S'il existe un bon paquet de jeux de baston, seules quelques licences sont réellement devenues populaires. Ou du moins, ouvertes au grand public. En réalité, si l'on met de côté SoulCalibur, disparu depuis de trop nombreuses années, on a trois grands noms qui nous viennent à l'esprit : Street Fighter, Tekken et Mortal Kombat. Fait amusant, ils ont tous le droit à un nouvel opus à quelques mois d'intervalle. Street Fighter 6 a ouvert le bal, Tekken 8 le clôturera, et entre les deux, c'est ce bon vieux Mortal Kombat 1 qui vient distribuer des mandales. Enfin, vous connaissez la licence, elle ne se contente pas de frapper. Elle étrippe, démembre et torture son casting dans un déluge de mises en scène grandiloquentes et des hectolitres d'hémoglobine. On est là pour ça en même temps.
Mortal Kombat 1 est un jeu un peu particulier. Il se pose ici comme un vrai-faux reboot, comme une vraie-fausse suite. La communication autour du jeu a volontairement brouillé les pistes, mais les différentes présentations auxquelles nous avons tous eu droit par la suite ont vendu la mèche. Mortal Kombat 1 est, scénaristiquement, une suite, mais également un redémarrage de la franchise. À l'instar de ce qu'ont fait Marvel ou encore DC, NetherRealm a décidé d'offrir une seconde jeunesse à son univers, sans pour autant lui enlever son identité. Le studio a jugé qu'il était temps de faire un peu de ménage, d'aérer un peu le lore de son jeu et d'offrir un ravalement de façade à tous ses personnages. Pauvre Nitara…
Mortal Kombat 1 appuie sur restart
Un pari un peu risqué puisqu'il pouvait tout à fait ne pas plaire du tout aux puristes, aux fans hardcore, et ils sont nombreux. Mortal Kombat est la licence de jeu de combat la plus vendue de tous les temps, loin devant Street Fighter et consorts. Il fallait donc être relativement courageux pour décider de refondre l'intégralité d'un monde qui a mis des dizaines d'années à se construire. Mais c'est finalement payant.
À vrai dire, ce qui a surtout été touché, c’est toute la trame et les personnages qui avaient déjà profité du nouvel élan de la franchise avec Mortal Kombat 9. Depuis cet épisode, les MK ont tous profité d'un mode histoire hyper bien foutu qui arrivait à nous tenir en haleine de nombreuses heures. De véritables films d'action où les joueurs intervenaient à chaque combat. S'est alors dessinée une histoire sur plusieurs années, d'un jeu à l'autre jusqu'à MK11 qui a scellé le sort de tout le monde à sa toute fin. Du moins jusqu'à Mortal Kombat 1. Le jeu reprend des millénaires après le onzième épisode. Liu Kang, devenu divin à la fin de MK11, crée un tout nouvel univers dans lequel les grands vilains de la franchise comme Shang Tsung, Quan Chi ou encore Shao Kahn et Sindel voient tous leurs vies totalement changées pour assurer la paix. Sauf que, vous l'avez deviné, tout part en sucette très rapidement.
Surprenante, la trame de ce Mortal Kombat 1 commence comme un film d'action fantastique, avant de se transformer en une épopée aux conséquences totalement lunaires mais assumées. En vérité, si vous suivez un peu les tendances au cinéma ou dans les comics, vous ne serez pas surpris par la tournure que prennent les événements. Mondes parallèles, puissance cosmique… NetherRealm ouvre les vannes et se lâche complètement. Mais quelle réussite ! Le mode histoire se suit de bout en bout et profite d'une mise en scène ultra bien fichue. Alors oui, le fil conducteur part dans tous les sens, mais c'est bien écrit puisque c'est très drôle et bourré de références. On ne s'ennuie pas un seul instant durant ces quelques heures de fun.
