Naruto, ce n'est pas mon Shonen préféré. Ceci étant dit, comme beaucoup, je suis rentré dedans avec la version TV que j'ai suivi avec assiduité jusqu'à la confrontation Naruto / Sasuke, épisode à la réalisation grandiloquente... le dernier avant des filler tous plus pourris les uns que les autres. Pourtant, je n'ai jamais joué assidûment aux dizaines de déclinaisons vidéoludiques, certaines pourtant de grande qualité dans leurs genres respectifs... Jusqu'à l'atterrissage de Rise of a Ninja sur mon bureau. Une production occidentale sur cette licence japonaise, un game design ambitieux... il n'en fallait pas plus pour que je me lance.
Naruto, c'est un peu LA licence à fric de ces dernières années, en matière de jeux adaptés de mangas. Un joli coup pour Ubisoft, qui est dors et déjà assuré d'en vendre un bon paquet à tous les fans du blondinet ninja, dont la moyenne d'âge reste relativement basse. Et visiblement, ils en avaient conscience en développant leur adaptation, clairement portée vers la jeunesse.
Le vilain petit ninja
Pour ceux qui apprécient l'univers de Naruto, qui ne manque pas de charme, la proposition d'Ubisoft a de quoi séduire : modélisation complète de Konoha, le village caché des feuilles où sont nés Naruto et beaucoup de ses camarades, mécaniques de jeu empruntant à des styles variés allant de la baston en duel au RPG, en passant par le free roaming à la GTA (super simplifié), la plate-forme, les Zelda-like... sans oublier une fidélité maximale à toute la première partie de l'histoire originale, depuis son premier épisode. Ce qui nous fait commencer dans la peau d'un Naruto jeune, turbulent et particulièrement déprécié par les autres habitants de Konoha, qu'il faudra petit à petit séduire. Je l'avoue : en passant mes premières minutes dans cet univers, j'ai esquissé plusieurs sourires de satisfaction à retrouver si précisément de nombreux détails, ainsi que l'humour potache de la série. Bien ferré par l'exploration de Konoha et de ses alentours, et les mini-quêtes, j'ai entrepris d'amasser billets, pièces d'or anciennes cachées un peu partout, et sympathie des habitants de Konoha avec un plaisir certain.
Mais je n'ai plus 12 ans
J'ai beau avoir gardé un coeur d'enfant, fragile, sensible, innocent et toutes ces conneries, le premier mouvement de rejet que j'ai eu sur Naruto : Rise of a Ninja, c'est cette version française absolument merdique. Fort heureusement, Ubi a annoncé la venue de voix originales en japonais en téléchargement sur le Live, et ça, ça mérite les félicitations du Jury. Pour le reste, le Jury - c'est à dire moi-même - est passé, à mesure qu'il jouait, de "complètement sous le charme" à "conquis", puis à "soucieux", pour finir dans les effroyables abîmes du doute. Naruto : Rise of a Ninja est bourré de qualités et a fait l'objet, cela ne fait aucun doute, d'un soin tout particulier chez Ubi Montréal. Malheureusement, aussi riche soit la formule sur le papier, elle est à l'image d'un plat un peu trop épicé : au début, le goût surprend, excite, nous remplit la bouche de nuances tourbillonnantes, puis au fur et à mesure qu'on y revient, cette tornade de saveurs laisse échapper quelques arrière-goûts de vite consommé. Comme si tous ces ingrédients étaient des trompe-le-goût, destinés à masquer quelques soucis de profondeur dans l'aliment sous-jacent.
Ca reste très goûtu
Que l'on se rassure : ce Naruto là reste un jeu qui passionnera de bout en bout les gros fans, pourvu qu'ils soient assez jeunes ou peu regardants de certains détails. Les autres, dont je fais partie, y trouveront un jeu avec des très, très bonnes idées, à commencer par la gestion des magies ninja, les Ninpô, délicats à placer en combat car ils réclament des manipulations ne devant pas être interrompues pour être déclenchés, et parfois suivis d'un Quick Time Event à réussir sous peine d'avoir dépensé son chakra pour rien. La construction "zeldaesque" de la progression, à mesure que Naruto apprend de nouvelles techniques ou parfait les premières, l'exploration des moindres recoins de Konoha et des alentours, les scènes de course à toute vitesse de branche en branche dans les forêts, les modes supplémentaires pour se battre en duels, classés ou non, avec un casting de personnages assez sympa, une réalisation de très bon niveau, autant graphique que sonore (avec les musiques originales)... Voilà pour les nombreuses qualités du titre, qui vaut très certainement son prix.
Alors qu'est-ce qui cloche, Senseï ?
Ce qui cloche, c'est que malgré toute cette richesse apparente, certains finiront par avoir la sensation de faire toujours la même chose. Les combats, toujours en duels, sont plutôt bien faits, mais n'égalent évidemment pas ceux des titres dédiés à ce genre, et on peut malheureusement trouver des failles importantes au système (typiquement, un coup qui garantit quasiment la victoire, ou une manoeuvre qui rend l'IA immobile quelques secondes). Malgré la progression rapide de Naruto, autant dans son capital sympathie avec les habitants qu'en puissance, les quêtes secondaires, au début amusantes et dans l'esprit un peu débile de la série, manquent beaucoup de renouvellement. Lorsqu'on y regarde à deux fois, même le Konoha admirablement modélisé ne cache pas tant de secrets que cela... Bref, Naruto : Rise of a Ninja est un bon jeu, qui retrace fidèlement le début de l'histoire de l'apprenti Ninja et qui saura satisfaire les amateurs de la série, tout comme les joueurs capables de mettre leurs exigences d'esthètes de côté. La voie du Ninja ne manque pas de charme, mais quand on la pratique, elle finit par devenir un métier comme un autre, avec ses rituels et son train-train qu'on connaît par coeur...