Si vous attendez le renouveau de la licence Naruto Clash of Ninja sur Wii, il vous faudra encore patienter. Ce nouvel opus qui déboule affublé du titre prometteur de Revolution III sent plutôt le réchauffé, comme un ramen de la veille, voire du jour d'avant. C'est presque une coutume chez Tomy qui n'a quasiment pas touché à un cheveu blond du ninja turbulent depuis ses débuts sur GameCube.
Si chaque opus procède à une mise à jour des persos, de l'histoire et à quelques réglages de gameplay, c'est sensiblement la même chose à chaque fois. Ce nouvel épisode s'adresse d'ailleurs essentiellement aux habitués de la licence et n'est pas généreux en explications ou autres tutoriaux. Si vous n'êtes pas aguerri, il va falloir apprendre seul et à la dure !
Les jeux sont faits
Loin de la révolution promise déjà par trois fois, cet épisode reste immuable dans son principe comme dans son gameplay et nous renvoie presque dix ans en arrière. À la différence près qu'ici, l'histoire se base sur la période Shippuden, comme tous les jeux Naruto depuis quatre ans. Vous l'aurez compris, ce nouveau clash des ninjas n'a rien de très frais, ni de très original. Le jeu propose toujours des combats dans des arènes en 3D pouvant contenir jusqu'à quatre combattants, et offre une panoplie de coups variés mais relativement basiques . On dispose de coups faibles et forts que l'on peu lier en combos, ainsi que d'attaques spéciales nommées jutsu. Tous ces coups varient en fonction de la direction imprimée au pad ou à la wiimote. Sur ce point, signalons tout de suite que la wiimote est à éviter pour ce jeu. L'action est déjà parfois confuse, mais si l'on y ajoute l'approximation des coups générée par la wiimote, ça devient vite le chaos. C'est dommage, car pour une fois le duo wiimote et nunchuk propose une fonction permettant de remplir la jauge de chakra grâce à des petits mouvements secs imitant les gestes d'invocation que font les héros du manga. Plus anecdotique qu'indispensable. Une preuve que Clash of Ninja n'évolue guère et peine à intégrer le gameplay Wii à cette ancienne déclinaison de la licence.
Rien ne va plus
Quel que soit le mode de jeu choisi parmi les classiques Histoire, Chrono, Survie et consorts vous n'aurez qu'un objectif : mettre K.O. tous vos adversaires. Pour cela, le meilleur moyen est d'utiliser une routine simple : frapper l'adversaire pour remplir la jauge de chakra et lâcher un jutsu dévastateur quand l'ennemi est à portée... Oui, sauf que le déclenchement des jutsu est tellement téléphoné qu'il faudra systématiquement le placer dans un combo pour qu'il passe. Faute de quoi vous vous jetterez dans le vide et vous retrouverez dos à l'adversaire, la goutte au front. Afin de ne pas sombrer dans le bourrinage intensif, le jeu repose également sur un système de permutations. On disparait au moment où l'adversaire nous frappe pour ressurgir derrière lui. Cette action a pour conséquence de vider la jauge de chakra ce qui empêche momentanément toute tentative de jutsu. Le choix entre attaque ou défense peut donc s'avérer décisif.
Que la chance soit avec vous
Si cet aspect apporte une once de stratégie, la grande rapidité des affrontements empêche de vraiment en tirer profit. De plus, la même touche étant affectée aux permutations et aux esquives latérales, les ratés sont nombreux. L'ennemi peut surgir en une seconde, et ce que l'on voulait être une esquive devient une disparition... Et avec le chakra, s'envolent alors nos espoirs de victoire. De même, il est possible de poser des shurikens explosifs pour piéger l'adversaire ou de se cacher derrière des bûches et autres rochers qui jonchent l'arène, pour le prendre à revers... Mais sérieusement, à part des joueurs qui n'ont pas lâché le pad depuis dix ans, qui va trouver le temps de se servir de ces subterfuges ? Tout va tellement vite qu'on peut se retrouver face contre terre en deux séries de combos... Un jeu offre généralement plusieurs niveaux de jouabilité comme un livre propose plusieurs niveaux de lecture. Là, c'est comme s'ils avaient oublié le premier. On est à fond dedans ou pas du tout, mais ce Naruto ne fait pas dans la demie mesure.
Passe, impair et manque...
