconfortant de l'avoir gratos... même si c'est faux, car tout se paye un jour. Gratos ou pas, mon intuition me dit que cet assemblage de mini-jeux sera sans doute plus amusant que les millions de mini-jeux cosmo-pourris, payants ou non, qui trainent sur l'App Store. Sur une douzaine d'attractions présentes, ça serait bien la mort s'il n'y en avait pas quelques unes de mémorables. En plus de rassurer les acheteurs sur l'utilité du GamePad, Nintendo doit prouver qu'ils sont toujours les premiers sur ce créneau très galvaudé, presque martyrisé, du mini-jeu (même s'ils évitent soigneusement d'utiliser ce terme publiquement, probablement parce qu'il est jugé réducteur).
Les bons jeux aux bons moments
J'ai toujours trouvé que le coup de génie pédagogique de Nintendo, c'était d'avoir au moins un jeu explicatif de lancement, un véritable "tutogame" auquel tout le monde, public comme développeur, pourrait se référer. Pour moi ce jeu, c'était WarioWare. Le "Touch" nous avait expliqué si soigneusement comment Nintendo allait dominer le monde de la portable à coup de stylet, tandis que la version Wii nous apprenait à manipuler la Wiimote dans tous les sens possibles. Toute la puissance des WarioWare, c'était de proposer des jeux compréhensibles qui ne nécessitent aucun tutorial. Finalement, c'est Wii Sports qui est devenu cette propagande vidéoludique, un véritable phénomène qui, de publicités en plan marketing, s'est terminé en Franck Dubosc qui joue cul nu à "la Wii Bowling".
La Ninty family
Lourdes responsabilités donc pour Nintendo Land. On sait d'avance qu'il sera inégal. Les multi-jeux c'est comme pour les films à sketches : il y a forcément de meilleurs réalisateurs que d'autres. Certains vont mieux réussir à faire monter la sauce. C'est vraiment à la gueule du client. Heureusement, Nintendo a soigné l'emballage en utilisant pour tous les jeux un univers de la mythologie de l'éditeur. Donkey Kong, Zelda, Mario, Luigi's Mansion, Metroid, Animal Crossing, et même Balloon Fight sont appelés à témoigner de l'héritage de la firme. Et Takamaru le Ninja sera là pour faire plaisir aux nostalgiques des jeux Disk System. Ils ont ratissé large : même la pieuvre de Game & Watch revient faire un tour après un joli caméo dans le dernier Smash Bros. L'univers est là : les musiques, les graphismes frisant parfois l'auto-parodie. Même le hub central est génial de références une fois rempli de memorabilia qui se débloquent. Le seul truc qui manque, ce sont les héros, toujours remplacés par les inénarrables Mii.
Génération Mii
Ah les Mii. Les putains de Mii. On va pas leur faire de procès au détour d'un test de Nintendo Land où leur présence se justifie. Mais qui les aiment encore, en 2012 ? Quand ont-ils pris le pouvoir et se sont substitués à la gueule des vrais héros ? Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ? A vrai dire, je suis un peu cruel avec eux: ils sont facile à différencier, leur corps tubulaire ne requièrent pas énormément de ressources et, si ça se trouve, il y a encore des gens qui s'amusent encore de les voir, déguisé en Link ou en Metroid. Simplement, je grince des dents à l'idée d'avoir à les regarder encore pendant un quinquennat entier.
Tous copains
Dans les jeux en multi, le GamePad est systématiquement un joueur un peu spécial. Un peu vedette, grâce à son écran, il peut voir les choses différemment. Il est un joueur comme les autres mais avec une arme un peu différente. Dans le multi pur et dur, il est l'archer d'une troupe de Link dans Battle Quest, il est la navette dans Metroid Blast ou le Captain Olimar dans Pikmin Adventure. Son rôle est un peu différent mais dans l'ensemble, il cherche à faire la même chose que ses potes qui se voient sur la télé : traverser des niveaux, flinguer des boss. Toujours un découpage de missions. Le GamePad n'est alors traité que comme une variante de la Wiimote, rien de plus. Le Zelda nécessite d'ailleurs des Wii MotionPlus tandis que Metroid promet un beau bordel pour retrouver les Nunchuk. Heureusement que ce n'est pas mon matos (Nintendo Land a été testé sur place), rien qu'à l'idée de retrouver des piles, j'en fais une jaunisse.
