Muramasa : The Demon Blade, au même titre que d'autres perles comme No More Heroes ou Okami, ne connaîtra certainement pas un immense succès. Mais, une fois n'est pas coutume, il dote la Wii d'un titre qui mérite toute l'attention des gamers, des vrais, et particulièrement de ceux qui apprécient la belle 2D et les formules un peu rétro. Petit tour d'un jeu unique et envoûtant...
La 2D n'a pas dit son dernier mot ! Voilà le constat qui s'impose, après avoir été calmé par les sublimes visuels de Muramasa. Le studio Vanillaware, à qui l'on doit déjà un certain Odin Sphere, a une fois de plus fait mouche en nous proposant des graphismes 2D tout simplement somptueux, qui donnent à cet Action-RPG une aura et une classe carrément irrésistibles. L'action se situe dans le Japon du XVIIème siècle et nous propose un florilège du folklore nippon de l'époque, sous la forme de multiples estampes qui prendraient littéralement vie sous nos directions. Les mots me manquent pour décrire le délice avec lequel on profite de cette atmosphère, car pour ne rien gâcher, les musiques qui nous accompagnent durant le voyage (signées Hitoshi Sakimoto) se marient à merveille avec cette prouesse visuelle de tous les instants, elle même appuyée par des animations superbement détaillées. Bref : c'est du grand Art, du travail d'orfèvre, et le coup de foudre est carrément garanti pour quiconque apprécie un minimum la culture et l'histoire du Japon... mais aussi les formules un brin old-school, il faut bien le dire.
Le feu sacré
On commence par choisir son personnage, la princesse Momohime ou le jeune ninja Kisuke, puis un niveau de difficulté approprié, pour enfin se lancer rapidement dans une aventure à travers différentes régions du Japon, aux décors divisés en petits "tableaux" successifs. On découvre alors immédiatement un système de combat très simple, mais redoutable d'efficacité. Un bouton pour asséner des coups d'épée comboïsables, qu'on laisse enfoncé pour se mettre en garde, un autre pour lancer des attaques spéciales lorsque la lame est chargée d'énergie, puis le stick (ou la croix si l'on utilise un pad classique ou GameCube) qu'on utilise avec ses coups de base pour les faire varier. Avec ces simples combinaisons, on peut déjà briser la garde de son ennemi, l'entraîner dans les airs, le reprendre trois fois avant de retoucher le sol, enchaîner une attaque spéciale, trancher un ou plusieurs autres malheureux... Les joutes sont ultra rapides et ont une pêche folle, irrésistible, jubilatoire même, lorsqu'on s'habitue aux commandes et surtout au timing, crucial. Seul petit bémol : on aurait aimé que le saut soit sur un bouton et non sur la direction haut, même si cela reste jouable.
La véritable subtilité vient en réalité des sabres, qu'on débloque et qu'on collectionne au fil de l'aventure et autour desquels tout est centré. Vous pourrez en équiper trois différents, chacun ayant ses propres spécificités (taille, puissance, coup spécial, attributs bonus...), et pourrez passer de l'un à l'autre à votre guise durant les combats, d'une simple pression sur un bouton dédié. Au moment de dégainer une nouvelle lame, si celle-ci a été au repos suffisant longtemps, vous pourrez au passage slasher tout les ennemis présents à l'écran et poursuivre votre enchaînement, semant la mort sans relâche dans des combos ininterrompus, liquidant parfois des brochettes entières en un temps record et sans vous faire égratigner ! Grisant... Contre certains ennemis plus coriaces et surtout contre les boss - souvent gigantesques et toujours classes, comme on les aime quoi - il faudra bien sûr ajouter une petite touche de stratégie supplémentaire, une attention particulière aux brèches et aux points faibles, pour un bonheur simple mais sans cesse renouvelé. Dernière subtilité, l'utilisation de la garde et des coups spéciaux de chaque sabre fait baisser sa jauge de résistance : un paramètre à surveiller pour éviter que la lame ne se brise. Si cela arrive, il faudra la garder au fourreau jusqu'à ce qu'elle se régénère.
La voie du sabre
Comme tout bon Action-RPG qui se respecte, Muramasa propose des objets et équipements divers et variés, mais aussi et surtout un système de progression du personnage, de montée par niveaux, histoire de tenir le joueur en haleine quelques longues heures. Concrètement, vous gagnerez après chaque combat des points d'expérience, qui vous permettront d'utiliser des sabres de plus en plus puissants. Pour débloquer ces derniers (il y en a plus de 100 !), on passe par un vaste tableau de chasse, tout en arborescence, sur lequel on choisit des cheminements. Forger une nouvelle lame n'est évidemment pas gratuit et il faudra utiliser les âmes glanées pendant l'exploration ou les combats. Il faudra également disposer de la vitalité nécessaire, et c'est précisément là qu'entre en jeu l'un des autres éléments importants du gameplay... la cuisine ! En récupérant des livres de recettes et des ingrédients, vous pourrez en effet vous mijoter des petits plats typiquement japonais et les déguster immédiatement, ce qui remplira votre jauge de vie bien sûr, mais vous gonflera surtout en vitalité pour pouvoir forger de nouvelles lames. Et puisque vous vous posez la question : un principe de satiété est aussi de la partie, sous forme de jauge, et il vous interdira de manger tant que vous n'aurez pas à nouveau faim ! Pas con.
Délicieusement old school
Bref, comme beaucoup de jeux d'action à l'ancienne, le concept de Muramasa a le mérite d'être simple, immédiatement assimilable par le joueur, mais de livrer des sensations de jeu emballantes. Comme des jeux à l'ancienne encore une fois, il souffre peut-être aussi un peu d'une certaine linéarité dans le déroulement (on passe de tableau en tableau, on tue un boss, on brise une barrière vers de nouvelles provinces et ainsi de suite), ou encore d'un scénario un peu en retrait (qui se limite à quelques dialogues avant chaque boss). Sa durée de vie pourra sembler un peu limitée également à ceux qui n'apprécient que moyennement de recommencer l'aventure 4 fois pour voir tous les boss (qui changent d'un perso à l'autre) et les fins alternatives... Bref, il faut savoir apprécier ce trip old-school. Peut-être être un "vieux joueur", je ne sais pas, en tout cas pour ma part ces petits bémols sont irrémédiablement gommés devant le festin visuel, dont on a de cesse de s'émerveiller, et devant un gameplay tellement maîtrisé dans son genre...
Avec Muramasa, Vanillaware réussit donc un petit coup de génie visuel, un festin pour nos rétines, un enchantement qui s'apparente à de véritables estampes en mouvement. Un folklore classique qui prend vie grâce à des animations très réussies et une bande son parfaitement dans le ton, le tout dans une atmosphère simplement envoûtante. Pour ne rien gâcher, le système de combat offre un punch incroyable, la montée en puissance des sabres est prenante... On pourra tout de même lui reprocher sa répétitivité, sa linéarité ou encore ses mini-tableaux un peu trop recyclés, son scénario légèrement en retrait, mais impossible pour autant de bouder une telle réussite si l'on est sensible aux charmes de la belle 2D, au Japon des samouraïs et surtout aux brillants jeux d'action d'antan. Une perle qu'on a plaisir à voir débouler sur nos Wii européennes en tout cas. Surtout pour une quarantaine d'euros à peine...