Avec Street Fighter IV, Capcom a su remettre au goût du jour la baston 2D et conquis le public, déjà amateur ou bien plus néophyte. Depuis, nombre de studios tentent de marcher dans son sillage mais, au final, très peu parviennent à véritablement convaincre. Parmi eux, le Mortal Kombat de 2011, suffisamment bien dépoussiéré, avait réussi à tirer son épingle du jeu. La mouture 2015 réitère-t-elle l'exploit ?
Nous n'allons pas nous appesantir sur le fait que le titre est aussi beau que gore. D'autant plus gore qu'il est beau. CQFD. Les décors, variés et fournis, fourmillent de détails et animations en tous genres. Les personnages bénéficient de fines textures et mouvements très fluides (il n'y a plus ce côté rigide propre à la série). Divers effets visuels ponctuent régulièrement les stages, d'autres s'affichent sur les combattants. Salis, meurtris, ils en prennent plein la tronche et ça se voit à l'écran. Ca se ressent même, certaines attaques donnant carrément froid dans le dos. Et je ne parle même pas des X-Rays, Fatalities et autres Brutalities, tout simplement trash, parfois à la limite du supportable. Preuve que les choses n'ont pas été faites à moitié, les développeurs chez NetherRealm Studios sont allés aussi loin dans le délire hardcore qu'ils ont peaufiné le produit. Ne tournons donc pas en rond, à ce niveau, Mortal Kombat X est carré.
Here come new challengers
Tiens, parlons-en des victimes combattants. Au nombre de 25 (avec bien évidemment des DLC payants à venir - soupir...), ils regroupent plusieurs têtes connues mais surtout de nombreux nouveaux arrivants. La plupart de ces derniers sont d'ailleurs les progénitures ou affiliés d'anciens participants du tournoi (ce 10ème épisode se déroule en effet une vingtaine d'années après les derniers événements contés dans l'univers Mortal Kombat). Aux côtés de vieillissants Kano, Liu Kang et autre Kung Lao, nous faisons ainsi la connaissance de la fille de Jax, Jacqui, le fils de Kenshi, Takeda, ou bien encore Cassie, fruit de l'union entre Johnny Cage et Sonya Blade. En parlant de celle-ci, il est amusant de noter qu'elle n'a pas trop souffert du poids des années, contrairement à son grisonnant ex-mari (oui, oui, le mode Story comporte quelques éléments tout droit issus des Feux de l'Amour !). Pareil pour Kitana, aussi fraîche qu'au premier jour. De l'inégalité des sexes...
On a donc droit à un véritable choc des générations, dans lequel sont venus s'immiscer des trouble-fêtes. Les plus notables restent, à mon sens, la femme insectoïde D'Vorah, le duo improbable Ferra/Torr et Erron Black, le cowboy ninja (!).
Un regret : je trouve dommage que tous les acteurs du dernier volet n'aient pas été implémentés. Ca reste toutefois de l'ordre du chipotage, étant donné qu'il y a déjà largement de quoi faire avec ce casting, grâce notamment à une grosse refonte de la palette de coups ainsi qu'un système de variations, qui demande un réel apprentissage de chacun des protagonistes. Surtout que tels des Ryu et Ken de Street Fighter, Scorpion et surtout Sub-Zero, sont pour le moment adoptés par la majorité de la communauté. Vous allez en bouffer jusqu'à l'écoeurement en ligne !
Kanada Dry
Afin d'aborder le sujet du gameplay, je vais traiter d'un personnage que je connais bien et que j'utilisais déjà dans le reboot 2011 de Mortal Kombat, Ermac, le ninja momifié (ou momie « ninjaïfiée », au choix). Quand je parlais de remaniement de prise en main, il en est le parfait exemple. Il s'appelle Ermac, il ressemble à Ermac, mais il ne se joue plus vraiment comme Ermac.
Tout d'abord, son mode de déplacement a radicalement changé. A l'instar de son look (passant d'un guerrier de l'ombre à un sombre magicien), il ne se meut plus les pieds à même le sol et flotte désormais dans les airs. Cela n'a l'air de rien, mais le feeling peut dérouter.