Le jeu s'articule principalement autour d'un mode Histoire qui retrace les aventures de Naruto à son retour d'entrainement avec Jiraya, au moment où l'organisation Akatsuki projette d'envahir le village du sable. On progresse au travers de combats aux objectifs imposés et de séquences de dialogues en version américaine, pour le moins insipides et nasillards. Loin de nous faire découvrir le monde de Naruto dans la joie et l'allégresse, le mode Histoire est une véritable source de frustration et de pétages de plombs. Au début tout va bien, on commence avec des combats en un contre un, puis on explore toutes les configurations possibles : à deux contre un en tag ou en coop et à trois contre un, soit quatre personnages se chiffonnant simultanément dans l'arène. Ce principe a toujours eu quelque chose de confus, mais c'est une des particularités de la licence. Le jeu reste cependant fluide et pêchu, même si vu la simplicité des graphismes affichés, ça aurait été un scandale qu'il en soit autrement. Donc pas de surprise de ce côté là. Le calvaire commence lors d'un combat à deux contre un où il faut remporter la victoire en réalisant la technique Sharingan de Kakashi. D'accord, comment fait-on ? Rien dans la liste de coups, très minimaliste, rien dans la notice non plus, qui comme d'habitude fait trois pages... Je quitte donc la partie pour le mode entrainement avec Kakashi et en avant la débrouille ! Une fois la technique assimilée, je retourne en découdre dans le mode principal. Mais placer le Sharingan, qui exige de se figer près de l'adversaire en attendant que le coup se charge, ce n'est pas gagné, et Il faudra attendre un coup de chance pour que ça passe enfin.
C'est la banqueroute !
La séquence suivante aura définitivement raison de ma bonne humeur et de ma clémence. Imaginez : vous dirigez Grand Mère Chiyo, qui se bat avec des marionnettes, à la limite de l'impotence, reliées par de longs fils. Elle est empoisonnée et perd continuellement de l'énergie. Face à elle, un butor super actif nommé Sasori qui enchaine au corps comme un dératé, possède de puissantes attaques à distance et peut même jeter un sort qui inverse les commandes de la manette... Quoi que l'on fasse, Chiyo se fait punir à bout portant pendant que ses marionnettes trainent, inanimées, à l'autre bout de l'arène. N'en jetez plus ou c'est mon pad qui va traverser la pièce ! Bien sûr, on finit par y arriver... Mais ça se fait dans la douleur et plus souvent grâce à des circonstances favorables qu'à notre aptitude à la manette, ce qui est purement frustrant. Il faudra des nerfs d'acier ou une grande maîtrise du jeu pour traverser tout les niveaux sans en perdre l'envie. J'appliquerai à ce mode Histoire ce que j'appelle la sentence des trois "R" : répétitif, rébarbatif et répulsif !
Tout ça pour ça ?
Le mode Histoire terminé, vous aurez certainement acquis suffisamment de Ryos, dont vous êtes gratifiés à chaque victoire, pour déloquer la trentaine de persos disponibles, de nouvelles arènes et d'autres modes de jeu pour profiter pleinement de ce qui représente l'essence du titre, le mode Versus. C'est aussi là que se situe le paradoxe du jeu, car tout ce qu'il a vraiment à offrir, il l'offrait déjà dans les précédents épisodes. Si à l'époque on avait hâte de découvrir les nouveaux jutsu et les animations flashy qui vont avec, ou de suivre les héros au cours de leur évolution, l'effet de surprise a aujourd'hui disparu. On ne peut pas dire non plus que ce soit la qualité de la réalisation qui nous éblouisse, c'était plutôt l'apanage de la série Narutimate sur PS2. Alors, une poignée de nouveaux persos et une histoire qui progresse de quelques chapitres valent-ils que l'on investisse dans un nouveau jeu ? Y a-t-il de l'intérêt à se retaper une histoire que l'on connait par cœur, servie par une mise en scène pauvre et des dialogues d'une niaiserie affligeante ? On a parfois du mal à comprendre à qui s'adresse réellement ce titre. Avec ses combats féroces d'un côté et son ambiance à la Dora de l'autre, ce Clash of Ninja III exécute un grand écart qui claquerait même les adducteurs de ce cher JCVD. Je tiens aux miens donc je passe...
En tous points identique à ses prédécesseurs, ce Naruto Clash of Ninja Revolution III ne parvient toujours pas à s'imprégner des possibilités offertes par la Wii. On revisite la même histoire en usant des mêmes mécaniques vielles de dix ans, jusqu'à en être nous même usés. Si le titre a eu ses heures de gloire, elles sont loin et le GameCube n'est plus. Il est temps aujourd'hui de se renouveler autrement qu'en nous proposant des nouveaux persos, des gameplays anecdotiques ou des innovations plus symboliques qu'utiles. Cet opus a au moins le mérite de mettre une chose en lumière : sur Wii, Naruto doit évoluer ou mourir !