C'est aussi l'occasion d'en prendre plein les mirettes, car Mortal Kombat 1 est une véritable claque graphique. Une masterclass technique et artistique. Un monstre visuel tout simplement. C'est superbe, ultra détaillé, fluide en toutes circonstances, que l'on soit en train de se battre ou non. Les décors regorgent de détails. Déjà, les arènes dans lesquelles on ira se battre sont de véritables invitations au voyage. Il y en a un peu moins de 20 pour le moment, mais c'est suffisant. C'est vraiment sublime, les arrière-plans sont vivants, et le niveau de détail impressionne. Mais pas besoin d'aller bien loin pour être bluffé de toute façon, puisque même de près, Mortal Kombat 1 en met plein la vue. Les animations sont assez incroyables, même hors combat. C'est d'autant plus vrai au niveau des visages, ce qui assure en même temps une synchronisation labiale de haute volée. J'en ai pris littéralement plein les yeux que ce soit sur PS5 ou sur PC, les deux versions utilisées pour ce test. Mortal Kombat 1 est peut-être même le plus beau jeu que j'aie eu l'occasion de voir à l'heure où ces lignes sont écrites.
Le reboot malin, le reboot utile
Mais le mode histoire n'est pas là que pour nous en mettre plein les yeux et nous faire passer un excellent moment. C'est aussi un moyen et une excuse pour NetherRealm de revoir l'intégralité de son œuvre. Les origines des personnages changent, certains anciens méchants deviennent gentils et inversement. Les relations entre les uns et les autres sont également différentes, et même s'il y a de très grands absents, les têtes que l'on connaît désormais tous n'ont pas pris une ride. Johnny Cage reste fidèle à lui-même, Sindel, Kitana et Mileena sont plus belles que jamais, Shao Kahn et Geras sont ultra charismatiques… le roster se compose actuellement de 22 personnages jouables ( Shang Tsung étant un bonus de préco, je ne le compte dans le roster initial ) hauts en couleur et suffisamment différents pour que chacun trouve midi à sa porte. Et oui, Scorpion et Sub-Zero sont bien là, impossible de faire un Mortal Kombat sans les deux têtes d'affiche.
Leur design a également changé, on aime ou non, c'est selon, mais le fait est que la nouvelle direction prise par le studio, plus réaliste que jamais, est réussie. Bon par contre, oui, Megan Fox en Nitara, personne n'y croit, heureusement, son temps de présence à l'écran dans le mode histoire est limité, et on a des personnages comme Johnny Cage, Kenji, ou encore Shang Tsung qui relèvent très largement le niveau. Ouf !
On a donc le droit à un casting cinq étoiles pour ce nouvel opus, mais je ne peux pas m'empêcher d'être déçu. Non pas que certains personnages me manquent particulièrement, même si le fait que Sonya Blade ne soit pas présente soit un affront. Non, si je peste, c'est parce qu'à cause d'une politique de DLC intrusive, disons-le clairement, il nous manque des combattants jouables pourtant bien présents dans le jeu de base, puisqu'on les affronte carrément dans le mode histoire ! Oui, on vous voit, Quan Chi et Ermac, déjà prévus pour le pack de DLC 1. Il n'y a pas à dire, ça c'est la honte absolue, c'est ridicule.
Malgré tout, Mortal Kombat 1 reste un jeu généreux à plus d'un titre. En plus du roster jouable, il accueille une quinzaine de personnages secondaires, disons, Kaméo, qui peuvent intervenir sur commande lors des combats. Une mécanique amusante qui sert surtout ici d'excuse, encore une fois, pour intégrer une tonne de personnages (et une tonne de DLC, disons-le clairement). Sonya Blade, Kano, Sub-Zero, Frost… des versions old school de nos héros favoris. Malheureusement, aucun de ceux-là n'est jouable. On remarquera que certains persos sont disponibles dans leur nouvelle version dans le roster jouable, mais c'est tout.
FIGHT !
Il n'empêche que ces personnages Kameo sont très utiles en combat. Dans Mortal Kombat 1, avant de lancer l'affrontement, on choisira désormais deux héros : celui que l'on contrôlera directement et un Kameo. Ce dernier pourra être appelé à la rescousse à tout moment, tant que sa jauge de disponibilité est pleine. Cette fonctionnalité ouvre de nouvelles opportunités puisque vous pouvez grâce à eux prolonger vos combos, vous ouvrir des fenêtres d'attaque autrement inaccessibles ou briser les combos adverses, histoire de ne pas finir la tronche écrasée dans l'un des coins de l'écran.