Ensuite, vous pouvez oublier tous les combos que vous aviez appris jusqu'alors. Ils ne fonctionnent tout bêtement plus ! La raison est simple : la plupart des coups basiques ont subi de grosses modifications. Cela implique une nouvelle façon de penser Ermac. Je trouve maintenant qu'il est davantage tourné sur la contre-attaque qu'auparavant. Pour tout dire, j'avais tendance à rusher avec lui dans MK9. Selon moi, il possédait dans son arsenal suffisamment de starters/launchers et de chains efficaces pour bien agresser l'adversaire. Dans MKX, on aura plus tendance à zoner et caler des counters en réaction, puis enchaîner au maximum bien sûr. Du moins, pour sa forme Mystic, car si vous décidez de le prendre en Spectral ou Master of Souls, vous aurez d'autres outils pour le manier encore différemment.
Les Character Variations apportent donc une vraie richesse dans le gameplay et permettent de découvrir les fighters sous d'autres facettes : plus offensif, défensif, à base de traps, utilisation de sidekicks, etc. Au final, on se retrouve presque devant 3 fois plus de persos que prévu !
A block !
A cela s'ajoutent toutes les subtilités de la touche Block, et vous comprendrez vite que vous allez passer du temps dans le Training Mode (et dans les différents décors aussi, histoire d'apprendre l'emplacement ainsi que l'utilité des éléments interactifs, pour en tirer le meilleur une fois face à un adversaire). Training Mode qui aurait d'ailleurs gagné à être plus pointu. On aurait ainsi aimé pouvoir s'exercer à exécuter tous les coups disponibles ainsi qu'apprivoiser quelques enchaînements. Ici, il faudra faire preuve de patience, de jugeote et chercher soi-même. Heureusement que les frame datas sont disponibles et peuvent grandement aider à la construction de son propre style.
Pour en revenir au Block, Mortal Kombat est l'une des rares franchises à demander d'appuyer sur un bouton afin de se protéger. Soit. Dans la neuvième itération, il permettait en plus d'améliorer les attaques spéciales et de casser des combos adverses. C'est toujours le cas. Mais ici, on lui a encore affublé d'autres fonctions. Par exemple, la course du troisième volet est de retour et il faut presser 2 fois en avant puis sur Block, consommant de l'endurance (au passage qui sert aussi à dasher et opérer des back-steps). Il est aussi possible d'annuler une projection avec afin de surprendre son opposant. Enfin, on s'en sert pour les Faction Kills (coups finaux propres aux clans online - voir plus bas). Bref, le Block c'est bon, mangez-en !
Des modes et des hommes
Riche dans son apprentissage, Mortal Kombat X l'est aussi dans son contenu. Le Story Mode, malgré des cinématiques un peu beaucoup "kitschouilles" (avec des visages bien niais et des situations parfois drolatiques quand même), vous tiendra en haleine pendant 4-5 heures (en tenant compte de toutes les cutscenes). Pas mal pour un jeu de baston. D'autant plus qu'il y a des QTE scénaristiques afin de tenir éveillé, et surtout c'est l'occasion de se familiariser avec bon nombre de personnages, puisque vous incarnerez plusieurs d'entre eux à tour de rôle.
Le système de tours (succession d'adversaires à vaincre sous conditions particulières - poison, commandes et/ou décors inversés, pièges en tous genres, options de vie, vitesse modifiée, etc.) à gravir répond une nouvelle fois présent. Ces classiques tours sont donc toujours là mais on s'intéressera davantage aux Living Towers. C'est peu ou prou la même chose sauf que le format change selon le moment où vous jouez. Ainsi, il en existe trois sortes distinctes : celle qui varie chaque heure, une autre chaque jour et enfin une Premium qui est modifiée chaque semaine. En fait, selon la Living Tower choisie, le nombre d'ennemis, de modificateurs et de défis varie.
