Reverrons-nous un jour un RPG qui propose des outils de Maître du Jeu comme le cultissime Neverwinter Nights ? Bonne question, mais en tout cas, ce ne sera pas avec Neverwinter le MMO F2P de Cryptic et Perfect World, qui reprend la licence D&D et l'univers des Forgotten Realms, pour nous offrir un gameplay... Comment dire ? Asseyez-vous, ça va prendre du temps.
Oyez, oyez aventuriers de toutes races, de tout bord, de tout horizon ! La ville de Neverwinter est encore en ruine (une fois de plus) ! La reine liche Valindra complote, alors même que nos ingénieurs s'efforcent à reconstruire la splendide cité, divisée et affaiblie par les orcs, les morts-vivants, les démons et les rebelles qui attaquent de toutes parts ! Aventurier, venez chercher la gloire et la fortune en aidant Neverwinter à renaître de ses cendres. Je vous assure que pour vous, ce sera une partie de plaisir comparé au challenge offert par d'autres jeux. Ah oui, ne nous voilons pas la face : le plus gros danger que Neverwinter affronte ces temps-ci n'est pas sorti du Manuel des Monstres de la dernière édition de D&D. Il vient tout droit de l'esprit tortueux des designers de Cryptic. Il prend deux aspects redoutables : le déséquilibre total, et la trop grande facilité.
Posons le décor
Neverwinter est une bien jolie ville, découpée en quartiers qui jalonneront votre progression. Vous débuterez dans une zone sûre où toute l'activité sociale se déroule dans la joie et la bonne humeur. Des marchands, une banque, un hôtel des ventes, des négociants spéciaux échangeant des marques collectées contre des objets rares, une écurie, des tableaux d'affichage de quêtes, des héraults annonçant les événements... Même un conseiller en équipement ! Le F2P de Cryptic offre décidément tout le confort nécessaire d'un bon MMO, voire mieux. Même l'interface et la prise en main des contrôles "action" sont quasi parfaites. À ce niveau-là, beau boulot ! De plus, le jeu est vraiment très joli, avec certes l'avantage qu'il ne s'agit que de grosses zones pas streamées, mais on ne peut pas reprocher grand-chose visuellement, à part que ça manque un peu de vie hors monstres qui se baladent. Même la musique est pas mal, elle est juste un peu saoulante à force. On notera aussi du lag pour certains (c'est de moins en moins fréquent) et quelques crashs malvenus.
Simple, complet, efficace
Neverwinter est donc globalement très agréable à jouer. Il propose six races, quatre classes (et d'autres à venir), une sélection de dieux officiels et des spécialisations... Le gameplay des combats est bien pensé. Le bouton gauche et le bouton droit servent à des attaques de base (qui peuvent être modifiées en progressant). On peut aussi déclencher trois compétences (avec là aussi un choix qui s'élargit sur la durée), qui se rechargent rapidement. Deux grosses attaques complètent la panoplie : elles sont activables quand une jauge en forme de Dé 20 est pleine. Celle-ci se remplit en tuant des monstres. Simple non ? Rajoutez quelques touches pour les consommables les plus utilisés (potion de vie, buff en tout genre) et vous voilà avec un "build" efficace. Des compétences passives vous apporteront quelques bonus supplémentaires, sans oublier l'équipement très détaillé que l'on peut enchanter. Bon point : si le matos vert "peu commun" se trouve partout, le bleu "rare" se montre vraiment rare, pour une fois.
Tout le monde tue
Avec ce beau personnage bien buildé (pour ne pas dire "bien monté"), vous allez dégommer du monstre à la chaîne. Le guerrier défensif est le tank du groupe : il possède un bouclier qui lui permet de très efficacement bloquer de nombreuses attaques. Celles-ci sont directes ou représentées par des marques rouges sur le sol. Les autres classes seront avisées de s'en éloigner au plus vite. Le guerrier offensif s'occupe des dommages infligés à de larges grappes d'ennemis. Le clerc est là pour soigner, cela va de soi. Le sorcier gère principalement du Crowd Control et du dégât. Quant au voleur, c'est monsieur "dégâts par seconde" (il désarme aussi les pièges, car il y en a dans Neverwinter, mais tout le monde s'en fout). Voleur, c'est la classe que je joue, et c'est un peu le godmode dans un titre déjà trop facile.
Stoppé dans mon élan
Quêtes & instance, tout est prévu pour les solo dans Neverwinter. On peut bien sûr jouer en groupe, mais à quoi bon ? On va tout aussi rapidement seul. Absolument rien n'arrête votre personnage si ce n'est le rangement de votre sac et parfois un choix difficile au niveau de l'équipement (+60 en frappe critique ou +120 en déviation, ahannn je sais paaaas). Les zones ouvertes à tous, que l'on parcourt de dix niveaux en dix niveaux, proposent en plus des "escarmouches", c'est-à-dire de grosses bastons à 5 joueurs contre des vagues de monstres extra-balèzes, et des donjons un peu plus longs à terminer pour le même style de groupe, pas plus. Eh bien, figurez-vous qu'il aura fallu attendre le niveau 35 sur 60 pour connaitre mon premier échec contre un Boss de fin de donj' : un vilain dragon vert. Pas qu'il fut difficile (lui non, ses amis qui débarquent en permanence un peu plus), mais nous n'étions pas préparés. Ça surprend dans Neverwinter ! Prenez un vrai groupe de guilde, habitué aux raids, pouvant communiquer et s'organiser, et ils n'en feront qu'une bouchée. Et je crains que ce soit pareil jusqu'à la fin du jeu.