Les affrontements se déroulent à l'ancienne, dans une arène plane en 2D. Pas d'interaction avec le décor cette fois, c'est du combat direct pur et dur. Mortal Kombat 1 repose sur un système de combo à quatre touches (poing rapide/lent + pied rapide/lent). Bien entendu, les attaques spéciales et les combos sont de la partie. On peut toujours faire des prises, sauter, bloquer… et les Fatal Blow sont toujours présents. Ce sont des attaques spéciales que l'on ne peut déclencher que lorsque notre barre de vie est basse, mais on ne peut les utiliser qu'une seule et unique fois lors d'un combat (même si celui-ci est en plusieurs rounds). Redoutables, les Fatal Blow infligent d'immenses dégâts la plupart du temps et sont aussi l'occasion d'en prendre plein la tronche. Leur mise en scène est dantesque à chaque fois et appuyée par des effets rayon X saisissants. Plus globalement, les animations en combat et les jeux de caméra ont sérieusement été améliorés depuis Mortal Kombat 11, pourtant déjà de très bonne facture à l'époque.
Pour le moment, aucun personnage ne semble dominer plus que d'autres et chaque héros a ses avantages et inconvénients. Kitana, par exemple, frappe vite, contrôle rapidement les airs mais inflige peu de dégâts comparé à un Général Shao qui, quant à lui, est plus lent mais punit sévèrement. La plupart du temps, chaque personnage peut jouer sur différents tableaux (combos au sol, aériens, prises, attaques spéciales…) mais tous ont des affinités avec un style de jeu à chaque fois. À vous de trouver votre combattant favori. Il y a largement de quoi faire et tout le roster a profité d'un soin tout particulier. Les chorégraphies des combos sont classes et surtout lisibles, peu importe le perso choisi. Un point extrêmement important qui permet une lecture du jeu impeccable et même abordable pour les néophytes. Même si certains combos peuvent être complexes à réaliser et demanderont de l'entraînement, Mortal Kombat 1 est accessible, mais dans le très bon sens du terme.
De plus, il propose une tonne de personnalisation dans les options afin de faciliter un peu la vie ou même de combler certaines lacunes. On notera aussi un très grand nombre d'options de personnalisation de l'expérience liée aux handicaps comme l'audio description avancée, différentes colorimétries possibles, et des raccourcis rapides. Tout est fait pour que les joueurs et joueuses, peu importe leur profil, puissent profiter du jeu dans d'excellentes conditions.
Un jeu accessible mais pas à mettre en toutes les mains
On ressent d'ailleurs cette volonté de s'ouvrir à tous lorsque l'on pointe le bout de son nez dans l'onglet entraînement. Si les habitués pourront se friter contre une IA en entraînement libre, ceux n'ayant pas spécialement d'affinité avec le genre pourront se jeter corps et âme dans un tutoriel extrêmement détaillé et très bien fourni. C'est certainement l'un des meilleurs modes d'entraînement de ces dernières années d'ailleurs. Mortal Kombat 1, comme MK11 à son époque, vous apprend le jargon du jeu de combat, les différentes positions, l'importance des frames (le nombre d’images) de chaque animation, etc. Il vous prend par la main pour vous entraîner sur chacune de ses mécaniques et vous aide à comprendre chaque spécificité des jeux de combat et même de chaque personnage, puisque vous pouvez ensuite vous entraîner avec vos héros favoris en essayant de placer des combos plus ou moins longs et avancés. Plus que jamais, Mortal Kombat 1 est un jeu ouvert à tous. C'est d'ailleurs ironique dans la mesure où l'on ne peut clairement pas le mettre entre toutes les mains.
Ne faites pas les surpris, vous le savez pertinemment, Mortal Kombat est un jeu extrêmement violent. Il pousse le gore et la violence à son paroxysme à chaque fois et ici encore, c'est le cas. Les fatalités, la marque de fabrique de la maison, sont toujours là et enfoncent des caisses. Démembrements, entrailles éclatées, du sang à gogo, des corps broyés, c'est un festival. En revanche, aussi gore qu'elles puissent être, ces nouvelles Fatalités font certainement partie des plus sages de ces dernières années. Il faut dire que MK X et MK 11 avaient mis la barre très haut (je ne me remets toujours pas de celles d'Ermac dans Mortal Kombat X). Les développeurs n'ont pas chômé, d'autant qu'ici encore, c'est extrêmement détaillé. Il n'y a pas à dire, les fatalités de Mortal Kombat 1 sont extrêmement gores et jubilatoires au possible.