A côté de ça, nous retrouvons la bonne vieille Krypte - labyrinthe vu à la première personne - où l'on va débloquer moult trésors avec l'argent accumulé pendant les parties : skins, musiques, artworks, finishes, crédits pour passer les combats du Story Mode, etc. Pendant vos péripéties, vous croiserez de temps à autre des ennemis qui tenteront de vous avoir par surprise, un QTE réussi plus tard et ils ne seront plus que pièces d'or. Et hop dans la poche ! Mais bon, il va falloir s'accrocher et économiser énormément car la map, immense, demandera un max de ressources.
Choose your destiny
Reste le sel du produit : toute la partie online ! En vous connectant, il vous est demandé de sélectionner un clan parmi 5. En combattant sous une bannière, vous ferez gagner des points d'expérience à votre faction, avec des bonus selon les modes joués, les combats effectués, les adversaires rencontrés, les défis relevés, les succès débloqués, etc. Quelle que soit votre partie, vous apporterez une contribution. Il y a un vrai sentiment d'implication et de gratification très plaisant dans le process. A la fin de la semaine, se dresse le bilan et la faction qui a engrangé le plus de points remporte diverses primes. A noter qu'en rejoignant un clan, vous accédez à de nouvelles fatalités, les fameux Faction Kills, histoire de varier un peu plus les plaisirs sadiques en fin de match.
Une fois un groupe choisi, à vous les joies du Versus (ranking ou pas), du Team Battle, et d'autres options telles King of the Hill ou Tower, que je trouve particulièrement bien pensées. Dans le premier mode, plusieurs joueurs se retrouvent dans une salle commune et le gagnant reste après chaque combat. L'objectif est bien entendu de tenir le plus longtemps possible sur le trône et de gagner le respect de ses pairs. En effet, à la fin des duels, les spectateurs peuvent attribuer une note au vainqueur, qui lui servira de réputation. On peut aussi réagir via des emojis pendant les fights. Assez sympa. Le second, quant à lui, oppose plusieurs personnes faisant face aux mêmes obstacles d'une tour, et à la fin de celle-ci (ou une fois le temps écoulé), les résultats sont calculés selon les performances de chacun (temps mis pour compléter la tour, vie restante, coups spéciaux utilisés, etc.). Encore une fois un mode très compétitif.
Doser c'est bien, manquer de dosage, moins...
S'il fallait relever des points négatifs, je dirais que la partie online n'est pas tout à fait au point. Il subsiste encore quelques soucis serveur faisant parfois disparaître certaines options. Plus grave, le délai entre chaque sélection de mode ou d'attente d'adversaire est incroyablement long. On a le temps de faire autre chose à côté. Un comble ! Quant au matchmaking, il semble encore très aléatoire : en ranking, ça ne semble pas se caler à notre palmarès. Résultat, on se retrouve face à tout et n'importe quoi, du joueur fraîchement débarqué à celui qui a déjà squatté jusqu'à la mort. Pas très équilibré tout ça.
En parlant d'équilibrage, je mets un point d'honneur à pester contre les X-Rays. Au même titre que les Critical Finishes apparus dans SoulCalibur IV, je trouve ces attaques totalement WTF. Elles ont vraiment l'air de passer quasiment n'importe quand et semblent pouvoir tout contrer : assauts aériens, projections, à la relevée, au pif... On peut les cuisiner à toutes les sauces, et je ne trouve pas cela forcément mérité, surtout qu'il suffit d'appuyer sur 2-3 touches en même temps (selon les raccourcis utilisés). Et ça arrache quand même une bonne partie de la barre de vie ! Le ratio risque/récompense manque clairement de cohérence, ce qui fait un peu tâche dans un titre qui se veut de plus en plus technique... Qu'ils changent au moins la manip' !
Il suffit de quelques réglages pour que l'expérience Mortal Kombat X soit réellement excellente : stabiliser le serveur réseau pour éviter de se retrouver avec des options indisponibles (ceci dit, les combats tournent plutôt pas mal), réduire les temps d'attente en ligne, optimiser le matchmaking et surtout revoir le concept-même de X-Ray. Ce coup spécial très graphique a certes sa place dans la franchise, mais dans l'état, il peut finir par devenir injuste et carrément dégoûter du jeu. Ce serait dommage au vu du produit final, qui reste quand même très bon, aussi bien sur la forme que le fond. Allez, je vais brûler des cierges sur la tête de Raiden...