MMO sweet MMO
Et il est tout à fait possible que j'y parvienne, car malgré ce défaut majeur, Neverwinter se montre extrêmement plaisant à parcourir. Le dynamisme de ses combats, l'univers D&D respecté autant qu'ils le pouvaient par les devs de Cryptic, le confort de jeu... Tout donne vraiment envie d'y replonger, certainement pas pour le challenge PvE, ni pour le PvP quasi inexistant, mais juste pour le fun et le plaisir de tout défoncer. Cela dit, en milieu de parcours, une autre ombre se dessine au tableau. La boutique virtuelle, jusqu'alors moyennement discrète (voire déjà assez envahissante), commence à faire des gros appels du coude. Le confort diminue à bien des égards avec comme seule solution un déboursement de vrai argent.
Virtuellement concret
Prenez le cas des runes d'enchantement par exemple. Celles de niveau 1 ne sont pas terribles, mais en combinant 4, vous avez une rune de niveau 2, et ainsi de suite. Bien sûr vous avez un tas de runes avec des effets variés. Et ça fait un bordel dans votre inventaire ! Or, il est très difficile de trouver des sacs supplémentaires. On en gagne de temps en temps en progressant dans la quête principale. Mais ça ne se fabrique pas, et ça ne se vend pas. Sauf à la boutique virtuelle. On peut aussi s'interroger sur le design des zones de quêtes ouvertes, très bien pensées en début de jeu, mais qui multiplient les allers-retours longuets un peu avant le niveau 30, justement quand on peut acheter son premier cheval. OK, on peut se le payer avec la monnaie normale, que l'on a en abondance, vu la facilité de Neverwinter. Mais ceux de la boutique sont tellement mieux ! Et puis on ne nous offre que deux emplacements de personnage, et tous les services s'avèrent plutôt chers. C'est un petit peu agaçant à force.
La plume et l'enclume
Heureusement, Neverwinter possède quelques atouts au-delà de son aspect sympathique et défouloir. Tout d'abord on peut trouver de la vraie difficulté, si on fouille un peu dans The Foundry, la Forge. C'est l'outil qui permet de fabriquer ses propres aventures : dialogue, choix des monstres, création de cartes, déclenchement des événements spéciaux, test de compétences, etc. Il existe déjà de nombreux scénarios imaginés par la communauté, facilement accessibles, mais pas forcément bien notés. Les joueurs de Neverwinter ont tendance à surévaluer les quêtes testées, et pourtant ils n'ont pas de Doritos. On y trouve donc des petites perles vraiment hardcore (et va-z-y que je te balance dix vagues de monstres super durs d'affilée), comme des navets mal écrits.
On attend notre révolution
Si vous êtes organisés et roleplay, cet outil ouvre de nombreuses voies vers des sessions peinard entre potes, avec des missions conçues pour votre groupe ou votre guilde. C'est un aspect communautaire puissant qu'il ne faut pas sous-estimer, surtout pour un F2P ! Cependant l'ombre de Neverwinter Nights plane toujours et cette Forge, qui existait déjà dans le titre précédent de Cryptic, Star Trek Online (réputé lui aussi pour sa communauté), j'aurais bien voulu en voir la version 2.0 ! Oui, de vrais outils de Maître de Jeu disponible dans la Forge, quoi. Si seulement un MJ pouvait sauter d'un PNJ à l'autre pour en assumer le contrôle, faire apparaître des adversaires en direct, et tout un tas d'action de ce type... Peut être Cryptic y réfléchit-il ? Peut être sont-ils sur le coup, pour plus tard ? En tout cas, à ce moment-là, on aura notre F2P du siècle.
En attendant, on se tape gentiment du porte/monstre/trésor sans trop s'ennuyer grâce au dynamisme des combats et au plaisir du jeu global, sans vraiment s'exciter. Vu que l'image était bonne, je vais sans honteusement reprendre un commentaire que j'ai fait sur Twitter : Neverwinter est l'équivalent en jeu vidéo d'une bonne sieste. C'est agréable, ça rafraîchit, ça fait du bien aux vieux casuals comme moi, mais ce n'est pas pour tout le monde. Maintenant, ce n'est pas mon boulot de dire s'il est possible de rajouter les outils de MJ à la Foundry ou non, mais je peux juste assurer que cela transformerait ce F2P en machine à fric petit bijou.