Un nouveau mode de jeu solo
En plus d'être extrêmement jouissives, ces dernières peuvent être utiles puisqu'elles permettront de gagner de l'expérience supplémentaire dans l'un des tout nouveaux modes de jeu, le mode Invasion. Totalement inédit, il fait écho à cette volonté qu'a le studio de revoir sa copie. Mortal Kombat 1 est un reboot et sa renaissance en fait un jeu service ! Alors non, ne fuyez pas, car ici c'est une excellente chose en réalité. Le studio proposera un système de saisons avec son mode Invasion, et à chaque fois ce sont de nouveaux défis qui vous attendront. Ce mode de jeu prend la forme d'une sorte de jeu de plateau façon Mario Party. On se déplace de case à case dans des environnements connus de la licence, et à chaque fois un événement se déclenche. Ce peut être l'un des fameux tests de force si chers à la franchise, ou un combat. Parfois, ces derniers ont des modificateurs qui s'appliquent pour rendre la chose plus difficile.
En Invasion, chaque personnage (jouable, ennemi ou caméo) est également lié à un élément, réagissant entre eux à la manière d'un Pierre-Feuille-Ciseaux. Ce qui signifie que l'on se retrouvera souvent obligé de changer de personnages pour survivre face aux combats les plus difficiles en jouant avec ces fameuses statistiques élémentaires. D'ailleurs, on pourra gagner de l'expérience au fil des parties et dépenser des points d'XP pour améliorer les stats de nos héros, ou encore trouver et forger de l'équipement afin de les rendre plus performants ou de leur offrir carrément de nouvelles capacités temporairement. Oui, c'est un véritable jeu dans le jeu entièrement dédié aux joueurs solo, et surtout, qui n'a absolument rien de pay-to-win. Il n'y a par ailleurs aucune notion d'équipement et de statistiques dans les autres modes de jeu, que ce soit en mode histoire, Arcade (les fameux Tours) ou en ligne (compétitif ou amical).
Il y a tout de même bel et bien de la personnalisation, d'armes, d'équipement et même de fatalités (prochainement), mais tout est purement cosmétique. Certaines récompenses saisonnières se récupéreront en jouant au mode Invasion, d'autres se monnayeront avec de l'argent réel, mais rien d'intrusif cette fois. Pas plus mal, on a déjà assez à faire avec les DLC prévus sur des années.
Mortal Kombat 1 est excellent mais…
C'est donc via une simple boutique virtuelle avec de l'argent in-game (ou réel) que l'on débloquera désormais nos cosmétiques. Vous l'aurez compris, la Krypte est absente de ce Mortal Kombat 1. Un véritable blasphème pour les puristes. Pour ceux qui ne le savent pas, c’était un mini-jeu dans le jeu qui permettait de dépenser de l'or gagné en combat afin de débloquer des objets et des goodies numériques comme des archives ou des concept-arts. La force de ce mode était qu'à chaque épisode, c'était une nouvelle aventure. Des environnements dans lesquels on pouvait évoluer, découvrir des secrets, etc. Tout ça c’est maintenant terminé. Une partie du concept a été reprise dans le mode Invasion, et le reste passera par les menus.
Plusieurs monnaies, un mode saisonnier, des boutiques… Oui, Mortal Kombat 1 épouse et assume sont statut de jeu service. On aime ou on n’aime pas, c’est selon. Le fait est qu’ici tout est principalement cosmétique. L’or qui permet de mettre la main sur du contenu de collection (illustrations, concept arts) se récupère en jouant au même titre que l’argent saisonnière, qui quant à elle est à dépenser dans une boutiques spéciale bourrée de cosmétiques qui changeront à chaque saison. Enfin, il sera possible d’acheter des Cristaux Dragon avec de l’argent réel pour mettre la main sur des cosmétiques exclusifs dans une boutique dédiée.
On ne parlera pas ici de véritable virage ou de nouveautés. Mortal Kombat a toujours été une licence à polémiques sur le sujet. Sa politique de DLC, ses boutiques et parfois même sa tendance au Gacha font que la licence ne pourra jamais vraiment atteindre l’excellence qu’elle touche du bout du doigts. C’est comme ça. Fort heureusement, Mortal Kombat 1 tel qu’il est se suffit à lui-même et il n’est nullement entravé par son modèle économique.