"freaking awesome"
Les trois autres jeux en multi, ceux de la coopération, sont autrement plus jouissifs. C'est même le clou du spectacle. Ils reposent largement sur des concepts débroussaillés par Pac-Man Vs sur Gamecube. Et il n'y a pas de mal à faire ça, c'est Shigeru Miyamoto lui-même qui avait supervisé en son temps le jeu Namco. C'est le cache-cache 2.0 : le mec qui joue à la tablette peut voir ce qui se passe globalement sur son écran perso, pour mieux se planquer, tandis que les autres doivent se contenter de la télé et de leur champ de vision réduit. Le joueur au GamePad, c'est le Pac-Man pourchassé par quatre adversaires. Le fendage de gueule est garanti. La variation de Luigi's Mansion met le joueur à la tablette dans la non-peau d'un fantôme qui voit tout et peut même mettre K.O ses rivaux. Justement, eux ne le voient que s'ils braquent leur lampe-torche pile sur sa gueule... C'est si prenant, si tendu... une merveille. Enfin, Sweet Days reprend les bases de l'univers d'Animal Crossing pour mettre le joueur au Gamepad dans la peau de deux chasseurs, fourchettes et couteaux en mains, qui vont devoir contrecarrer les maudits gars à la Wiimote. Ces loustics-là vont en effet tenter d'engloutir 40 bonbons qui les rendront à chaque fois plus lourds, donc plus lents... donc plus vulnérables aux deux personnages chasseurs manipulés par le porteur du GamePad. Ce dernier devra par ailleurs faire preuve d'une certaine dissymétrie avec ses doigts puisqu'il faut gérer les deux sticks analogiques indépendamment à la fois (un stick par personnage chasseur). Mais que d'éclate ! Ces trois jeux constituent à eux seuls le patchwork ultra bien conçu qu'on attendait, un avant-goût de ce qui devrait débarquer massivement au cours de la vie de la console. D'ailleurs, si vous n'aimez pas un de ces jeux, faites autre chose, mais n'achetez pas de Wii U : ils sont les jalons que suivront quantité d'autres jeux cherchant à tirer partie de ce fameux "gameplay asymétrique".
Solo dodo
Le reste des jeux est uniquement en solo, donc forcément plus conventionnel. Va-t-on y jouer souvent, sachant qu'ils font chacun l'apologie d'un élément nouveau apporté par le GamePad, sans même proposer d'échanger ses scores sur internet ? J'aime le simili Balloon Fight par pure nostalgie, mais finalement, on ne fait que bouger un perso avec beaucoup d'énergie, au stylet (soit dit en passant, quel grand concept : faire de l'imprécision des déplacements la raison d'être du jeu). Plus "figé", le Fruit Cart de Yoshi est une manière intéressante de montrer l'intérêt d'avoir deux écrans pour s'amuser en solo : on ne voit pas les obstacles sur le grand écran mais on va devoir tracer au stylet son itinéraire. Super ? A chaque jeu sa tâche à remplir. Octopus Dance sert à appréhender l'espace tout en battant le rythme. Le Ninja Castle où l'on envoie des shuriken en frottant la tablette va surtout servir dans les publicités TV car c'est l'application la plus visuelle. Next. Crash Course (from DKC) nous rappelle à quel point l'accéléromètre et le micro pour souffler dedans peuvent être frustrants à cause de leur manque de précision. L'envie de jeter le GamePad n'est jamais très loin. Et le F-Zero est un modèle de gadget qui n'aurait mérité que 4 secondes dans un WarioWare.
Le retour de l'arcade
Justement, là où WarioWare n'a jamais eu besoin de tutorial, Nintendo Land en propose 12, un par jeu. Et ils sont tous assurés par "Monita", un moniteur parlant à la voix la plus agaçante du jeu vidéo. C'est inimaginable : on a connu des bébés pleurant dans des avions qui sont moins crispants qu'elle. Mais s'il n'y avait que ça... Malgré le niveau de finition des jeux, c'est ce genre de reproches qui revient en tête. Par exemple, il n'y a pas de décompte de points entre ses potes. Ok, on joue pour jouer ,mais ce n'était pas si compliqué à inclure, non ? Pas d'invitations à se refourguer le beau rôle du GamePad. Du coup, on lance des "Hé c'est à mon tour de vous chasser", à l'ancienne. Über convivial, mais étrangement peu abouti. En fait, Nintendo Land n'est qu'une démo technique proposant quelques jeux géniaux mais rien n'est fait pour y retenir les gens plus que raison. Si tout le monde sera d'accord sur le fait que personne ne fait aujourd'hui des mini-jeux comme Nintendo, on se demande alors pourquoi ils n'ont pas un peu plus poussé pour donner un peu plus envie d'y rester, dans ce parc ? En plus d'être une démo technique, Nintendo Land, c'est le jeu pour le jeu, jamais très éloigné dans l'idée du fun convivial que l'on retrouvait sur les toutes premières consoles. Un parc d'attractions où il n'y a jamais la queue.
On se la joue contrôle technique. Allez, on fait le calcul. A 50 € la galette, ça fait 4,16666667 € par jeu donc... Allons bon, c'était pour plaisanter. A l'exception du shooting de Ninja et du F-Zero, tout est valable ici. Les meilleurs jeux, ceux qui tirent parti des spécifités de la Wii U, sont excellents, suffisamment pour donner envie d'aller chercher 4 (!) Wiimotes et tout un lot de piles. Et une fois que tout est prêt, on peut se lancer dans Nintendo Land, un assemblage évidemment inégal mais qui, par moments, tutoie le génial. Alors invitez des potes, vous ne les voyez jamais assez de toute manière. Achetez des Pépito et du Coca. Ce soir, Nintendo a décidé de vous faire oublier Wii Sports.